Arcade Fire

Critique | Arcade Fire – Reflektor

Arcade Fire - Reflektor Arcade Fire Reflektor

Disco moderne infusé de saveurs haitiennes et caribéennes, et libéré du formatage classique d’un album, le nouvel Arcade Fire est tout à fait à la hauteur du buzz, n’en déplaise aux pisse-vinaigre pour qui le tapage médiatique était suffisant pour détester le disque avant sa sortie. Comme disait Bélanger : « restez en votre automne, l’été tout l’an me fait plus envie ».

Le virage Achtung Baby

Comme si la barque Arcade Fire n’était pas déjà assez peuplée – le band rock moyen ne contient pas 8 membres – la formation montréalaise a ajouté deux percussionnistes et un illustre réalisateur à son équipage : James Murphy.

On peut effectivement considérer ce dernier comme un « nouveau membre temporaire d’Arcade Fire » tant son empreinte est importante sur Reflektor. Murphy est à Arcade Fire ce que Daniel Lanois a été pour U2 au début des années 1980, et en ce sens, Reflektor sera sans doute considéré comme l’Achtung Baby d’AF : un album qui marque un tournant important vers le succès de masse et une certaine rupture avec le passé.

Jouissant déjà d’un succès critique considérable depuis Funeral au début des années 2000, Arcade Fire a vu sa carrière propulsée à la vitesse grand V depuis la récompense Grammy pour l’Album de l’année (avec un grand A) en 2012. L’évolution du son AF vers une approche plus accessible au grand public, transition déjà entamée avec The Suburbs, a visiblement subi une accélération quintuplée depuis, si bien que le fan de la première heure aura carrément l’impression qu’Arcade Fire est rendu ailleurs.

Pourtant, une écoute attentive permet de constater que Reflektor est bien l’oeuvre du même groupe à qui l’on devait The Suburbs. L’écriture de Win Butler n’est pas si différente, au fond. Sa façon de formuler ses angoisses et préoccupations (universelles) en lignes mélodiques habiles est égale à elle-même.

Mais bien sûr, au niveau des arrangements, l’effet LCD Soundsystem se fait sentir : les rythmes s’inscrivent souvent dans la tendance post-disco propulsée par l’écurie DFA, les orchestrations luxuriantes des albums précédents font place à des sonorités eighties (Porno en est un bon exemple), variées et soigneusement placées dans le mix. Les percussions, elles, viennent ajouter une touche caribéenne, qui forme un étrange mais séduisant contraste.

Certains titres ne paraîtront pas si étrangers aux fans de The Suburbs, comme Normal Person, Joan of Arc ou encore You Already Know, mais l’impression générale demeure fort différente.

En ce qui a trait à la longueur de l’album, et de ses chansons, il est vrai que Reflektor contient trois titres de moins que The Suburbs, mais se déploie néanmoins sur deux disques.  Deux galettes courtes, ceci dit.

Cette approche fait contraste avec l’époque – avons-nous encore la patience pour un disque double en 2013 ? – mais témoigne néanmoins d’une envie de faire les choses à leur manière. Rien ne sert de presser le pas : libéré de l’infâme diktat du 3-minutes-pas-plus pour obtenir la bénédiction des radios commerciales, Arcade Fire fait dans la pop élaborée et se donne les outils pour aller au bout de ses idées.  La concision à tout prix n’aurait pas fait de Reflektor un meilleur album.

 

Verdict :  Facebook-like-thumb

Du disco pour la génération Cobain, infusé d’art rock et d’une ouverture altermondialiste (on salue Haiti au passage, mais aussi la Jamaïque, où une partie de l’album a été enregistré) ; voilà ce qu’est Reflektor.  Incapables de faire abstraction de notre conscience pour danser l’esprit tranquille – comme ces insouciants chanceux qui ont grandi dans la décennie 80 – on croque à pleines dents dans une musique rythmée pleine de préoccupations, de cynisme, mais aussi d’espoir.  Il y a tout cela dans Reflektor, si on se donne la peine d’écouter.

Excellent album, donc. Plus important que The Suburbs par sa mise en marché et par le tournant qu’il annonce dans la carrière du groupe. Mais oeuvre pour oeuvre, l’album de 2010 était sans doute supérieur. Tout comme Joshua Tree était supérieur à Achtung Baby… 

Pistes de l’album

Piste Titre Durée
1 Reflektor 7:33
2 We exist 5:44
3 Flashbulb eyes 2:42
4 Here comes the night time 6:30
5 Normal person 4:22
6 You already know 3:59
7 Joan of arc 5:26
8 Here comes the night time II 2:52
9 Awful sound (oh eurydice) 6:13
10 It’s never over (oh orpheus) 6:42
11 Porno 6:02
12 Afterlife 5:52
13 Supersymmetry 11:16

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