Destroyer

Critique CD: Destroyer – Kaputt


Destroyer
Kaputt

Cote de Michel:
Cote de Marc-André: 

___________________________________

Critique de Michel Allaire

Vous avez envie d’une généreuse dose de nostalgie musicale, tout en gardant les deux pieds bien ancrés dans la modernité acoustique de notre époque, alors misez sur l’étonnant album Kaputt de Destroyer. Vos attentes musicales risquent d’être comblées.

Le prolifique Dan Bejar, qui est également connu pour son travail au sein de la formation canadienne The New Pornographers (5 disques) et aussi un membre actif au sein de Swan Lake, nous présente neuf délicieuses pièces inspirées directement des années 80-90.

Pour ce dernier-né, le neuvième sous le pseudonyme Destroyer, l’artiste de Vancouver nous immerge d’un subtil mélange contemporain de new-wave, de disco, d’acid-jazz et de glam-rock.

Dès les premières notes, on croirait entendre la voix de David Bowie accompagné par les mélodies électro-pop du duo britannique Pet Shop Boys. Les plus vieux d’entre nous remarqueront probablement aussi quelques références au mythique groupe anglais T-Rex.

Guitares, synthétiseurs aux lignes spatiales, basses qui groovent, percussions un peu en retrait, cuivres jazzy et saxophones langoureux nous transportent immédiatement dans un monde de sensualité intemporel.

Pour mettre en relief ces arrangements si particuliers, Destroyer s’appuie principalement sur des textes à saveur socio-culturel, sur des observations dérisoires de la vie urbaine et sur des transpositions fines des aléas du quotidien.

Auteur-compositeur-interprète, Dan Bejar possède une voix à mi-chemin entre un crooner au ton racoleur et un phrasé chanté à la Leonard Cohen. C’est doux, lyrique et suave à souhait.

Ce périple musical, avec plusieurs sous-entendus puisés à même les eighties, a vraiment tout pour plaire lors de la première écoute. Serait-ce du aux nombreuses références vers des sonorités connues et enfouies au plus profond de notre subconscient ? Ou plutôt, serait-ce le résultat de lignes mélodiques à la limite du romantisme qui occasionnent ce sentiment de confort instantanée ? Chose certaine, les néophytes seront séduits.

Cependant, il faut noter que Kaputt empruntent des directions inhabituelles pour un disque paru en 2011.

Oscillant entre des orchestrations ultra léchées et un style à la limite du kitsch, la bande de Bejar nous offre au final un album rafraichissant, aux textures fluides et empreint d’une douce nonchalance. Ce disque pourrait être une belle alternative aux traditionnelles trames sonores qui accompagnent vos soupers entre amoureux ou bien sera un bel ajout à votre collection musicale pour agrémenter vos longs déplacements en voiture.


Critique de Marc-André Mongrain

Rien n’est plus au goût du jour que de réincarner les années 1980 ces temps-ci, et Dan Bejar (The New Pornographers, Swan Lake, Hello, Blue Roses) s’en donne à coeur joie sur ce 9e (!!) long-jeu de son projet Destroyer.

Pastiches de musique d’ascenseur, synthétiseurs quétaines en surnombre, saxophones à la Joe le taxi (ou Kenny G!), voix susurées, batterie en retrait dans le mix, parfois substituée par des percussions électroniques datées: Destroyer y met toute la gomme pour évoquer l’époque des toupets crêpés et des vestons jeans, avec tout ce qu’il faut de sensibilité hipster pour faire passer tout ça pour du grand art.

L’humour sauve la mise

Heureusement, on constate rapidement que le tout est livré avec un sens de la parodie qui désarme le dégoût et accroche un petit sourire.

Les textes sont truffés de références vides: Bejar admet lui-même n’avoir jamais lu le livre de Curzio Malaparte à qui il doit le titre de l’album, et ne livre jamais le contenu de cette chanson « futée » sur l’Amérique qu’on nous promet dans Song For America. Blue Eyes ne fait que patauger dans un vide bien volontaire, et on sent bien que Chinatown est un quartier imaginaire qui n’a rien de bien ancré dans la réalité de Bejar.

Plusieurs autres indices portent à croire qu’on cherche davantage à faire rire qu’à émouvoir: l’interprétation de la guitare électrique sur la Cure-esque Savage Night at the Opera, les trompettes et sax bourrés de « reverb » et bien entendu, le vidéoclip éclaté pour la chanson titre.

Certains « gags » tombent toutefois à plat, comme les deux moments nouvel âge du disque: les deux premières minutes de Suicide Demo for Kara Walker et l’interminable Bay of Pigs qui, étrangement, se transforment toutes deux en disco ambiant style Jamiroquai en début de carrière. La première étant beaucoup plus réussie, voire raffinée, que la seconde.

Le kitsch-chic domine quelques autres pièces – la chanson titre et Song for America, notamment – leur insufflant un petit côté Pulp qui n’est finalement pas désagréable.

D’autant plus que Bejar a un sens inné de la mélodie accrocheuse et a eu la bonne idée de faire usage de nombreuses harmonies vocales avec des voix féminines.

Force est d’admettre, aussi, que Kaputt installe une ambiance sonore qui lui est propre et qui se démarque – du moins, dans le contexte d’aujourd’hui – une ensemble de sonorité cohérente, que l’on aime ou pas.


* Destroyer sera en concert au Cabaret Mile-End, à Montréal, le 1er avril 2011.

Vos commentaires