crédit photo: Pierre Langlois
Bikini Kill

Bikini Kill au MTELUS | L’attente aura valu la chandelle

Il a fallu attendre 22 ans pour que le groupe se réunisse. Puis trois ans et demi avant que le spectacle originalement annoncé en novembre 2019 ait finalement lieu, après trois reports COVID. Mais les fans québécois de Bikini Kill ont finalement pu voir le légendaire groupe punk rock féministe sur la scène du MTELUS mercredi soir. Un premier show à vie au Canada (à la veille d’un premier show à vie à Toronto), et probablement la seule occasion qui nous sera donnée de vivre cette expérience.

Pour ceux qui l’ignorent, Bikini Kill est une formation mythique. Si vous avez déjà entendu l’expression riot grrl, ce sont elles les pionnières du mouvement.

Tout au long des années 1990, elles ont rugi et créé certaines des chansons punk-grunge-garage les plus percutantes de leur époque : Rebel Girl, Double Dare Ya, White Boy, New Radio, Suck My Left One

Une compagne de concert quarantenaire me confiait même que, pour elle, Rebel Girl était son Smells Like Teen Spirit à l’époque.

À la tête de Bikini Kill, on retrouve la chanteuse principale Kathleen Hanna, qui devrait être vénérée au même titre que ses contemporaines Courtney Love, Shirley Manson, Liz Phair ou Kim Gordon, ne serait-ce que pour son chant primal et décomplexé, et son attitude sans compromis. Mais sur le plan des textes, cette ancienne intervenante de centre d’accueil de femmes victimes de violence conjugale et de viol va beaucoup plus loin dans ses revendications et ses remontrances. Ce qui lui a valu, dans les années 1990, la réputation d’être une farouche féministe anti-machiste, voire une extrémiste.

En ce sens, le retour de Bikini Kill en 2019 (et encore en 2023) est à propos, parce qu’on réalise aujourd’hui que son discours était tout simplement en avance sur son temps, et que ses chansons revendicatrices vont comme un gant à notre époque.

Alors on se rendait toustes au MTELUS parce qu’il fallait voir ce band en chair et en os, puisque l’occasion nous était finalement offerte. Et c’était beau de voir autant de jeunes et moins jeunes femmes (et hommes) réunies pour connecter avec ce projet qui aurait pu sombrer dans l’oubli.

Toujours de la mine dans le crayon

Mais qu’en sera-t-il de la performance sur scène, me demandais-je en me rendant au MTELUS?  Parce que l’ennui avec les shows punk rock de groupes des années 1990, c’est qu’on se demande toujours ce qu’il restera de la grogne, de la verve, de la dégaine des belles années lorsque les musicien(ne)s ont la cinquantaine.

On aimerait bien vous dire que nos craintes ont été immédiatement rassurées. Parce qu’on ne peut pas dire que le spectacle de Bikini Kill soit parti sur les chapeaux de roue. Mais pas en raison de l’âge de ses musiciennes. C’est juste que Kathleen Hanna est atteinte de la maladie de Lyme, et que ses craintes covidiennes sont toujours très présentes. Alors avant même d’entamer la première chanson, Hanna s’est adressée aux photographes réunis à l’avant-scène, au-devant de la foule, et leur a demandé de porter toustes des masques, sans quoi elle ne jouerait pas.

Évidemment, toustes ont obtempéré, mais ç’eût été plus efficace (et moins malaisant) de prévoir le coup à l’avance et d’avertir les photographes concernés avant leur arrivée dans la fosse au moment de commencer le concert! Parce que cette intervention au micro (avec tout le tact d’une militante punk!) et le temps mort entre la demande et la réalisation de cette demande a refroidi les ardeurs de la foule de manière assez notable.

Les quelques premières chansons en ont un peu souffert : Double Dare Ya, New Radio et
Jigsaw Youth ont été interprétées avec brio, mais le gâteau ne levait pas encore.

Bien qu’elles soient sympathiques, les interventions d’Hanna sont aussi un peu longues et décousues, ce qui casse un peu le rythme d’un spectacle qui aurait pu être un véritable feu roulant de chansons punk de moins de trois minutes.

Mais dès que la collègue batteuse Tobi Vail a changé de place avec Hanna pour assurer le chant des chansons I Hate Danger et In Accordance to Natural Law, là ça frappait!  C’est comme si le fait de remuer les places sur scène avait secoué ce qu’il restait de malaise.

La suite n’a été qu’un crescendo d’intensité. Avec humour, Hanna nous a introduit son Carnival avec une histoire mignone, puis attaquait l’excellente Reject All American de plein fouet.

Sugar, Hamster Baby et This Is Not A Test suivaient, et la vigueur était bien présente!  Ça rockait, le parterre était animé, la foule se faisait entendre et Hanna dansait et semblait s’amusait. C’était ce qu’on souhaitait vivre depuis trois ans et demi (ou 25 ans, dans d’autre cas!).

La performance s’est conclu avec Magnet, Lil’ Red et Suck My Left One, dont la percutante phrase principale provient apparemment de la soeur d’Hanna, désormais conservatrice et pro-Trump, mais qui tenait tête à des groupes de garçons achalants quand elle avait 12 ans. « Suck my left one » est une réplique savoureuse, qui a donné lieu à une chanson marquante. Comme quoi l’inspiration peut provenir de partout.

Au rappel, le groupe est revenu jouer LA chanson hymne de Bikini KillRebel Girl. C’était l’extase, et la conclusion parfaite à un très bon concert, somme toute, d’une bonne heure et demie jamais ennuyante.

Kathleen Hanna sera de retour à Montréal le 22 juillet pour jouer à l’Olympia avec son autre projet électroclash Le Tigre. Ne manquerait plus qu’un spectacle de son groupe The Julie Ruin pour compléter le panorama de cette incroyable carrière.

 

Grille de chansons

  1. Double Dare Ya
  2. New Radio
  3. Jigsaw Youth
  4. Don’t Need You
  5. Feels Blind
  6. I Hate Danger
  7. In Accordance to Natural Law
  8. Carnival
  9. Reject All American
  10. Alien She
  11. No Backrub
  12. Sugar
  13. Hamster Baby
  14. Tell Me So
  15. This Is Not A Test
  16. Capri Pants
  17. Resist Psychic Death
  18. For Tammy Rae
  19. For Only
  20. Demi Rep
  21. Magnet
  22. Lil’ Red
  23. Suck My Left One

Rappel

Rebel Girl


Photos en vrac

CB Radio Gorgeous (première partie)

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