Coup de coeur francophone 2024 | Entrevue avec Daran : Revenir à l’essentiel
Une guitare, une basse et une batterie. C’est tout. Et sans aucun effet de pédale, qui plus est. Voilà les contraintes de composition que s’est imposé Daran durant la conception de son Grand Hôtel Apocalypse, onzième album en carrière lancé cet automne. Le rockeur français, père de Dormir dehors, viendra défendre les couleurs de son nouveau projet ce samedi au Cabaret Lion d’Or dans le cadre du festival Coup de cœur francophone.
* Mise à jour (10 novembre) : Un spectacle surprise a été ajouté au Verre Bouteille le mardi 26 novembre prochain.
« J’ai une production qui se déplace et ça me libère soudainement un trou de trois semaines. Je me suis dit : “si je ne fais pas un album là, maintenant, je ne le ferai jamais”. »
Daran passe la majorité de son temps à composer et réaliser des chansons pour d’autres. Quand il en trouve l’occasion, c’est sous son nom qu’il en publie. Composé dans l’urgence au cours la pandémie de Covid, Daran propose avec Grand Hôtel Apocalypse une douzaine de chansons décapantes et brutes, à la fois cyniques et introspectives, quelque part entre Noir Désir et les Pixies. « À ce stade, je me débrouille surtout pour être en accord avec le moindre centimètre carré de l’album, puis je n’aurais aucune excuse si c’est mauvais vu que je suis quasiment le seul impliqué dessus, lance l’artiste dans la soixantaine. Je m’en fiche de ce que les gens décident de sortir en single, je peux aller au front avec tout ce qui est dessus. »
L’album a directement été visualisé sur scène pendant sa composition. Joué d’un bout à l’autre, sans interruption, manière Pink Floyd. Une nécessité pour l’artiste qu’est celle de partager directement sa dernière offrande avec un public. Daran, normalement derrière la guitare, s’est d’ailleurs « relégué » au rang de bassiste pour pouvoir tourner avec un guitariste qu’il affectionne particulièrement, et ce, depuis plusieurs années : André Papanicolaou.
* Daran et André Papanicolaou au Théâtre Petit Champlain, en novembre 2024. Photo par Normand Trudel.
Daran compose la musique, les mélodies, tandis que son collaborateur de longue date Pierre-Yves Lebert se charge de donner vie à des ébauches de textes. À eux deux, ils forment un « auteur-compositeur », dit-il. « J’avais écrit, pour la première phrase de l’album, « de la pluie, de la brume, des embruns, du vent ». Il regarde le truc, et il me le rend avec « le désordre du gris des embruns du vent ». Je crois que tout est dit dans cet exemple. Il a cette surcharge poétique et il fera toujours mieux que tout ce que je pourrais faire », avoue Daran, humble et reconnaissant.
Si j’étais seul sur une île déserte, je pourrais faire un album tout seul, mais je ne me prive surtout pas de ce plus génial qu’il [Pierre-Yves Lebert] apporte.
D’ailleurs, ça parle de quoi, Grand Hôtel Apocalypse? « Je ne suis pas un grand spécialiste de la chanson d’amour, reconnaît Daran. J’ai dû en faire trois ou quatre sur 10 albums. Mais là, je me suis dit que j’allais peut-être un peu abandonner le sempiternel volet social pour faire quelque chose d’un peu plus près de moi, un peu plus dans le ressenti, dans les sentiments, dans les souvenirs d’enfance. Ce genre de choses. »
Si le grand public connaît surtout Daran pour son tube pop rock Dormir dehors, datant de 1994, autant dire que l’artiste n’a pas cessé de réinventer sa palette. On reconnaît notamment depuis 20 ans des virées en eaux prog (Le Petit Peuple du bitume, 2007) ou encore une retraite folk minimaliste (Le monde perdu, 2014).
« Je me crée un plan de vol parce que j’aime bien travailler dans un tuyau et dans des contraintes. Je trouve que c’est garant d’une couleur et c’est garant de créativité. Mais par contre, je trouve ça au moment où je démarre. Ce n’est pas sur une carrière. Peut-être que le prochain album sera avec un ensemble à cordes. Tu vois, je n’ai pas d’idée. »
* Photo par Jean-Charles Labarre.
La pochette de Grand Hôtel Apocalypse laisse entrevoir un Daran dans l’enfance, le regard mi-fatigué, mi-espiègle, un pistolet en jouet dans la main droite. À l’arrière de l’album (à condition de posséder une copie physique, bien sûr), vous pouvez y voir le même homme affublé du même polo, dans une pose similaire. Le pistolet est troqué pour une basse, par contre. Plus de 50 ans séparent ces deux photos, et pourtant, l’esprit, la volonté qui animent Daran n’ont pas changé.
« J’ai rarement été aussi heureux dans ma vie que quand je jouais aux Legos seul dans ma chambre, quand j’étais enfant. J’étais dans une béatitude et un bonheur absolu, confie le musicien. Je crois que je fais exactement la même chose aujourd’hui quand je suis dans mon studio, avec des instruments. Je joue aux Legos », exprime-t-il.
Je n’aime pas tellement, d’ailleurs, le terme « créer ». Je trouve que c’est un peu prétentieux de dire ça au sens biblique du terme. On ne crée pas, on assemble. On fait du Lego. Tout le monde a les notes sous les yeux, tout le monde a les mots sous les yeux. Le génie, il est dans les nouvelles associations de ces briques de couleurs.
Daran se produira ce samedi 9 novembre au Cabaret Lion d’Or, à 20h. Alicia Deschênes assurera la première partie du spectacle. Vous pouvez encore vous procurer des billets pour la soirée en cliquant sur ce lien.
- Artiste(s)
- André Papanicolaou, Daran
- Ville(s)
- Montréal
- Salle(s)
- Cabaret Lion d'Or
- Catégorie(s)
- Alternatif, Rock,
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