
Bluesfest d’Ottawa 2025 | Le pari de Turnstile, la nostalgie des Pixies et l’agréable surprise de Hozier
Après une soirée d’ouverture marquée par le new country et une performance de haute voltige de Father John Misty, le Bluesfest d’Ottawa se poursuivait vendredi et samedi dernier avec une variété d’approches rock au menu.
Sur la grande scène des Plaines LeBreton, la programmation audacieuse du samedi mettait en lumière Turnstile, Pixies et Kurt Vile & the Violators, un trio d’artistes aux styles contrastés, mais complices dans l’énergie et la créativité, alors que Hozier assurait les rênes du vendredi soir.
Turnstile : une déferlante hardcore-pop explosive
C’était l’une des quatre grosses prises exclusives du Bluesfest cette année, avec Father John Misty, Green Day et Kaytranada. La formation hardcore-mais-est-ce-encore-hardcore de Baltimore ne donne aucun autre spectacle au Canada cette année, en marge de son nouvel album NEVER ENOUGH paru il y a tout juste un mois.
Le Bluesfest d’Ottawa a confié au groupe la tête d’affiche de son premier samedi, un pari somme toute assez audacieux. Mais avec les vétérans des Pixies en milieu de soirée sur la même scène, et Men I Trust sur la scène secondaire, on se doutait que des miliers de festivaliers allaient en profiter pour braver l’écrasante météo pour aller en prendre plein la gueule.
Avec NEVER ENOUGH, classé dans le Top 10 du Billboard, le groupe impose sa nouvelle marque hybride : hardcore punk, riffs mélodiques, son synthétique surprenant, le tout dans une approche pop qui évoque parfois les Smiths (!) et même Sting dans les inflexions de voix de Brendan Yates, au grand dam des fans de la première heure et puristes du style hardcore, qui débattent depuis la parution de GLOW ON à savoir si l’étiquette hardcore leur convient toujours.
Quoi qu’il en soit, leurs chansons jouent partout, leurs perfos circulent abondamment sur les médias sociaux, et Turnstile semble être le band de l’heure.
Sauf que…
Une fois la prestation des Pixies terminé, force est d’admettre que les Plaines Lebreton se sont vidées. Oups.
Il est vrai que 45 minutes séparaient les shows des Pixies et de Turnstile et que d’autres concerts se tenaient ailleurs sur le site, mais même jusqu’à 5 minutes avant le début de la prestation du groupe de Baltimore, on pouvait facilement se faufiler jusqu’à l’avant de la foule très espacée.
Qu’importe, les absents ont tort, right?
Et ceux qui sont présents vivent leur moment. D’ailleurs, dès les premières notes de la chanson titre du dernier album, la foule, aussi éparse soit-elle, s’enflamme. En tête du peloton, Brendan Yates est un chef d’orchestre du chaos : posé à terre, les deux mains au pied de micro, il lance chaque phrase comme un mantra de préparation, pour gonfler à bloc les fans présents.
Puis c’est l’explosion, et débute une communion bruyante et rythmée, avec notamment T.L.C. (TURNSTILE LOVE CONNECTION), 7 et Keep It Moving (qui rappellent qu’en 2013, personne ne doutait du côté hardcore du groupe!) ainsi que DON’T PLAY qui préludent à un voyage musical où l’audace scénique compense l’espace plus vaste de la scène principale.
Le groupe exploite également très bien la nouvelle venue, Meg Mills, autrefois guitariste pour Chubby and the Gang, qui se révèle un excellent moteur rythmique aux côtés de Pat McCrory et Franz Lyons.
La scénographie épurée de type ombres chinoises du début de spectacle laisse progressivement la place à une présentation plus traditionnelle, alors que Turnstile enchaîne les chansons avec quelques temps morts un peu surprenants. L’énergie reprend toutefois toujours assez bien et conquiert le public. Sur les écrans, on peut bien voir un moshpit d’une assez belle intensité pour Ottawa.
