Peter Gabriel

Critique : Peter Gabriel – New Blood : Live In London in 3D au cinéma

Suite au projet (semi-raté) de l’album Scratch My Back et à la tournée New Blood  qui suivit, Peter Gabriel nous présente maintenant un concert filmé lors de deux soirées en mars 2011 au Hammersmith Apollo de Londres, intitulé avec justesse New Blood : Live in London. Pour ce faire, le chanteur a fait appel à la technologie 3D, voulant offrir une expérience sonore et visuelle des plus intenses. Est-ce le résultat est à la hauteur des attentes? Ouf…

Les premières minutes du film, réalisé par Blue Leach, sont prometteuses; caméra aventureuse, montage frénétique, effets visuels inattendus. On s’attend à une expérience hors du commun. Mais le tout rentre bientôt dans le moule de la captation typique, avec ses caméras sur grues qui couvrent tous les angles.

L’effet 3D est intéressant pendant un moment, puis l’intérêt s’estompe peu à peu. Dommage que le budget octroyé à la 3D semble être passé au complet dans le générique de fin, car l’utilisation de cette technologie s’avère totalement injustifiée tout au long du concert. À quelques reprises, lors de 2 ou 3 chansons (Book of Love, Darkness et Red Rain), on se sert des
possibilités du procédé, qui ne sont, la plupart du temps, que pour nous servir une extension des projections d’arrière-scène durant le concert. Visuellement beau, mais ça n’apporte rien à l’ensemble.

 

Gabriel symphonique

L’orchestre, dirigé par Ben Foster, offre une performance solide. Les arrangements, signés John Metcalfe, agrémentent relativement bien les chansons de Peter Gabriel ainsi que les quelques reprises d’autres artistes qu’il nous présente. Notons, parmi les chansons qui bénéficient le plus des arrangements orchestraux et qui s’avèrent très intenses, Darkness, Rhythm of The Heat et Signal To Noise.

Par contre, en ce qui concerne cette dernière, l’absence notable de la bande audio contenant la voix de Nusrat Fateh Ali Khan, que l’on entendait sur la version studio ainsi que les versions subséquentes en concert et qui donnait tout son sens à la chanson, crée un vide immense. Disons seulement que les gémissements faiblards de Melanie Gabriel et Ane Brun ne peuvent pallier à ce manque.

Les deux choristes accomplissent leur tâche avec efficacité, mais ne semblent pas concernées par ce qui se passe, on ne les sent pas présentes d’esprit durant le concert. La voix de Melanie Gabriel est égale à elle-même, juste, mais morne. Quant à Ane Brun, qui offre la répartie vocale à Gabriel dans le duo Don’t Give Up, son frêle chevrotement de voix ne peut se comparer à la voix aérienne de Kate Bush ou celle, puissante et riche, de Paula Cole (anciennes collaboratrices
de Peter Gabriel).

 

Old Blood?

Le sexagénaire, quant à lui, s’acquitte assez bien de sa tâche, sauf qu’on le sent vieilli, fatigué. Sa voix flanche quasiment lors de Biko. Il peine à atteindre les notes haut perchées.

Peter Gabriel fait ce métier depuis près de 45 ans et il a constamment habitué son public à de l’étonnement, de l’inventivité, de l’originalité et surtout, de l’inattendu. Utiliser un orchestre pour « augmenter » ses chansons est, premièrement, quelque chose de totalement conventionnel (tous les artistes et leur grand-mère l’ont fait, de Metallica à Yes en passant par Jean-Pierre Ferland et Isabelle Boulay). Deuxièmement, les arrangements de John Metcalfe sont
conservateurs, banals. On croirait entendre Peter Gabriel accompagné par l’orchestre des films Disney.

Si une artiste comme Bjork peut se faire inventer des instruments sur mesure par des scientifiques pour son sublime album Biophilia, sûrement qu’un homme de la trempe de Peter Gabriel – normalement à l’avant-garde et ouvrant le chemin pour les autres – peut faire mieux qu’être à la traîne derrière tout le monde et embarquer dans ce « projet de vanité » qu’est celui-ci. Il a tous les moyens technologiques du monde à sa disposition et il préfère nous sortir du réchauffé, un concert soporifique sur DVD. Pour un admirateur de longue date du chanteur, la pilule est dure à avaler…

À visionner à vos risques et périls.

* À noter que la version DVD/Blu-Ray comprendra plus de chansons que la version présentée en salles. De plus, le concert sera présenté de nouveau au cinéma, ce lundi 17 octobre 2011.

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