Guided By Voices

Critique album: Guided By Voices – Let’s Go Eat The Factory

Guided By Voices - Let's Go Eat The Factory Guided By Voices Let's Go Eat The Factory

Le groupe culte américain Guided By Voices effectue un retour pour le moins surprenant avec Let’s Go Eat The Factory, son premier album de matériel original depuis Half Smiles of the Decomposed en 2004. Incroyable mais vrai: en réunissant la cohorte des belles années (pré-1996), Robert Pollard a réussi le tour de force de nous réintéresser à son cocktail abrasif de rock garage et de post-punk lo-fi.

Aux côtés des Pavement, Sebadoh et autres Neutral Milk Hotel, Guided By Voices avait fait la pluie et le beau temps au courant des années 1990 auprès des mélomanes davantage intéressés par le vigoureux rock brouillon des disciples de Sonic Youth que par le rock alternatif prévisible et décevant qui polluait l’ère post-Cobain.

Sans le savoir, ces formations phares allaient influencer une génération de jeunes musiciens et dessiner le croquis du rock indé bruyant et fougueux qui surgit de plus en plus ces années-ci.

En 1996, le leader du groupe, Robert Polland, avait fait table rase en virant tout le personnel qui l’avait accompagné dans les albums marquants Bee Thousand (1994) et Alien Lanes (1995). Toutefois, les parutions subséquentes (et les 1001 projets parallèles de Polland) n’ont jamais marqué les esprits de la même façon.

C’est donc sans surprise que tout le monde ait été rappelé au bercail. Ce qui étonne, en revanche, c’est que la magie opère de façon si naturelle après 15 ans de quasi-séparation (plusieurs membres ayant collaboré de façons variées) et que la pétulance caractéristique des années Bee Thousand  fasse encore effet.

 

Sous le signe de la variété et de la brièveté

Fidèle à la formule qui lui va le mieux, Let’s Go Eat The Factory comporte pas moins de 21 titres, tous plutôt courts (souvent moins de 2 minutes) et qui partent dans tous les sens.

La plupart des chansons adoptent l’approche rock rapide et tonnant, mais GBV pige parfois dans le folk (la comique Doughnut For A Snowman) ou expérimente comme s’ils étaient le Velvet Underground (The Big Hat and Toy Show).

Les voix sont parfois à l’avant-plan, tantôt camouflées au mixage, quelques fois modifiées complètement.  Difficile d’y trouver ses repères, surtout à la première écoute. On dirait presque une compilation de pièces inédites, plutôt qu’un album en bonne et due forme, même s’il regorge de titres marquants.

 

La fougue du vieux temps

Tout comme GBV eux-mêmes, Let’s Go Eat The Factory porte les défauts de ses qualités et vice-versa: l’esthétique volontairement débraillée agace comme elle attise, et ruine quelques titres au passage (My Europa, The Room Taking Shape).

Ce vice est parfois délicieux;  certains titres en bénéficient, comme Spiderfighter, We Won’t Apologize For the Human Race, The Unsinkable Fats Domino et plusieurs autres pièces de l’album, qui pourraient facilement verser dans la pop racoleuse entre les mains d’artistes moins soucieux de les « salir » gentiment. Lorsque les guitares rugissent, on retrouve bel et bien GBV à son meilleur. Les arrangements de la bande sont visiblement essentiels à faire des airs de Polland de bonnes chansons.

Plusieurs ruptures de ton et la variété déconcertante des titres empêchent toutefois l’album d’être une réussite totale. La réalisation crue et fruste fait partie du charme du groupe, mais ne conviendra certainement pas à tous.  Encore une fois, les caractéristiques de base de GBV servent autant qu’elles nuisent, mais au moins, elle sont là, assumées et servies avec enthousiasme.

Force est d’admettre que Guided By Voices est de retour en selle et semble être sur la bonne piste pour en remettre, juste à temps pour la renaissance du grunge.

Let’s Go Eat The Factory est à peine sorti qu’un prochain disque est déjà prévu et pourrait se retrouver chez les disquaires avant longtemps: Class Clown Spots A UFO pourrait même être lancé en mai. C’est donc dire que la formation actuelle de Guided By Voices est là pour rester. À suivre.

À écouter:
Imperial Racehorsing,  The Unsinkable Fats Domino, Laundry and Lasers, How I Met My Mother, Either Nelson

À sauter:
My Europa, The Room Taking Shape, Go Rolling Home

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