Ceux qui se sont évaporés au Centre du Théâtre d’Aujourd’hui | Prière de m’oublier
En cette ère où tout le monde sait tout sur tout, tout le temps, l’autrice Rébecca Déraspe s’est obsédée à imaginer le sort de ceux qui décident volontairement de disparaitre, de ceux dont on ne sait rien, de Ceux qui se sont évaporés, présenté au Centre du Théâtre d’Aujourd’hui jusqu’au 28 mars. La mise en scène est signée Sylvain Bélanger, et on retrouve dans la distribution Geneviève Boivin-Roussy, Élisabeth Chouvalidzé, Josée Deschênes, Vincent Graton, Reda Guerinik, Éléonore Loiselle, Maxime Robin et Tatiana Zinga Botao.
*Photo par Valérie Remise.
Un dépouillement prometteur
Avant même que les acteurs n’aient ouvert la bouche, la disposition scénique annonce un dépouillement, comme une réunion des AA dans un sous-sol d’église. Une table, des chaises disposées le long des murs. Un réchaud à café. Des cups en papier. Puis les mots envahissent l’espace vide et instantanément la poésie résonne sur les murs blancs et le bois du plancher. Le langage de Déraspe frappe en premier, puis les choix de Sylvain Bélanger qui n’a rien laissé au hasard dans sa mise en scène chorégraphiée au quart de tour, permettant tout de même aux acteurs de s’approprier le plancher de danse à leur façon.
*Photo par Valérie Remise.
La philosophie des disparues
Une mère qui s’en va laisse une douleur vive, il ne peut en être autrement. Mais Déraspe nous amène à voir toutes les facettes de la fugue : les déchirements de celle qui veut fuir, qui doit fuir ; l’escalade qui la mène à sa décision ; la réaction des proches. Elle n’est pas seulement une mère, ce fut un bébé, une fillette puis une jeune femme, amante, conjointe, amie, collègue… tous ces définitions dans lesquelles elle ne se reconnait pas, ou du moins, qui ne la définissent pas. L’autrice nous lance aussi sur les pistes d’autres histoires de disparition, de bribes entendues ou de rumeurs de campagne. Et au final, on reste avec l’impression de ne pas comprendre réellement les raisons qui ont motivées la protagoniste à partir. On reste simplement sur la réflexion de tout le processus qui amène un humain à vouloir cesser d’exister pour vivre dans une réalité parallèle. C’est un exercice philosophique fort intéressant et très actuel.
*Photo par Valérie Remise.
Un humour salvateur
Malgré la tension dramatique, beaucoup d’humour teinte la pièce. À de nombreuses reprises, les comédiens ont arraché de grands rires à la foule, dont Maxime Robin, d’un comique naturel. Cette distribution cinq étoiles dialogue tout au long, dans des échanges tantôt rapides et décousus, tantôt lyriques et déchirants. Geneviève Boivin-Roussy excelle dans son rôle de la femme qui fuit, et encaisse tout le poids de la culpabilité envers sa fille, campée par Éléonore Loiselle, jeune prodige dont on n’a pas fini d’entendre parler.
Sans divulgâcher la fin, la dernière scène est poignante de vérité, de sobriété, et permet aux mots de Rébecca Déraspe de marquer jusqu’à l’âme.
Ceux qui se sont évaporés est en représentation au Théâtre d’Aujourd’hui jusqu’au 28 mars. Les billets sont disponibles ici.
- Artiste(s)
- Ceux qui se sont évaporés
- Ville(s)
- Montréal
- Salle(s)
- Théâtre d'Aujourd'hui
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