Critique | The Who à Montréal
20 novembre 2012 – Centre Bell (Montréal)
Le groupe The Who était de passage mardi soir dans la métropole pour présenter son spectacle Quadrophenia, l’intégrale de l’album classique de 1973. Avec une fougue que l’on n’espère plus de ces sexagénaires, Pete Townshend et Roger Daltrey ont livré un spectacle splendide entre les murs du Centre Bell, qui s’est par contre conclu de manière un peu décousue et sur une note inattendue.
Entourés par huit musiciens, Daltrey (chant, harmonica, tambourine) et Townshend (guitares) avaient l’air de prendre un malin plaisir sur scène à jouer ces chansons de l’autre opéra rock, le méconnu Quadrophenia. Avec l’ajout de deux cuivres et de trois claviers derrière le groupe, l’album fut bien servi, et la formation l’a même quelque peu embelli. À vrai dire, Quadrophenia a beaucoup vieilli, avec ses synthés (novateurs pour l’époque) qui ont figé l’album dans le temps. Heureusement, sur scène, le groupe a opté pour moins de claviers et autres effets synthétiques et a plutôt misé sur les forces qui ont fait son succès.
Daltrey avait davantage la forme que l’an dernier à la Place des Arts, lorsqu’il était venu présenter l’entièreté de Tommy (sans Townshend). Sa voix, qui n’atteint plus les cimes d’autrefois, était malgré tout claire et avait un ton enjoué. Il a su conserver ses énergies au fil des chansons pour les moments clés (5:15, par exemple, qui fut particulièrement jouissive), et même si l’on sentait qu’il trimait dur parfois pour livrer la marchandise, le résultat était souvent renversant. Faisant tournoyer son micro comme à l’époque, et arborant un physique découpé au couteau, le « jeune homme » de 68 ans a encore le feu sacré.
Townshend, le génie au tempérament bouillonnant, semblait réellement s’amuser, s’adressant à la foule avec quelques mots brefs en français, moulinant sa guitare avec ardeur et livrant une performance au chant qui allait au-delà des attentes. Lui qui, lors d’un concert récent de la tournée, a quitté la scène et abrégé le spectacle par frustration suite à des problèmes auditifs, donnait l’impression de prendre son pied sur la scène du Centre Bell.
Simon Townshend, petit frère de l’autre, accompagnait à la guitare et au chant, et a su rendre les notes que son frère ne chante plus sur la pièce de Dirty Jobs qu’il a faite en duo avec Daltrey, de manière admirable.
Pino Palladino, à la basse, semblait à l’écart du spectacle. Son manque de présence rendait l’absence du défunt John Entwistle encore plus cruelle. Tout le contraire de Zak Starkey, fils de Ringo, qui est quasiment arrivé à faire oublier au spectateur l’absence du légendaire batteur Keith Moon. Son jeu, impeccable, était aussi solide, sinon plus par moment, que l’original. Il fut d’ailleurs très applaudi par les Montréalais.
Des animations vidéo étaient projetées tout au long du spectacle sur des écrans en forme de cercles derrière les musiciens. Montrant des images d’archives du groupe, les projections servaient également au propos de Quadrophenia, qui fouille dans les souvenirs de son auteur, Pete Townshend, et touche au phénomène anglais des mods, au milieu des années 60 (ainsi que divers autres sujets). Sur la pièce instrumentale The Rock, les écrans ont montré des images de guerre entrecoupées d’images de vedettes, dans un ordre chronologique des années 60 jusqu’à aujourd’hui. Qu’il s’agisse de scènes du Vietnam ou des tours jumelles qui tombent, le mariage de la musique et des projections a su toucher la corde sensible de bien des gens, et a rendu la performance suivante, Love Reign O’er Me encore plus poignante. Daltrey y est alors allé d’une prestation vocale à couper le souffle. Ce fut là le moment le plus fort de la soirée, et qui fut longtemps ovationné.
Le reste du spectacle a servi de crémage sur un gâteau déjà très riche en calories. Chemise déboutonnée pour Daltrey, veston enlevé pour Townshend, cette deuxième partie avait plus l’air d’un party informel, après une version de Quadrophenia réglée au quart de tour. On a senti Daltrey qui peinait avec quelques morceaux, n’arrivant pas toujours à suivre le rythme (Behind Blue Eyes), même sur Won’t Get Fooled Again où il a semblé se laissait porter par la machine qu’est The Who en chantant un peu moins vigoureusement, sauf pour son cri final qui fut très réussi.
Le spectacle s’est terminé avec la douce Tea & Theatre, en hommage à un ami hospitalisé. Seul Daltrey et Townshend étaient sur scène, petite pièce acoustique pour digérer le tout. Fin atypique pour l’un des groupes les plus bruyants de l’histoire, qui trahit un peu l’âge de ses membres. Belle finale par contre, très émotive.
Après 50 ans d’existence et avec deux membres originaux en moins, The Who a une fois de plus prouvé mardi soir qu’il n’avait pas encore dit son dernier mot. Et on en redemande!
Vintage Trouble
S’il y a bel et bien un groupe qui a compris parfaitement à quoi sert une première partie, c’est la formation californienne Vintage Trouble. Avec sa mini bombe atomique de chanteur, Ty Taylor, qui bouge comme James Brown et chante avec le soul de Marvin Gaye, le quatuor a su, en quelques minutes, faire s’enthousiasmer la foule, allant de petits applaudissements timides à des cris et ovations à la fin. Pour réchauffer un public, il sont les meilleurs. À quand un spectacle complet en tête d’affiche?
1. I Am The Sea
2. The Real Me
3. Quadrophenia
4. Cut My Hair
5. The Punk and the Godfather
6. I’m One
7. The Dirty Jobs
8. Helpless Dancer
9. Is It In My Head
10. I’ve Had Enough
11. 5:15
12. Sea And Sand
13. Drowned
14. Bell Boy
15. Doctor Jimmy
16. The Rock
17. Love, Reign O’er Me
18. Who Are You
19. Behind Blue Eyes
20. Pinball Wizard
21. Baba O’Riley
22. Won’t Get Fooled Again
23. Tea & Theatre
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