crédit photo: Ari Larivière
Beck

Beck avec l’OM à la Place des Arts | Le génie éclectique de Beck en habits chics

Beck symphonique. Ces deux mots sur papier engendraient à eux seuls des attentes presque inatteignables. Et pourtant, le génialissime gringalet californien est parvenu à être à la hauteur, solidement appuyé par l’Orchestre Métropolitain dans un grand concert pop symphonique des grandes occasions, dont on se souviendra longtemps.

Sept ans après son passage à la Place Bell dans le cadre de la tournée Colors, on se réjouissait de revoir Beck sur une scène montréalaise, peu importe le contexte. Mais à la Salle Wilfrid‑Pelletier dans un décor orchestral, appuyé par NOTRE orchestre de surcroît?  On ne pouvait demander mieux.

À 55 ans, il a encore le swag d’un héritier de Prince, la prestance d’un grand chansonnier country et la dégaine d’une rock star. Il comporte en une seule personne une variété d’influences et d’approches stylistiques tellement bigarrés qu’on peine à comprendre comment une seule caboche a pu donner naissance à autant de chansons si marquantes. Et même avec un orchestre derrière lui, il n’y a aucune de ses facettes qui est laissée de côté. Toutes cohabitent. S’y ajoute même un petit côté crooner moins exploité par Beck, mais qui lui va à merveille, surtout à ses 55 ans. Au moment où on entend des échos d’un nouvel album à venir plus tôt que tard, il ne serait pas décevant de le voir aller dans cette veine pour la prochaine phase…

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Dès les premières notes de la courte symphonie instrumentale Cycle, les poils nous dressent sur les bras. Beck n’est même pas encore en scène. Puis on reconnaît les accords à la guitare acoustique de The Golden Age et aussitôt, l’alchimie Beck‑orchestre opère : une fusion inattendue entre la spontanéité d’un rockeur indie aux multiples facettes et la rigueur de l’Orchestre Métropolitain, dirigé avec finesse par Edwin Outwater.

Les fans des albums Sea Change (2002) et Morning Phase (2014), ses deux disques les plus « orchestraux », allaient bien sûr être gâtés, on s’en doutait. Mais le programme était au final un savant mélange de hits – qui aurait cru un jour entendre Where It’s At  et The New Pollution avec orchestre! – de morceaux rares et de reprises orchestrales à couper le souffle.

D’ailleurs, dès sa deuxième chanson, Beck pige dans l’une de ses fameuses reprises cinématographiques émouvantes : Everybody’s Got to Learn Sometime (de The Korgis), issue du chef d’oeuvre de son ami Michel Gondry, Eternal Sunshine of the Spotless Mind, film paru en 2004. Le signal est lancé pour les fans qui ont suivi sa carrière dans tous ses rebondissements : on aura droit à des chansons rarement entendues live. Il faut savourer chaque instant.

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Mais le moment qui allait prendre les émotions d’assaut provient de Sea Change : l’excellente Lonesome Tears, aux arrangements dramatiques, merveilleusement rendus par l’orchestre, au point où Beck prendra la peine de souligner qu’il a joué avec plusieurs orchestres dans sa vie, mais « you guys have a good orchestra! »

Se plaignant de la canicule suffocante qui sévit sur Montréal, il fait un lien habile avec l’interprétation de Tropicalia, chanson qui porte bien son nom, et qu’on n’aurait, encore une fois, jamais cru entendre avec un orchestre!

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Mais pour en revenir aux reprises rares et aux chansons tirées de bandes sonores de films, Beck nous offrira sa version envoûtante de Tarantula, tirée de la trame sonore du film Roma, dont il attribue l’originale au groupe goth This Mortal Coil (mais qu’ils avaient eux-mêmes repris de Colourbox), ainsi qu’une très rare interprétation de Ramona, la « love theme » qu’il avait composée pour le film d’Edgar Wright de 2010, Scott Pilgrim vs The World.

On aura aussi droit à un hommage touchant à Françoise Hardy par le biais de sa chanson We Live Again, dont l’air rappelle quand même beaucoup Tous les garçons et les filles de Hardy, ainsi qu’à deux merveilleuses reprises de Scott Walker, la très posée It’s Raining Today et le classique Montague Terrace (In Blue), au refrain époustouflant.

