Critique | La Ville à l’Espace Go

Assister à une pièce de théâtre a souvent un petit quelque chose d’intrigant, c’est en soi une expérience nouvelle chaque fois. Intriguant de savoir dans quel univers serons-nous plongés, quel monde sera exploré et où nous mènera le texte. La Ville de Martin Crimp, mettant en en vedette Alexis Martin et Sophie Cadieux, fait partie de ces pièces qui laissent perplexe.

Un résumé simple pourrait ressembler à : Christopher perd son emploi, ce qui le laisse désemparé. Sa femme Clair a de la difficulté à endurer sa présence constante à la maison, il l’empêche de travailler et brise la quiétude de la maison. Elle s’enferme dans ses pensées, devient plus distante. Leur voisine Jenny, infirmière, venue se plaindre du bruit causé par les enfants, ne semble plus avoir toute sa tête.

Une pièce sur l’amour qui passe et qui se fane, sur les difficultés du couple et de la vie de famille. Un sujet, quoiqu’intéressant, mainte fois exploité. La pièce ne s’arrête pas là, elle va plus en profondeur dans les méandres de l’être humain, voilà où La Ville innove et déroute. Que se cache-t-il dans l’esprit d’une femme qui rêve d’histoires et de mots?  Quelle violence et quelle cruauté peuvent se trouver à l’intérieur d’une mère à bout de souffle?

Il ne semble pas aisé de défendre ce texte complexe où s’entremêlent réalité et imaginaire, pour ce faire il faut assurément des acteurs solides. Il n’y a pas à redire, Alexis Martin et Sophie Cadieux remplissent ce rôle à merveille. Évelyne Rompré, dans la peau de la mystérieuse voisine, s’en sort elle aussi avec brio.

Le trio joue habilement avec les nuances, laissant planer les malaises et les silences, sans jamais tomber dans les longueurs. Ajoutez-y des pointes d’humour qui viennent de temps en temps éclaircir le paysage gris du décor.

Tout aussi brillamment, la scénographie – des paliers rectangulaires séparés et un écran arrière – ainsi que la mise en scène sobre et précise du duo Denis Marleau et Stéphanie Jasmin laissent toute la place aux mots qui est requise par ce texte. Aucun artifice pour habiller la pièce, peu de mouvement, seulement une histoire qu’il faut écouter attentivement.

Une fois les lumières éteintes, les applaudissements se font entendre timidement, comme s’ils étaient incertains. La Ville est aussi de ce genre de pièce très cérébral qui continue de nous habiter une fois sortie de la salle, à laquelle on continue de réfléchir pour mieux l’assimiler. Une froideur et une simplicité, en apparence, qui renferment beaucoup d’émotions des plus complexes ce qui donne une grande richesse au texte de Martin Crimp.

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