Festival de Jazz de Montréal – Jour 6 | Leon Russell et Dr. John au Théâtre Maisonneuve

C’était la sixième soirée du Festival de jazz et à l’intérieur du Théâtre Maisonneuve se préparait quelque chose de gros. Un programme double mettant en vedette deux vieux de la vieille venus confirmer leur statut de légende. Leon Russell et Dr. John auront fait justement ça.

D’associer ces titans en un spectacle commun est déjà en soi une idée digne de mention. Tous deux sont des parrains de l’extravagance, comptant à leur actif pas loin d’une vingtaine d’albums chacun, possédant tous deux un paquet de cordes vocales immédiatement reconnaissable et ayant tous deux vu leur carrière renaître ces dernières années grâce à d’autres artistes.

En effet, Russell sera présenté à un public nouveau via The Union, l’album qu’il fera en duo avec Elton John. Dr. John, lui, sera carrément introduit à une génération flambant neuve grâce à Dan Auerbach des Black Keys, qui l’exhumera en 2012 afin de produire un nouvel album.

Mais clairement le public n’est pas là pour célébrer cette nouvelle ère. La salle veut ses classiques.

 

Leon Russell

Et Russell, qui ouvre la soirée, l’a deviné.

Photo par Pierre Bourgault.

Leon Russell. Photo par Pierre Bourgault.

Il aligne hit après hit, intégrant ici et là certaines reprises telles Georgia On My Mind, popularisée par Ray Charles.

Et « aligner » est le bon terme : Il faudra cinq-six chansons avant qu’il n’y ait une première pause de plus de quelques secondes. Ce qui marquera aussi le premier contact que Russell aura avec son public.

Premier de deux. L’homme n’est pas un bavard.

Après quelques autres titres très southern rock, les musiciens qui accompagnent l’artiste quittent la scène et le laissent seul à son clavier. C’est l’heure pour les ballades This Masquerade (première chanson de l’histoire à occuper la pôle position dans les palmarès pop, jazz et R&B simultanément) et Sweet Emily.

Le groupe reviendra pour conclure en force sous le poids d’un rock plus franc encore qu’au début de la prestation.

Les hics, par contre, il y en a. Toutes mises en commun comme ça, les chansons de ce sieur finissent par pas mal se ressembler. Surtout qu’elles portent chacune les mêmes arrangements,  marqués par les plus ou moins convaincants cuivres et cordes synthétiques propulsés par un Macbook lié au clavier.

Mais ça fera son effet et Russell quittera comme il est entré : sous une ovation.

Mentionnons que si l’ovation qu’il a reçu en se pointant au départ sur la scène était probablement liée à l’immensité de son œuvre, elle aurait aussi bien pu être pour souligner le sens du style du bonhomme. Cheveux et barbe d’un blanc étincelant, chapeau de cowboy blanc, canne, grosse chemise hawaïenne sous veston blanc, ça en jette.

 

Dr. John

Mais Dr. John ne laissera pas sa place côté jetage non plus. Avant même qu’il n’ait joué la moindre note, on comprend qu’on s’embarque pour le niveau supérieur.

Photo par Pierre Bourgault.

Dr. John. Photo par Pierre Bourgault.

La scène est désormais emplie, entre autres, par un orgue, un trombone (ce qui nous épargnera au moins les cuivres en canne de Russell) et un piano à queue orné de crânes.

Monsieur le docteur est lui aussi attriqué pour plaire, avec son flamboyant complet mauve accessoiriser d’or.

Il se lancera presque tout de go dans certains des morceaux de Locked Down, l’album signé Auerbach, dont la pièce titre et l’excellente Revolution. Peut-être pas au grand plaisir de tous.

Mais il reviendra assez vite dans le passé et comblera son public de tubes genre Let The Good Times Roll.

Il n’a visiblement plus sa vivacité d’antan, John, on perd d’ailleurs sa voix par moment, mais ça ne l’empêchera pas de rapper un brin, de se taper un solide solo de guitare et de se lever pour danser en se servant d’ossements comme percussion (clairement le gars a déjà entendu parler de Screamin’ Jay Hawkins).

Et de toute façon, pour la vivacité, il a une charmante et franchement talentueuse choriste/tromboniste qui se donnera pour deux. Ses solos de trombone justifieront à eux seuls le fait que des artistes encore une fois pas EXACTEMENT jazz se produise au festival de jazz.

 

En bref

Ce qu’on en retient, c’est que Leon Russell était là pour faire honneur à son immense talent de compositeur alors que Dr. John était plutôt en mode séduction. Ce dernier redoublera effectivement d’effort pour en mettre plein la vue et l’ouïe à son auditoire, ce qui le place loin devant son collègue côté performance.

C’est donc ce cher John qui aura marquer l’imaginaire ce soir-là, n’en déplaise au génie de Russell.

Photos en vrac
par Pierre Bourgault

Leon Russell

Dr. John & The Night Trippers

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