Big Shiny Tounes EP28 : Entrevue avec Vilain Pingouin à la Jasette des Francos [balados]

Sous la chaleur tropicale d’un mercredi de juin 2025, Rudy Caya et Claude Samson se sont prêtés au jeu de la rétrospective, invités à revisiter plus de 35 ans d’histoire musicale dans le cadre de notre balado Big Shiny Tounes, à la Jasette des Francos. À l’aube de leur tournée d’adieu, les deux piliers de Vilain Pingouin ont livré une entrevue aussi généreuse que lucide sur le passé, le présent et l’avenir du groupe rock francophone emblématique des années 90, à quelques mois de la fin de leur ultime tournée, qui se conclura les 6 et 7 novembre 2025 au Studio-Cabaret de l’Espace St-Denis, à Montréal.

Un groupe-phare d’une époque-charnière

Vilain Pingouin a émergé à la fin des années 1980, dans un contexte où la scène rock francophone québécoise reprenait son souffle après un certain creux post-référendaire. Rudy Caya rappelle que le groupe s’est inscrit dans une mouvance où les jeunes artistes voulaient chanter en français sans renier leurs influences punk, new wave ou britanniques. Inspiré autant par The Cure, Killing Joke, DAF que par les Français de La Mano Negra ou Pigalle, Vilain Pingouin s’est positionné comme un pont entre l’Amérique et l’Europe, entre le folk québécois traditionnel et l’attitude rock.

Leur percée est attribuée à un enchaînement d’opportunités bien saisies, notamment leur participation à L’Empire des futures stars, un concours crucial à l’époque, et leur entrée en force dans la programmation de MusiquePlus, ce qui leur a permis de rejoindre des milliers de foyers québécois.

Le succès, mais pas la fortune

Le groupe a connu un succès populaire fulgurant dès la sortie de leur premier album en 1990, notamment grâce à des titres comme François ou Le Train. Malgré une forte présence à la radio, des tournées intensives (près de 200 spectacles en deux ans), des prix (Groupe de l’année à l’ADISQ en 1991) et des ventes d’albums dépassant les 100 000 copies, les finances du groupe sont restées modestes. « Ma meilleure année, c’est 54 000$ », avoue Rudy sans amertume, expliquant que le marché québécois restait restreint et que les musiciens de l’époque manquaient de formation en affaires.

Un deuxième album plus assumé, un troisième plus difficile

Le deuxième album, Roche et Roule (1992), a consolidé leur popularité, avec un son plus affirmé et une production plus maîtrisée. Claude Samson estime même que cet album les représente davantage, car ils savaient enfin « où ils s’en allaient ». Mais le troisième disque, Yé quelle heure? (1998), arrive dans un climat moins propice. Le groupe est en pause, les tensions internes émergent, le style musical évolue, et une production difficile (changement de réalisateur en plein milieu de l’enregistrement) plombe le projet. Résultat : l’accueil public est plus tiède.

Après cette période creuse, les membres du groupe prennent du recul. Rudy Caya lance un album solo plus introspectif, tandis que Claude Samson se consacre à son projet jeunesse Les Petites Tounes, qui deviendra une référence dans l’univers musical pour enfants au Québec. Tous gardent un pied dans la création, et Vilain Pingouin se reforme sporadiquement au fil des années pour quelques tournées ou spectacles ponctuels.

Depuis 2018, le groupe adopte un nouveau rythme : plutôt que de sortir des albums complets, ils privilégient des EP thématiques — Coup de cœur (2018), Coup de main (2022), et finalement Coup de grâce (2025), qui accompagne leur tournée d’adieu. Ces mini-albums, plus flexibles à produire, s’inscrivent dans une logique d’adaptation à une industrie musicale transformée.

Le vinyle, la nostalgie et l’IA

Un moment marquant de cette récente phase créative a été la récupération des bandes maîtresses de leurs deux premiers albums, jusque-là bloquées par leur ancienne maison de disques. Le groupe en a profité pour produire des éditions vinyle limitées — un aboutissement symbolique pour des artistes ayant grandi avec ce format.

Rudy s’est aussi découvert un nouvel outil de création avec les vidéoclips en intelligence artificielle. Sans budget de production élevé, il crée seul des clips visuellement riches, rendant hommage à leur catalogue, comme celui de Pirate, chanson de 1998 remise à l’honneur, ou encore celui de la nouvelle chanson Eh Oh!, premier extrait du EP Coup de grâce dont la sortie est prévue cet automne.

Une tournée d’adieu… mais pas un adieu

Malgré le titre évocateur de leur dernier EP, Coup de grâce, les membres insistent : ce n’est pas la fin de Vilain Pingouin, mais bien la dernière grande tournée. L’envie de jouer en groupe subsiste, mais le rythme effréné des tournées n’est plus compatible avec leurs réalités personnelles et leurs autres projets. Rudy parle de futurs EP en mode indépendant, explorant différents styles musicaux, du trip-hop au folk en passant par le punk. Claude, lui, continuera avec Les Petites Tounes, groupe qui séduit désormais les enfants de leurs premiers fans.

La franchise décomplexée des deux musiciens les pousse à témoigner d’un parcours sincère, parfois difficile, toujours animé par la passion de la musique. « Notre but, ça a jamais été de pogner. On espère que le monde va aimer ça, mais on le fait parce qu’on aime ça », résume Rudy.

Et à en croire les moshpits d’adolescents de 12 ans à leurs récents spectacles, la flamme du Pingouin brûle encore, portée par une nouvelle génération curieuse de sons bruts, de textes en français et de riffs sans compromis.

Écoutez l’entrevue intégrale :

 

Dates de spectacles pour l’Ultime tournée de Vilain Pingouin

23 juin 2025 : Fête nationale du Québec @ Saint-Lin
27 juin 2025 : Festivoix @ Trois-Rivières
7 août 2025 : Osisko en lumière @ Rouyn-Noranda
8 août 2025 : Les Fêtes Champêtres @ Ste-Anne-de-la-Pérade
20 septembre 2025 : Église Saint-Antoine @ Lavaltrie
4 octobre 2025 : Impérial Bell @ Québec
10 octobre 2025 : Théâtre Granada @ Sherbrooke
16 octobre 2025 : Théâtre Palace @ Jonquière
18 octobre 2025 : Cabaret des Amants @ Saint-Georges de Beauce
6-7 novembre 2025 : Théâtre St-Denis @ Montréal