Roger Waters

Critique concert: Roger Waters présente The Wall à Montréal pour une 3e fois en 2 ans!

Mardi 26 juin 2012 – Centre Bell (Montréal)

Ce n’était pas les Plaines, mais quand même, le Centre Bell accueillait ce soir Roger Waters, ex-leader de Pink Floyd, qui présentait son spectacle The Wall Live pour la troisième fois en moins de deux ans. Et pour la troisième fois, l’amphithéâtre était plein à craquer!

La foule était fébrile dans le Centre Bell aux alentours de 20h.  Visiblement, Roger Waters était lui aussi fin prêt pour le rendez-vous, ses espadrilles bien lacées et son français bien révisé.

Toujours dans une forme splendide à l’aube de la soixante-dizaine, Waters occupe la scène avec aise, incarne le personnage de Pink (dans chacune de ses phases) avec aplomb et chante comme à ses belles années.

La douzaine de musiciens qui accompagnent l’ex-Pink Floyd interprètent chacune des pièces de l’album (et les interludes qui tissent le fil narratif) avec une précision épatante. Les animations, projetées sur le mur et la scénographie plus grande que nature ajoutent à la fascination.

Tout est parfait, rodé au quart de tour, mais pourtant, l’émotion ne manque pas. On sent le désarroi de The Thin Ice et Don’t Leave Me Now, la vulnérabilité de Mother (qu’il interprète joliment en superposition avec une vidéo de lui-même jouant la même pièce en 1980 au Earls Court) et Goodbye Blue Sky, la violence de Waiting for the Worms et la folie de The Trial.

La plupart des icônes floydiens s’y trouvaient aussi: les personnages géants (de la mère rondelette à la mante religieuse évoquant la conjointe de Pink, en passant bien sur par le professeur tyrannique), l’avion qui s’écrase dans le décor dès la première pièce In The Flesh, l’incontournable cochon volant, les animations saisissantes de Gerald Scarfe et le mur, érigé brique par brique sur scène entre les musiciens et le public.

La technique, à la fine pointe de la technologie, permet à Roger Waters de transposer son opéra-rock de la fin des années 1970 en super-production moderne, actualisé tant sur le plan technique qu’en lien avec l’actualité de notre époque fort différente. L’épatement dépasse largement la nostalgie.

Mais au coeur de tout ça, c’est l’album The Wall, possiblement le meilleur album concept de tous les temps, qui brille de tout son feu. La symbolique, riche et abondante, prend un sens insoupçonné, du récit très personnel de Pink (qui passe de l’opprimé au tyran, dans une brillante allégorie au sujet de la folie et de ses déclencheurs) aux références aux guerres et à l’imagerie hitlérienne.

Des images de soldats et de civils morts au combat ou par dommage collatéral, viennent se greffer à l’occasion, tout comme des citations lourdes de sens, notamment une pensée troublante de vérité du président d’après-Guerre Dwight D. Eisenhower lors de Bring The Boys Back Home.

 

La révolution a un prix

Comme à la lutte, il faut accepter quelques contradictions évidentes afin d’apprécier le spectacle.

Il faut volontairement oublier, notamment, qu’un vieil homme riche à craquer nous chante la révolution anticapitaliste sur scène, tout en chargeant 150$ du billet.  Il faut résister à la tentation de débourser 45$ pour un t-shirt à l’effigie des marteaux croisés, symbole dénonçant… la force sournoise des symboles.

Mais c’est ainsi dans le monde du spectacle: il faut faire semblant, y croire, acheter l’idée que le chant de la révolte est une révolte en soi.

Pour le reste, on ne peut qu’être saisi par l’ambitieuse production qui se déroule devant nous, sans la moindre faille technique. Plus de trente ans après la création d’un album double dense et luxuriant, Roger Waters parvient à en faire un spectacle à la hauteur du culte.

The Wall n’est contenu que par les « murs » de l’amphithéâtre. Alors imaginez ce que ça donnera lorsqu’on donnera à Roger Waters libre cours à sa mégalomanie sur le champ de bataille du grand parc historique de Québec en juillet…

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