Critique théâtre | Le repas des fauves au Théâtre du Rideau Vert
Pour sa dernière production de l’année, le Théâtre du Rideau Vert nous plonge en plein coeur de la Deuxième Guerre mondiale sous l’Occupation allemande avec Le repas des fauves. Sept amis placés devant un choix impossible, laissera ressortir leur instinct de survie, tous les coups seront permis pour sauver leur peau. Une situation insoutenable, qui pourtant, prend des airs de légèreté et d’éclats de rire.
Paris 1942, dans un chic appartement, Victor (François-Xavier Dufour) et sa femme Sophie (Marie-Pier Labrecque) reçoivent leurs amis pour l’anniversaire de la jeune femme. Malgré le rationnement, les convives ont l’esprit festif chacun ayant réussi à dégoter au marché noir un présent des bas de soie et du saucisson, on savoure le champagne. Tout bascule lorsque deux coups de feu résonnent, deux officiers allemands ont été froidement abattus devant l’immeuble. Un officier de la Gestapo (Frédéric Desager) interrompt la petite fête : les convives doivent choisir parmi eux deux otages en représailles des meurtres, on leur laisse deux heures pour choisir. Tous ont une bonne raison de ne pas vouloir se sacrifier; la veuve de guerre (Sophie Faucher), le riche homme d’affaires (Marc Béland), celui qui a perdu la vue au front (Benoit McGinnis), le maître de philosophie (Jean-François Casabonne) et le docteur (Patrice Coquereau).
Dès les premiers instants, on sent une légèreté et une certaine euphorie, bien que le décor et les costumes campent bien l’histoire dans ce début des années quarante, on ne ressent pas les horreurs de la guerre. On sourit à la vue de ce jeune couple amoureux, on rit de bon cœur à l’arrivée de Patrice Coquereau affublé d’un béret et de petites lunettes rondes, vélo antique à la main. Et voilà que le cortège d’invités défile sous nos yeux, tous à l’humour aiguisé et à la remarque bien placée. Vite, la personnalité de chacun se dessine : la veuve en colère et maintenant militante, l’ancien soldat ayant perdu la vue devenu aigri, l’homme d’affaires véreux, la jeune épouse naïve…
On rigole beaucoup, une des grandes forces de la pièce est cette intelligence du texte. L’auteur français Vahé Katcha a doté ses personnages d’un grand sens de l’humour et d’une bonne répartie, les répliques s’enchainent au rythme des rires dans l’assistance. Jusqu’au moment fatidique où les tirs se font entendre, la réalité de la guerre refait surface. Ce groupe d’amis a deux heures pour décider qui devra vivre et qui devra mourir. La tension monte d’un cran. Les amitiés ne tiennent plus. Qui sera sacrifié à la fin de cette soirée? Malheureusement, cette tension n’atteint pas le public, on ne parvient pas à anticiper et à craindre pour la survie de l’un d’entre eux. Malgré tous les efforts des comédiens pour nous faire ressentir l’urgence de la situation, ça reste plat et léger. Et l’on continue de rire. La peur de mourir ne fait pas perdre la verve de ces condamnés.
Pourtant, tout y est : un texte bien ficelé, une histoire intrigante, de beaux décors et costumes d’époques, la mise en scène de Denise Filiatrault est efficace, de bons acteurs – Marc Béland et Benoit McGinnis offrent une solide performance. Mais on reste en surface, le ton léger donné à la pièce empêche d’être captivé, de ressentir avec les personnages la peur de mourir qui les habite. Le repas des fauves nous permet de passer à une belle soirée et d’assister à du bon théâtre. Malheureusement, sans ce petit quelque chose de plus qui nous garderait en haleine
- Artiste(s)
- Le Repas des Fauves
- Ville(s)
- Montréal
- Salle(s)
- Théâtre du Rideau vert
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