crédit photo: Gabriel Fournier
Orchestre Symphonique de Montréal

Concert d’ouverture de l’OSM à la Maison symphonique | L’intrigante modernité en avant-propos

L’Orchestre symphonique de Montréal donnait le coup d’envoi de sa 90e saison mardi soir, à la Maison symphonique. Le chef Rafael Payare et ses musiciens ont jeté leur dévolu sur deux œuvres contemporaines en guise de première soirée de l’édition, au nom de la Messe glagolitique du compositeur tchèque Leoš Janáček et le célèbre Sacre du printemps : difficilement accessibles, hautement complexes, mais profondément intéressantes.

La programmation de l’OSM révèle bien souvent un certain fil rouge, que cela se discerne dans la saison entière, ou simplement sur une soirée même.

Cette fois-ci, un duo de musiciens slaves et modernes composait cette ouverture de la formation classique. On aurait autant pu tirer 50 ans auparavant, avec Dvořák et Tchaïkovski, mais les compositeurs tchèque et russe mis à l’honneur se retrouveront finalement une génération musicale plus tard, avec Janáček, mais surtout ce controversé personnage de Stravinsky.

Après qu’une voix ait annoncé les modalités de sécurité dans la salle, Madeleine Careau, cheffe de la direction, prend place derrière le micro pour tenir un court discours, soulignant notamment le dixième anniversaire du Grand Orgue Pierre-Béique, en plus de faire part que 80 concerts seront cette année tenus par l’institution.

Andrew Wan, violon solo de l’OSM, vient s’asseoir à la première chaise, tandis que les solistes et Rafael Payare suivent le pas en foulant par la suite les planches.

* Photo par Sebastian Sevillano.

L’ouverture cuivrée, accompagnée de timbales, révèle un tempérament hargneux dans cette Introduction, les instruments offrant une nouvelle fois ce son rond, plein et juste, un élément auquel l’OSM nous a bienheureusement habitués depuis des lustres.

Si la formule même d’une messe dégage davantage sa gloire à l’époque baroque et classique, les mouvements liturgiques, revisités à l’aube du XXe siècle par Janáček, sont alors chantés en slavon dans cette œuvre particulière, et non en latin, comme nombre de compositions classiques.

Et ce n’est pas le fruit du hasard.

La Messe glagolitique rend hommage au peuple, à cette terre nouvelle qu’on appelait autrefois la Tchécoslovaquie, l’œuvre pouvant être surtout qualifiée de lumineuse dans son interprétation.

Pétillant, Payare décide souvent de garder cette attitude ouverte, extravertie, même dans les mouvements les plus calmes des compositions interprétées par l’orchestre.

Entre des séquences pastorales, grandioses, modernes, on remarque que la Messe de Janáček et Le sacre ne révèlent pas l’enchaînement d’œuvres le plus accessible du catalogue classique de l’OSM.

Nous sommes loin d’une Ode à la joie, nous sommes loin des Quatre Saisons, et on remarque qu’il faut être doté d’une oreille particulièrement éduquée, d’un fond, d’une éducation musicale conséquente pour apprécier pleinement ces pièces proposées.

Après avoir chanté la gloire, demandé le pardon, vécu toute cette souffrance, le chœur et les musiciens se taisent pour une séquence à l’orgue solo, tirant le plein potentiel du Grand Orgue Pierre-Béique dans le courant de ces accords puissants, riches, dramatiques, très « Bach », sur le Postludium, avant le final, Intrada, rapide, brillant, déconstruit, à l’image de l’œuvre en elle-même.

* Photo par Sebastian Sevillano.

 

Célébrer le printemps à la frontière de l’automne

À la fin de l’entracte, l’Orchestre symphonique de Montréal présente aux alentours de 20h30 Le sacre du printemps.

Suivant un thème magnifiquement interprété par le basson sur les premières notes de L’adoration de la Terre, les instruments rejoignent un à un l’ensemble, alors qu’on se rend compte tranquillement que l’œuvre présentée s’annonce aussi moderne que celle la précédant.

Dès l’entame de la Danses des adolescentes, le caractère premier de l’œuvre de Stravinsky prend tout son sens : une puissance rythmique, stressée, agitée.

À l’image des Tableaux d’une exposition de son compatriote Modeste Moussorgski, Le sacre du printemps comporte de courts segments, distincts, mais surtout, profondément imagés.

On a l’impression de suivre un récit, comme si les instruments nous racontaient l’histoire de cette adolescente sacrifiée que de simples mots mêmes ne sauraient décrire intégralement.

La dénomination des passages offre ce caractère inusité, assez caractéristique de l’époque moderne, tandis que certains de ces sous-tableaux ne durent à peine qu’une dizaine de secondes.

Une belle touche de l’OSM, encore : à chaque fois que l’œuvre se dirige vers un autre segment, son nom se retrouve projeté en dessous du Grand Orgue Pierre-Béique, permettant à merveille de suivre l’œuvre sans se perdre, sans forcément la connaître sur le bout de ses doigts.

Un désir d’accessibilité accrue à cette musique, comme on le distingue dans le mandat de la Virée classique.

* Photo par Sebastian Sevillano.

Dans sa globalité, Le sacre du printemps montre un visage éclatant, flamboyant, rimant bien souvent avec une sonorité plus forte de l’orchestre.

Si on perçoit et entend cette puissance, cette dernière ne tombe au grand jamais dans l’abus, le non-contrôle, un mezzo forte emplissant autant la salle qu’un fortissimo.

Les musiciens le savent et se reconnaissent, l’exercice s’avère plus compliqué qu’il n’en a l’air.

L’orchestre débute la Danse sacrale, apothéose de la pièce, s’emballe au gré de la passion de Rafael Payare, dirigeant de temps à autre en sautant sur un pied.

Quelques secondes de silence avant la note finale, et puis le public conquis se lève pour une longue ovation.

* Photo par Gabriel Fournier.

 

La postérité paie

Une réflexion intéressante par rapport au Sacre du printemps pourrait naître dans la tête des mélomanes à tendance philosophe.

Aujourd’hui considéré comme un classique à la frontière du post-romantique et de la modernité, l’œuvre du compositeur russe était horriblement reçue à l’époque de sa création, à Paris, le 29 mai 1913.

Des cris, des rires, de l’incompréhension.

Comme si l’artiste semblait être né à la mauvaise époque, tant son avant-gardisme peut avoir l’art de troubler.

La question peut alors se poser.

Quel sera donc ce projet, aujourd’hui injustement incompris que seule de futures générations apprécieront à sa juste valeur?

Faites vos paris.

 

Photos en vrac

* Photo par Sebastian Sevillano.

* Photo par Sebastian Sevillano.

* Photo par Sebastian Sevillano.

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