Après cette rafale de titres luxuriants et magnifiques, dont Paper Tiger et Waking Light vers la fin, on sentait que Beck avait envie de remercier la foule de son écoute attentive et des multiples ovations. Alors il s’est transformé en « crowd pleaser » avec tout d’abord un Where It’s At déjanté. Puis, après avoir laissé l’orchestre quitter le vaste espace, il revenait seul sur scène, s’amusant avec le triangle, la cymbale, avant de proposer un solo à l’harmonica sur One Foot in the Grave debout sur une chaise, comme si les 90 minutes de performance orchestrale avait causé en lui un désir ardent de spontanéité et de complicité teinté d’humour et de sincérité.

Suivait alors un rappel avec ses deux musiciens afin d’interpréter des titres que tout le public voulait entendre : Devils Haircut, Mixed Bizness et Loser, qui ont mis la foule en mode euphorie collective.

Le concert de Beck avec l’Orchestre Métropolitain aura été une réussite artistique indéniable, rempli de moments intimistes et de finesse, d’hymnes festifs, de surprises et d’hommages à ses influences.

Ce n’est pas tous les jours où on a l’occasion de voir et d’entendre un artiste de la trempe de Beck qui ne lésine pas sur les dépenses pour offrir en tournée un spectacle avec un si imposant orchestre.

Pour les fans de Beck qui l’ont vu souvent sur nos scènes, ça ajoutait un moment unique à la banque de souvenirs impérissables, de la part d’un artiste qui vieillit comme un bon vin.

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Une siffleuse en première partie

La Place des Arts n’était pas prête pour ce qui allait lancer la soirée…

Molly Lewis.

Une artiste qu’un simple biscuit soda pourrait taire.

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La dame australienne maintenant installée à Los Angeles siffle. C’est tout ce qu’elle fait. « Je ne sais pas chanter alors je siffle. »

Et pas juste en première partie d’un concert de Beck symphonique. Elle a aussi sifflé en studio avec Dr Dre, sur la trame sonore du film Barbie, à l’émission de Jennifer Hudson :

On l’imagine à l’aéroport :

Douanier : Vous vous rendez à Montréal pour quelle raison?
Molly Lewis : Je fais un spectacle à la Place des Arts.
Douanier : Mais vous n’apportez pas d’instruments.
Molly Lewis : Non.
Douanier : Alors vous chantez?
Molly Lewis : Non.
Douanier : …
Molly Lewis : (siffle doucement)
Douanier : Je vais devoir vous fouiller, madame.

A priori, on ne sait pas trop si Beck nous trolle.

On rit, mais on est ébloui.

C’est un merveilleux sifflement, évidemment. Sur une musique lounge kitsch, vaguement mystérieuse et onirique.

Une musique provenant de trames préenregistrées. Pas avec l’orchestre, non. Ni même avec des musiciens.

La jolie dame blonde se dandine seule devant le pied de micro, vêtue d’une jolie robe à paillettes évoquant les coraux, et elle siffle des airs magnifiques. Quelques reprises bien sûr, comme The Crying Game de Dave Berry ou encore une version bossanova d’Ava Maria, mais aussi des pièces originales, comme une « protest song » (sans paroles, vous comprenez le gag) intitulée Miracle Fruit, qu’elle prend le temps d’expliquer comme un édulcorant naturel réprimé par l’industrie du sucre, ou son single Oceanic Feeling.

C’est drôle, charmant, et franchement joli. Pas longtemps. Cinq ou six chansons suffisent. Mais disons que ça fait différent.

 

Grille de chansons

Avec orchestre

  1. Cycle
  2. The Golden Age
  3. Everybody’s Got to Learn Sometime
  4. Lonesome Tears
  5. Wave
  6. Tropicalia
  7. Blue Moon
  8. Lost Cause
  9. The New Pollution
  10. Ramona
  11. Tarantula
  12. It’s Raining Today
  13. Round the Bend
  14. Paper Tiger
  15. We Live Again
  16. Montague Terrace (in Blue)
  17. Waking Light
  18. Where It’s At

Solo

One Foot in the Grave

Avec son groupe band

Devils Haircut
Mixed Bizness
Loser


Photos en vrac

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