Cosmic Love

Cosmic Love à l’Usine C | Comme un éloge de la lenteur

« Quelle est cette spirale, cette rigueur cosmique qui nous unit tous? Que signifie tomber dans un trou noir ou être en orbite? », avait déclaré la chorégraphe montréalaise Clara Furey lors de la création de Cosmic Love à la Cinquième Salle de la Place des Arts en 2017. « En quoi consiste le contenu du vide? », pourrait-elle ajouter maintenant, avec la reprise à l’Usine C de cet éloge de la lenteur et du mouvement répétitif, sans atteindre deux ans plus tard une réponse artistique forte au pourquoi du vide sidéral commun à tous?

*Photo par Mathieu Verreault.

Œuvre hybride

À la lisière entre chorégraphie et performance sans texte, le spectacle Cosmic Love s’est promené depuis lors sur les scènes européennes, et même jusqu’en Azerbaïdjan. Son questionnement fondamental et l’abstraction de sa forme dansée sont livrés par sept artistes inspirés, dont le plus connu est Francis Ducharme, aussi bon danseur que bon comédien. Il vient d’ailleurs de recevoir, pour sa puissante interprétation de Néron dans le Britannicus du TNM, le prix du meilleur interprète masculin décerné par l’Association québécoise des critiques de théâtre.

Mais, à l’opposé de l’exigeante Danse Mutante, initiée par la chorégraphe Mélanie Demers, et qu’il vient de livrer pendant trois heures sur scène au Wilder Espace danse, Francis Ducharme ne trouve pas ici matière à montrer le meilleur de son double talent.

Début lancinant

Quand on entre dans la salle de l’Usine C, les sept interprètes se tiennent debout sur le plateau recouvert d’une toile blanche posée en diagonale. En chœur, ils récitent comme un mantra chanté une phrase qui ressemble à « I need a mouth as wide as the sky ». Cette ouverture semble beaucoup trop longue pour être efficace et nous propulser dans ce qui va suivre. En réalité, il faudra un bon vingt minutes de figures lentes ou statiques au niveau du sol avant qu’un des interprètes ne se place enfin en position debout.

*Photo par Mathieu Verreault.

Les interprètes, d’abord seuls puis deux par deux, adoptent des postures précaires au ralenti, le tout affligé d’une lenteur d’exécution poussant l’exaspération du spectateur. Les mouvements sont répétitifs à n’en plus finir, et aussi dépourvus d’imagination chorégraphique qu’avec ces simples rotations des bras qui n’en finissent pas non plus. Au lieu de provoquer l’effet hypnotisant recherché par l’apesanteur des sens, c’est rapidement l’ennui qui s’installe dans cette première pièce de groupe signée par la chorégraphe et danseuse aux cheveux noir corbeau.

En fait, ce spectacle, en éliminant le répétitif, les longueurs et les silences, aurait pu être concentré en 20 minutes, ne gardant densément que le meilleur. Ce à quoi pourrait s’ajouter dans le futur une heure de matériel neuf qui nourrirait davantage l’œuvre et ainsi atteindrait son but par la réflexion dont la thématique se réclame.

Un beau potentiel

Mais, n’empêche. Clara Furey, qui fait partie des danseurs sur cette piste, s’étant elle-même chorégraphiée avec le concours de ses partenaires, a un talent indéniable qui ne demande qu’à grandir au gré des expériences et des défis. Son Untied Tales, présenté au même théâtre en 2016, avait bien marché. Même chose pour son solo When Even The, présenté au MAC pendant 90 jours dans le cadre de l’exposition consacrée à Leonard Cohen, et Rather a Ditch avec Céline Bonnier au dernier FTA.

Celle qui ne veut pas se faire connaître à l’enseigne de ses célèbres parents, Carole Laure et Lewis Furey, mais en son nom propre, n’en a pas moins le sens de la famille. C’est son jeune frère, Tomas Furey, également danseur dans Cosmic Love, qui a composé et exécute sur scène une musique électroacoustique aussi ésotérique qu’apocalyptique. Sa trame musicale, tout comme la conception moderne des lumières par Alexandre Pilon-Guay, sont sans conteste deux des éléments les mieux réussis de ce Cosmic Love dont le très beau numéro final vient lui aussi sauver le show.

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