Critique concert: Roger Waters à Montréal (Centre Bell)
Mardi 19 octobre 2010 – Centre Bell (Montréal)
Roger Waters présentait ce soir le premier d’une paire de concerts au Centre Bell, à Montréal, dans le cadre de la tournée visant à souligner le 30e anniversaire de conception de son chef d’oeuvre au sein du groupe Pink Floyd: The Wall.
Accompagné d’une douzaine de musiciens et muni d’une scénographie à couper le souffle, Roger Waters a su mettre sur pied une version contemporaine de cet opéra-rock, avec une folie à la hauteur de la mégalomanie originale de l’album-concept.
Tout le bataclan et plus encore
Bien sur, il y avait tout l’arsenal « pinkfloydien »: les personnages gonflables géants (la mère, le prof, une mante religieuse représentant la femme du personnage), le bon vieux cochon volant (actualisé), les animations démentes de Gerald Scarfe (tirées du film homonyme) et un gigantesque mur érigé brique par brique sur scène (entre les musiciens et le public), avant de s’effondrer en clôture du spectacle.
Si ces détails resteront longtemps marqués dans la mémoire de tous les spectateurs présents, c’est la pertinence de l’oeuvre (et de son concepteur) 30 ans après sa création et son caractère intemporel qui font de cette tournée un événement incontournable.
Au-delà de la thématique de la schizophrénie (l’allégorie principale de The Wall), les sujets abordés sont nombreux et faciles à lier aux actualités du jour: l’isolement, l’aliénation, le conformisme par le biais du système d’éducation et la guerre, notamment).
À ce niveau, le travail de modernisation qu’a effectué Roger Waters est exemplaire, et nous laisse presque l’impression que s’il n’avait pas existé en 1979, The Wall pourrait voir le jour en 2010 et seoir à notre époque tout autant.
Waters en grande forme
Comme s’il avait besoin d’appuyer cette réalité par la technique, Roger Waters paraissait lui-même dans une forme olympienne. Aucune prouesse vocale de jadis n’a semblé être une tâche particulièrement ardue pour l’homme de 67 ans, ni même les déplacements sur scène qui prenaient, bien entendu, des allures de théâtre ou d’opéra sur une immense scène.
Avec tous ces éléments réunis pour remettre au goût du jour une oeuvre aussi prodigieuse, on ne pouvait s’attendre qu’à un spectacle sensationnel. Les attentes, très hautes, ont été surpassées.
* * * *
Les faits saillants:
– Dès le départ, In the Flesh en met plein la vue: pyrotechnies, projections et un avion grandeur nature qui s’écrase dans une explosion côté cour
– Mother, interprétée à la guitare acoustique, en synchrone avec une captation vidéo datant de 1980… à Montréal!
– Le classique Another Brick in the Wall (Part 2), avec une chorale d’enfants
– La mise en scène de Nobody Home, symbole de l’isolement du personnage par le biais de la télévision et du laisser-aller
– La fanfare bien sentie de Bring the Boys Back Home
– Le solo de guitare intact de Comfortably Numb (par Dave Kilminster) et la voix de Jon Carin, qui remplace celle de David Gilmour
– La finale de The Trial avec l’inévitable climax: la chute du mur
Rogers Waters au Centre Bell (vu par Jean-François Tremblay) :
Rogers Waters était en spectacle à Montréal ce mardi soir pour présenter sa version 2010 de The Wall, le mythique spectacle qu’il a crée en 1980 avec son ancien groupe, Pink Floyd. Un spectacle flamboyant qui en met plein la vue et les oreilles.
Que l’on soit amateurs ou non, tout le monde connaît The Wall. Du moins quelques chansons.
Cependant, la force de cette œuvre réside moins dans sa musique que dans son propos. Et c’est cet aspect du spectacle que Roger Waters a le plus travaillé pour cette version remise au goût du jour.
À grands coups de marteaux!
Mise en scène des plus inventives, projections époustouflantes, images fortes (parfois choquantes) qui font appel à toutes sortes d’émotions, l’éternel discours de Waters sur la guerre et l’oppression nous est ici martelé à grands coups de marteaux pendant trois heures.
Nous avons droit à de nombreuses photos de gens tombés au combat (de la Première Guerre Mondiale à la guerre en Iraq, en passant par New York en septembre 2001), ainsi qu’à des images de guerre très évocatrices.
Un grand mur est érigé sur scène tout au long de la première partie du spectacle, créant ainsi une barrière entre le groupe – très solide musicalement, soit-dit en passant – et le public. Celui-ci était effervescent, et a offert à Waters un accueil des plus chaleureux. Le rockeur vétéran a semblé touché.
La genèse
Notons que Montréal est la ville qui, justement, fut l’hôte d’un spectacle de Pink Floyd en 1977 où un incident malencontreux entre Waters et un fan fut le point de départ de ce qui allait devenir The Wall.
On peut reprocher à Waters de manquer de subtilité. Ses images sont puissantes, claires, et ne font pas dans la dentelle.
On peut aussi lui reprocher de ne pas prêcher par l’exemple : lui qui critique violemment le capitalisme donne son spectacle dans ce temple de la consommation qu’est le Centre Bell, où une bière coûte une fortune, et où lui-même vend ses t-shirts de tournée à 45$.
Ceci dit, on peut bien lui pardonner, car c’est Roger Waters, et on aime sa musique, et son spectacle s’inscrit parfaitement dans la vague de nostalgie qui règne présentement.
Ses musiciens offrent une performance hors-pair. Sur Comfortably Numb, assurément le clou de la soirée, la partie chantée anciennement par David Gilmour est tenue par Jon Carin, et le solo de guitare – enlevant! – est interprété par Dave Kilminster.
Nous avons tenté dans ce texte de nous faire discrets sur les différents tableaux visuels du spectacle, car The Wall est une expérience sonore et visuelle unique, et mieux vaut ne pas trop en savoir d’avance. Les projections sont d’une beauté technique incroyable (nous levons notre chapeau aux concepteurs), et le spectacle dans son ensemble est une réussite totale.
Les méthodes de Roger Waters pour faire passer son message peuvent ressembler au genre d’endoctrinement qu’il condamne, mais si vous êtes fans de Pink Floyd, ne boudez en aucun cas votre plaisir pour ce genre de détails : courez voir The Wall!
* Le spectacle de Roger Waters sera présenté de nouveau au Centre Bell ce mercredi soir (20 octobre). *
- Artiste(s)
- Pink Floyd, Roger Waters
- Ville(s)
- Montréal
- Salle(s)
- Centre Bell
- Catégorie(s)
- Rock,
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