Critique | Sufjan Stevens à la Place des Arts : Enjouer la mort
Il y a de ces moments qu’on ne voudrait pas avoir raté. Le passage du grand Sufjan Stevens à la Place des Arts en est un de ceux-là…
À ce point-ci, personne ne doute des talents d’auteur-compositeur du natif de Détroit, au Michigan. Sa façon d’aborder la vie, la mort, l’amour et les relations humaines en toute simplicité, et de glisser ses propos, ses réflexions, ses émotions dans des véhicules mélodiques splendides a fait ses preuves au fil des nombreux albums qu’il sortait à un rythme effréné, il y a quelques années.
Il y a un mois environ, il lançait son nouveau disque après avoir considérablement ralenti la cadence. Il en résultait le lourd mais lumineux Carrie & Lowell, qui évoque le décès de sa mère (Carrie), et sa relation trouble avec celle-ci, et son conjoint Lowell. Une autre perle à sa discographie.
Stevens et son band ont interprété l’entièreté du nouvel album jeudi soir, bravant la Grande Faucheuse en l’abordant de front. Le résultat est de toute beauté, saisissant de lucidité et de finesse.
Lors de l’une de ses rares interventions auprès du public, Sufjan prétend avoir vécu une enfance assez étrange où on l’avait préparé à aborder la mort dès l’âge de 5 ans. On l’avait aussi initié à la réincarnation, aux vies antérieures et futures, celles des humains comme celles des animaux.
Allez savoir si c’est vrai, mais peu importe, il y a un long enchaînement d’événements qui a donné lieu à la croissance de ce bambin de 5 ans, érigeant l’imaginaire foisonnant et la sensibilité humaniste de cet attachant artiste quasi-quarantenaire pourtant stoïque.
Sa voix n’est pas grand chose, un murmure à peine ; elle ne projète à peu près pas du tout. C’est parfois dommage lorsque les arrangements s’emballent – et Dieu sait que ces moments sont parmi les plus intenses ! – mais c’est aussi touchant de vulnérabilité lors des pièces plus tranquilles, où les doigts du musicien exécutent l’arpège mélodieux au banjo, à la guitare sèche, au ukulélé ou même lorsqu’ils pianotent. Ce filet de voix prouve que la grandeur n’est pas fait que de volume.
Après ce plongeon audacieux où on le suivait jusque dans l’au-delà, il y avait les vieilles chansons, les classiques accueillis à tout rompre.Les instrumentations électro et/ou électriques gonflaient certains moments, comme une grande transe.
Les Sister, The Dress Looks Nice On You, In The Devil’s Territory et Futile Devices ont brillé, et tant qu’à faire plaisir, Chicago en tout dernier lieu au rappel.
Voilà qui conclut deux heures de grâce sur une note réjouissante.
Little Scream
La première partie était assurée par Little Scream, mais très peu de gens ont eu l’occasion de la voir à l’oeuvre.
Pourquoi ? Parce que le concert de jeudi soir était un événement « sans billet », ou « Paperless Tickets ». Cette méthode de billetterie anti-revendeurs, qui s’est avérée désastreuse dès les premiers essais au milieu des années 2000, cause presque systématiquement un engorgement à l’entrée de la salle. Avec les années, la leçon aurait dû être comprise…
Tout comme lors de la plus récente tournée de Radiohead – et quelques autres ici et là au cours des dernières années – le processus d’identification des spectateurs est fastidieux, voire bordélique et cause un ralentissement monstre pour ceux qui osent se pointer à l’heure du spectacle.
Le promoteur Blue Skies Turn Black a fait son gros possible pour convaincre les spectateurs d’arriver tôt, appréhendant sans doute les problèmes à venir… Selon toute vraisemblance, cette façon de faire n’était pas de leur ressort.
On pouvait lire le message suivant sur l’événement Facebook du concert :
SUFJAN STEVENS will be on at 9pm sharp. Don’t be late! This ain’t the Ritz! Do you want to be left out in the cold like Spidey here. Seriously get there on time lest you want the wrath of the usher. #youvebeenwarned
Avertis ou pas, il y avait facilement cinq fois plus de monde en ligne d’attente à l’extérieur de la salle que de spectateurs à l’intérieur du lieu lorsque Little Scream est passée sur scène.
Dommage. Laurel Sprengelmeyer est si talentueuse. Elle méritait certainement cette occasion unique de jouer devant 4000 personnes.
Au moins, notre photographe a eu l’occasion de croquer quelques clichés :
Grille de chansons
Redford (For Yia-Yia & Pappou)
Death With Dignity
Should Have Known Better
Drawn to the Blood
All of Me Wants All of You
Eugene
John My Beloved
The Only Thing
Fourth of July
No Shade in the Shadow of the Cross
Carrie & Lowell
The Owl and the Tanager
In the Devil’s Territory
To Be Alone With You
Futile Devices
Sister
Blue Bucket of Gold
Rappel
Concerning the UFO Sighting Near Highland, Illinois
For the Widows in Paradise, For the Fatherless in Ypsilanti
The Dress Looks Nice on You
John Wayne Gacy, Jr.
Chicago
- Artiste(s)
- Sufjan Stevens
- Ville(s)
- Montréal
- Salle(s)
- Salle Wilfrid-Pelletier
- Catégorie(s)
- Americana, Folk, Indie Rock, Pop,
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