Les courtes chansons passent à la vitesse de l’éclair, et nous voici avec LOOK OUT FOR ME et son riff rappelant Testify de Rage Against The Machine, et son fameux interlude électro dansant durant lequel les membres ont quitté la scène, ce qui devait apparemment signaler au public qu’il était temps de réclamer un rappel, ce qui est un peu surprenant après moins d’une heure de spectacle d’une tête d’affiche. Oups #2.
Lors du rappel, un crowd-surfer audacieux parvient à atteindre la scène, et Yates salue son intrépidité en défendant sa présence auprès des gardes de sécurité avant de lancer un trio final brûlant MYSTERY, BLACKOUT et BIRDS.
Turnstile nous quitte alors avec le meilleur des sentiments : celui de nous laisser haletant, exaltés, satisfaits, mais pas tout à fait comblés. On en aurait pris un peu plus : en termes de longueur, mais aussi de participation du public, pas assez nombreux ni assez engagé.
Bref, ç’eut été un parfait show de MTELUS, de plus petite salle, bien plein de fans crinqués à fond.
Mais puisque le mandat était d’assurer la tête d’affiche d’un samedi soir de festival sur un immense terrain, il manque encore quelques ajustements avant qu’on en soit vraiment rendus là. Si on s’y rend, est-ce que le groupe aura trop perdu de son mordant et de son charme hardcore? C’est là tout le paradoxe du phénomène Turnstile en ce moment…
Pixies : la nostalgie sans flafla d’un groupe légendaire
Le groupe mythique de Boston, lui, montait sur scène dans le cadre de la tournée qui passait justement à Montréal plus tôt cette semaine. Comme pour toutes les autres villes où ils donnaient des shows en salle, ils s’y installaient pour deux soirs consécutifs : le premier, que nous avons couvert, étant axé sur les albums Bossanova (1990) et Trompe le Monde (1991), joués en intégrale. En festival, leur set de 75 minutes surfe à fond sur les vagues de nostalgie en pigeant un peu partout dans leur répertoire, mais surtout dans les tous premiers albums : Here Comes Your Man, Monkey Gone to Heaven, Wave of Mutilation, Debaser, Cactus, et bien entendu Where Is My Mind?, dressant un pont entre Gen‑X et nouvelles générations.
Contrairement à mardi dernier, les fans ont eu droit à tout ce qu’ils souhaitaient des Pixies : des interprétations posées, mais mordantes des chansons de leurs meilleures années. Le jeu de scène de Black Francis est sobre, concentré : ses gestes minimalistes, mais symboliques suffisent, et sa voix assure encore, malgré quelques paresses ici et là dans l’interprétation de certaines paroles. Il skippait des mots, en bon français.
Une performance peut-être pas si facile pour les festivaliers peu familiers avec leur répertoire en raison de la sélection de certaines chansons un peu plus obscures et de leur flegme moins festif, disons, que la présence explosive de Turnstile. Mais à constater la quantité de gens qui ont assisté à ce spectacle pour quitter tout de suite après, on devine que le parterre des Plaines Lebreton était très majoritairement rempli de fans qui ont apprécié l’exercice.
Kurt Vile & the Violators : l’échappée folk-psyché
Avant ces deux mastodontes, Kurt Vile et son groupe, les Violators, avaient ouvert la soirée. Leur folk-rock psychédélique a lentement imprégné l’air chaud d’Ottawa, comme un appel à la rêverie. Avec des morceaux de son répertoire récent, Kurt Vile propose une musique ample, rehaussée par des solos de slide-guitar, renforcée par une voix posée presque chuchotante.
Leur performance contemplative contrastait avec la fureur des autres artistes, mais le public, moins agité, se laissait embarquer. Chez l’amateur de bonne guitare, le charme opère, même si pour l’interprétation de son plus hit, Pretty Pimpin, Vile s’accordait un peu trop de lousse, ce qui a un peu dénaturé la très bonne chanson.
Retour sur vendredi : Hozier, Charlotte Day Wilson, Amigo The Devil
La soirée du vendredi était un peu moins relevée, mais parfois, c’est l’occasion de faire des découvertes… ou de recalibrer nos impressions de certains artistes.
Pour une critique renseignée et bien sentie du spectacle de Hozier tel que vu par une personne familière avec son travail, je vous conseille de consulter celle du Festival d’été de Québec par la collègue Nancy Boulay par ici.
