Ce moment-là

Critique théâtre | Ce moment-là à La Licorne

Elle pourrait être présentée à Dublin, Sydney, Marrakech ou Dallas, cette pièce écrite par l’Irlandaise Deirdre Kinahan, tellement son sujet est universel. Cette fois, c’est Montréal qui accueille Ce moment-là, par le biais de la traduction de Maryse Warda et la mise en scène de Denis Bernard, le directeur du théâtre qui lui prête sa grande scène, La Licorne.

Photo par Suzane O’Neill

Bouleversante, c’est le premier mot qui vient en tête en repensant à cette pièce qui nous présente une famille avec un réalisme dans lequel de nombreuses personnes pourraient y voir leur propre vie.

Tout d’abord, le choix de Maryse Warda de raconter cette histoire, qui se déroule à Dublin, dans un franc-parler québécois est judicieux et amplifie l’identification du spectateur, qui aura l’embarras du choix: que vous soyez une mère qui serait prête à tout pardonner à son enfant, peu importe les conséquences sur les autres membres de la famille, une sœur dont la blessure est si intense que la rancune ne peut faire place au pardon, ou ce frère qui a commis l’irréparable et qui tente désespérément de refaire sa vie malgré la lourdeur du passé, il sera trop facile de s’impliquer personnellement dans cette vie qui se déroule devant nos yeux et qui pourrait bien être la nôtre.

 

Quand des personnages nous bouleversent

Teresa, jouée par Louise Laparé, est une mère de famille veuve, un peu désorientée par une grande consommation de calmants. Elle est mère de trois enfants: Ciara, jouée par Alice Pascual, mariée à Dave, mené par Félix Beaulieu-Duchesneau; Niamh, interprétée avec brio et fougue par Émilie Bibeau accompagnée de son copain secret, Finn, le divertissant Mani Soleymanlou; et finalement, Nial, le fils, le mouton noir, l’absent, la cause de tous les maux, interprété par un crédible Patrick Hivon, qui est accompagné de Christine Beaulieu dans le rôle de Ruth, sa nouvelle femme.

Photo par Suzane O’Neill

Le contexte est simple et en apparence inoffensif. Nial est de passage à Dublin et vient présenter sa nouvelle flamme à sa mère, qui en profite pour réunir toute la famille autour de la table pour partager un repas. Il y a des années que le fils n’a pas vu ses proches, car ses visites se font rares.

Tous réunis autour de la table, chacun fait comme si la vie était belle, posant les questions d’usage, s’exclamant exagérément devant les réponses banales, souriant à s’en endolorir les joues. Tous, sauf Niamh, qui semble en avoir gros sur le cœur. La sœur qui, devant ce spectacle d’hypocrisie, explosera de rage, d’accusation, d’incompréhension et de rancœur. Et l’ambiance qui était festive et artificielle deviendra lourde. Lourde de passé, de sentiments enfouis, d’une histoire qui, malgré ce qu’ils veulent bien se faire croire, aura laissé des cicatrices énormes sur les vies de tous les membres de la famille.

Ce moment-là nous fait passer des rires aux larmes, de par son texte parfois nuancé, parfois intense, mais toujours juste, mais également et surtout grâce à ces merveilleux acteurs sur scène qui nous partagent toute une gamme d’émotions avec une crédibilité déconcertante.

Émilie Bibeau est magique, tout simplement.

Parfois une pièce nous fait rire. Parfois elle nous divertit. Parfois elle nous touche. Celle-ci nous marquera, pour longtemps, pour toutes ces émotions vécues, et plus encore.

 

Présentée à La Licorne jusqu’au 3 novembre 2012.

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