My Bloody Valentine

Critique | My Bloody Valentine percent des tympans au Métropolis de Montréal

L’institut de recherche acoustique My Bloody Valentine tentait une expérience fort intéressante mercredi soir à Montréal. La question de recherche : peut-on faire éclater une cervelle humaine par la seule force des décibels ? La réponse: oui. Au terme d’un essai de 90 minutes au Métropolis, on dénotait 17 cervelles explosées, ainsi que 1563 nouveaux cas d’acouphènes. Récit d’une épreuve fascinante, qui laissera des séquelles à tout jamais aux pauvres cobayes.

Blague à part, pour sa toute première visite à Montréal, la mythique formation shoegaze irlandaise My Bloody Valentine a démontré que l’âge ne rend pas automatiquement pépère. À moins qu’on considère la surdité comme une forme de pépèreté.

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C’est bien connu : My Bloody Valentine s’inscrit dans cette culture du volume excessif, au côté des Swans, Gallows, Mogwai et autres Godspeed You! Black Emperor. Pour ceux qui l’ignoraient, une affiche vendait la mèche avant même de pénétrer dans l’enceinte du Métropolis : « Son très fort ce soir. My Bloody Valentine fournit des bouchons d’oreille à tous et disponible (sic) un peu partout ».

Pas de farce : tel un tireur fou qui distribue les vestes pare-balles avant la tuerie, le groupe fournissait les bouchons.

Après coup, on imagine mal de s’en passer. Plus tôt en journée, on rapportait que le groupe avait commander « plus de son » au Métropolis, fait assez rare étant donné que la grande majorité des artistes qui s’y produisent n’utilisent qu’une fraction de sa capacité. Par moments, la prestation de MBV flirtait avec les 105 dB, selon l’application Decibel 10th, limite permise dans les discothèques et les concerts (du moins, en France).

 

Le méga-volume au service du shoegaze

Mais pourquoi tant de volume ?  Les plus cyniques diront que c’est pour camoufler les erreurs. Souvent, ce n’est pas faux. Mais s’ils ont assisté au concert de mercredi soir, ils se sont sans doute ravisé.

En fait, le méga-volume d’un concert de My Bloody Valentine sert bien l’approche et la vision du groupe. Ce n’est pas un hasard si les bands shoegaze empruntent cette avenue : les compositions du genre ne sont pas ce qu’il y a de plus mélodique. On mise davantage sur la construction (plus minutieuse qu’il n’en paraît à l’oreille du néophyte) d’un brouillard sonore plus ou moins épais à l’aide de pédales à effets, et la répétition de séquences afin d’engourdir l’auditeur, de l’enivrer, de l’amener à un état presque méditatif.

Le volume y joue pour beaucoup. Il y a, dans des chansons comme You Never Should,  Nothing Much To Lose ou encore Only Shallow, des moments bruyants qui basculent dans une violence inouïe en concert.

Mais surtout, une telle démesure de volume met les musiciens en danger et contribue au sentiment d’urgence si nécessaire à la réussite d’un bon show rock, surtout de ce genre. Constamment menacé par l’effet de Larsen (ou « feedback » pour les intimes), Kevin Shields joue comme si une épée de Damoclès était suspendue au-dessus de sa tête : à tout moment, le son peut déraper et mener au désastre, comme une voiture folle fonçant à pleine vitesse sur une chaussée glacée.  Mais ce petit jeu, MBV sait bien le jouer, et maîtrise ce fragile équilibre de façon prodigieuse.

Et que dire de cette séquence au milieu de You Made Me Realise, jouée en toute fin de set.  Sur le single original (paru en 1988), la chanson est entrecoupée par une interlude noise d’une minute, tout au plus. En version live 2013, le groupe en profite pour l’étirer et en faire rien de moins qu’un cyclone sonore qui éclipse toute la démesure des 85 minutes précédentes. Quelque chose comme la fin du monde.

Après ça, pas besoin de rappel. Il n’y en a pas eu non plus. On avait fait le tour, il fallait sortir et réintégrer la ville pas-si-bruyante-que-ça-finalement.

Évidemment, tout se passe dans les tympans, derrière les bouchons. L’oeil étant moins gâté. Les musiciens sont statiques sur scène – ça va de soi – et peu communicatifs avec le public. Mais les projections, en revanche – des textures animées – ajoutent au côté psychédélique de l’affaire.

C’est une expérience en soi. Pas pour tous les goûts, mais les initiés n’auront certainement pas été déçus de cette première présence à Montréal, que l’on n’attendait plus.

Grille de chansons probable

Sometimes
I Only Said
When You Sleep
New You
You Never Should
Honey Power
Cigarette in Your Bed
Only Tomorrow
Come in Alone
Only Shallow
Thorn
Nothing Much to Lose
Who Sees You
To Here Knows When
Wonder 2
Soon
Feed Me With Your Kiss
You Made Me Realise

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