Pour ma part, j’approchais ce concert avec un préjugé légèrement négatif envers l’artiste irlandais, ne connaissant que les chansons un peu mielleuses de son premier album, comme Take Me To Church, bien sûr, mais aussi Someone New et Work Song, ainsi que la plus récent Too Sweet qui rappelle vaguement les années récentes des Black Keys.
J’étais toutefois moins familier avec les deux derniers albums, Unreal Unearth (2023) et Wasteland, Baby! (2019) qui explorent des sentiers un peu moins familiers et jouissent d’arrangements assez surprenants. Les titres Nobody’s Soldier, Dinner & Diatribes et Eat Your Young, notamment, jouées en tout début de spectacle, m’ont pris par surprise!
Qui plus est, la scénographie était plutôt inventive avec des écrans LED qui trônaient au-dessus de la scène, mais descendaient à quelques reprises pour créer un effet de semi-transparence avec les musiciens derrière. Très réussi!
En deuxième moitié de set, après l’interprétation de quelques chansons plus tranquilles sur une petite scène plus près du parterre, Hozier a toutefois joué les chansons auxquelles on s’attendait de lui, au grand plaisir des fans.
Plus tôt en soirée, nous avons aussi eu droit à une prestation fort agréable de la très bonne songwriter R&B Charlotte Day Wilson, qui joue aussi de plusieurs instruments.
Malgré son air un peu austère et sa maîtrise vocale un peu trop en retenue, elle a su charmer le public avec la qualité de ses chansons, et son message auquel toustes peuvent s’identifier : « cringe but free is the way to go! », disait-elle, en expliquant qu’elle avait pris un temps fou à se débarasser du sentiment d’être jugée sans jamais être soi-même. On se rejoint tous là-dedans, et ça nous permet de percevoir l’artiste différemment.
Entre les deux, sur la scène River, nous avons l’occasion de capter 4 chansons du groupe Amigo The Devil.
En fait, on dit « groupe », mais c’est plutôt le projet solo de Danny Kiranos, un auteur-compositeur-interprète, guitariste et banjoïste américain, qui pige autant dans le folk américain, le country, le blues du Sud des États-Unis, le rock et même par moments le heavy metal, avec des thèmes de meurtre, de mort et d’autres sujets sombres. Ses expressions faciales et sa voix sont à l’avenant, ce qui rend sa prestation « dark folk » fort divertissante.
Le Bluesfest d’Ottawa prend relâche lundi et mardi, et reprendra du service mercredi avec Def Leppard et jeudi avec Sean Paul.
Pour notre part, on y sera à nouveau vendredi prochain, pour une excellente soirée punk avec Green Day, The Linda Lindas, Los Bitchos et Les Shirley au menu!
Photos en vrac
Turnstile
(par Morgane Dambacher)
Pixies
(par Morgane Dambacher)
Kurt Vile & The Violators
(par Morgane Dambacher)
Hozier
(par Marc-André Mongrain)
Charlotte Day Wilson
(par Marc-André Mongrain)
Amigo The Devil
(par Marc-André Mongrain)
- Artiste(s)
- Amigo The Devil, Bluesfest d'Ottawa, Charlotte Day Wilson, Hozier, Kurt Vile and the Violators, Pixies, Turnstile
- Ville(s)
- Ottawa
- Salle(s)
- Plaines LeBreton
- Catégorie(s)
- Hardcore punk, Indie Rock, Punk, R&B, Rock,
Événements à venir
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mercredi
Jour 5 | Def Leppard, Tom Morello, The Decemberists
Lieu : Plaines LeBreton -
jeudi
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vendredi
Jour 7 | Green Day, The Linda Lindas, Les Shirley
Lieu : Plaines LeBreton -
samedi
Jour 8 | Papa Roach, Daughtry, Lucius, Christone Kingfish Ingram
Lieu : Plaines LeBreton -
dimanche
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vendredi
Fierté Montréal | DistinXion avec Fefe Dobson, G Flip
Lieu : Esplanade du Parc Olympique -
mercredi
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