Critique | The Giacomo Variations (avec John Malkovich) à la Place des Arts de Montréal
Mettant en vedette le grand John Malkovich, The Giacomo Variations s’arrête à Montréal pour deux soirs seulement avant de poursuivre sa tournée à Toronto. Depuis la première en 2011 à Vienne, ce spectacle mariant théâtre et opéra n’a cessé de faire jaser, puisqu’on retrouve Malkovich dans la peau du non moins célèbre Giacomo Casanova, aventurier et grand séducteur qui rédigea ses mémoires voyant sa mort imminente.
Contemporain de Mozart et Lorenzo Da Ponte, librettiste de plusieurs opéras de Mozart, Casanova inspire Micheal Sturminger à créer ce « chamber opera play » contenant des scènes et airs d’opéras de Don Giovanni, Cosi Fan Tutte et Le nozze di Figaro, entre autres. Avec l’actrice Ingeborga Dapkunaite, les sopranos Sophie Klußmann et Kristen Blaise en alternance, ainsi que le baryton Simon Schmorr. À la Place-de-Arts les 4 et 5 juin, et au Elgin Theatre de Toronto les 7, 8 & 9 juin.
Une fois l’orchestre accordée, une voix enveloppe le Théâtre Wilfrid-Pelletier d’un tonitruant « I want a woman! » et celle-ci apparait, poursuivi d’un Malkovich plutôt essouflé et contrit.
Après trois minutes de monologue et des triturations du bras gauche, il s’effondre au milieu de la scène. Les comédiens accourent, poussant des « John? » inquiets, ce qui soulève instantanément l’agitation dans la salle. On apporte une civière, la régisseur se pointe et crie : « We need a doctor! », et à ce moment, l’orchestre reprend et un « docteur » arrive. Il fallait le génie du drame de Malkovich pour installer aussi rapidement un état d’urgence qui réussit à émouvoir 1 500 personnes en deux minutes.
Dès lors, le ton était lancé ; humour et dérision, scandale et perversion étaient au rendez-vous dans ce récit biographique tout de même poétisé mais hachuré du mythique Casanova. Certes, l’idée n’est pas mauvaise d’associer les grands coureurs de jupons fictifs du monde opératique à ce personnage historique qui fascine toujours, mais la facture tenait plus de l’exercice de style que de l’opéra, puisque Giacomo (Malkovich) et Elisa (Dapkunaite) étaient tous deux doublé par un chanteur aux moments des grands arias, mais poussaient eux aussi la note dans les trios et quatuors.
Les liens entre les tableaux étaient faibles, malgré la bonne idée scénographique de transformer des robes à panier géantes en rideaux de scène, camouflant ainsi un bureau, un lit, ou une costumière. Les acteurs ne cessaient d’errer sur scène, surtout Malkovich lors des bouts chantés, qui ramassaient des costumes dans un coin ou allait se vêtir dans l’autre.
Car il faut le dire, le running gag du spectacle résidait dans cette propension à se dévêtir pour un rien, qui sommes toute était assez comique et illustrait bien le personnage, qui dans sa quête d’identité et de raison d’être, finissait toujours au lit, même avec sa propre fille (par erreur, bien entendu…)
Passées les éloges au maître, il faut rendre à César ce qui appartient à César ; Malkovich a ce don de réciter en nous amenant avec lui dans le récit. Et la soprano d’hier se démarquait par sa versatilité, changeant de chemise plus souvent qu’à son tour, et réalisant un aria fort impressionnant par son contrôle et sa finesse, tout en se couchant lentement sur le dos.
The Giacomo Variations n’éblouit certes pas, mais modernise tout de même des classiques en innovant dans la forme, choisissant un contenu gagné d’avance.
Photos en vrac
par Richard Mercier
- Artiste(s)
- The Giacomo Variations
- Ville(s)
- Montréal
- Salle(s)
- Salle Wilfrid-Pelletier
- Catégorie(s)
- Opéra,
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