Battlefield à la Cinquième Salle | Passé, présent, futur
Le metteur en scène de renom Peter Brook présente à Montréal pour la première fois Battlefield, un épisode de son chef d’oeuvre Le Mahabharata, écrit par Jean-Claude Carrière. Le spectacle présenté du 22 au 25 mars raconte une histoire mythologique à la morale s’appliquant autant au passé qu’à notre époque actuelle.
Le Mahabharata a d’abord été présenté en 1985 au Festival d’Avignon et la pièce durait neuf heures. Cette création mise en scène par Peter Brook est basée sur l’épopée indienne du Mahabharata racontant l’histoire de la Grande Guerre des Bharata. Ce texte considéré comme le poème le plus grand jamais composé, réparti sur dix-huit livres, est un livre sacré de l’Inde, fondateur de l’hindouisme.
Bien entendu, l’idée d’une pièce de neuf heures n’est pas nécessairement alléchante pour tout le monde, et c’est sans doute pourquoi Peter Brook a choisi d’offrir un épisode réduit. La pièce ouvre sur la fin d’un massacre où des milliers d’hommes ont perdu la vie. Cette guerre a été déclenchée par un conflit familial entre cent frères, un certain Kharna et le héros Yudhishtira. Ce dernier, vainqueur, devra devenir roi, mais celui-ci ne croit pas qu’il possède les connaissances suffisantes pour devenir souverain. Comment régner après la fin du monde? Il interrogera ses proches afin de comprendre le monde qui l’entoure.
De la même manière que quelconque texte mythologique, la pièce mise en scène par Peter Brook et Marie-Hélène Estienne nous est présentée comme une fable où la condition humaine est remise en question. Quel est notre rôle dans le monde? Qui guide nos choix? Quoi faire lorsqu’il semble ne plus y avoir d’espoir?
Bien que cette philosophie proviennent d’un texte sacré, nous n’avons pas l’impression, en voyant le spectacle, que la morale est religieuse. C’est en fait une morale applicable à de nombreuses sphères de la vie quotidienne.
Contempler le vide
Peter Brook est bien connu pour ses mises en scène simples et épurées, et Battlefield n’est pas différente. Le spectateur se retrouve devant une scène vide, à l’exception de fines branches de bambou en fond de scène et au sol, d’un banc coussiné et de châles servant à maintes reprises de costumes pour les quatre acteurs. On retrouvait également sur scène le percussionniste Toshi Tsuchitori qui procurait à la pièce son atmosphère ensorcelante.
La distribution du spectacle est renversante. On retrouve Jared McNeill dans le rôle de Yudhishtira et celui-ci nous guide à travers l’histoire avec un jeu précis et une innocence envoûtante tel un enfant qui questionne son entourage pour tout comprendre du monde. On peut également voir Ery Nzaramba se passer plusieurs masques durant l’heure du spectacle et pourtant, il arrivait à tout coup à bien distinguer chacun des personnages. De son côté, Sean O’Callaghan dans le rôle de l’oncle de Yudhishtira enchante avec sa voix au timbre nous rappelant Alan Rickman. Puis, Carole Karemera dans le rôle de Kunti, la mère de Yudhishtira nous enveloppe par son jeu calme et posé.
En voyant le spectacle, le plus grand obstacle est d’essayer de se situer dans une histoire ou une culture avec laquelle nous sommes moins familiers. Toutefois, il n’y a pas d’année, pas de pays, ni d’époque spécifiée puisque le message de la pièce est universel. Il s’agit d’une réflexion sur le monde qui nous entoure. Tout simplement.
À la sortie de la salle, chacun peut voir le message ou l’appliquer comme bon lui semble. C’est la beauté de Battlefield: c’est le genre de spectacle qui reste avec soi longtemps.
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