
Bach à la Salle Bourgie | Les Variations Goldberg au clavecin sous la touche de Pierre Hantaï
« Monsieur, je vous demanderais de vous abstenir. » C’est ce que me dira éventuellement mon voisin de siège, visiblement dérangé alors que je profite de la sublime musique de Bach en hochant de la tête et en tapant silencieusement du pied.
C’est que les Variations Goldberg (ou Aria avec quelques variations pour clavecin à deux claviers BWV 988 si vous préférez), présentées hier, 6 mai 2025 du côté de la Salle Bourgie du MBAM, sont réellement magnifiques lorsque bien interprétées. 2 risques ici auxquels se confronte l’affable et émérite claveciniste français Pierre Hantaï, invité par Clavecin en concert pour une soirée qui s’annonçait bien spéciale : dans un premier temps, la réputation du répertoire, que la majorité du public connaît sur le bout de ses doigts, et dans un second l’instrument en soi, le clavecin ne pardonnant rien.
Contrairement au piano, qui permet des variations dans la puissance des notes et un jeu plus en subtilité, le clavecin est plus didactique, plus premier degré. C’est ce qui en fait la beauté, mais aussi le piège. Hantaï aura d’ailleurs maille à partir avec le sobre instrument de la collection privée de la Salle Bourgie, devant même réaccorder une note réticente entre deux des trente variations qui composent le cycle présenté.
La soirée s’introduit sur une intéressante « première partie » d’une vingtaine de minutes par Hantaï toujours, et en Bach toujours également, alors que l’on aura droit à un medley de pièces composées par le célèbre organiste pour ses enfants et sa femme Anna Magdalena, de même qu’à des transcriptions pour clavier de pièces orchestrales ou écrites pour violon par exemple, notamment la magnifique Sarabande de 1738.
Après un court entracte, on passe au programme principal : l’une des œuvres de Bach les plus connues, célébrée dans culture pop autant par Hannibal Lecter que dans Les triplettes de Belleville, qui inclut une parodie du Canadien Glenn Gould en pleine interprétation. Hantaï en livre en revanche une version peut-être plus austère et didactique, académique même.
L’aria initiale est sublime, avec un jeu léger et nuancé, que l’on retrouvera à plusieurs reprises au fil desdites variations, mais que l’on perdra aussi à quelques moments, la forme l’emportant sur le fond. Je dénotais plus tôt cette corde dissonante, mais quelques fausses notes occasionnelles viendront aussi ponctuer le récital, erreurs pardonnables vu la technicité de certains mouvements. Ces aléas de parcours en dérangeront toutefois visiblement plusieurs. Dans les points positifs, saluons à l’inverse les quelques choix intéressants lors des pièces laissant le choix aux interprètes de jouer à un ou deux claviers ou la flexibilité des changements mécaniques de l’instrument.
Somme toute, belle soirée et bon moment à mon humble avis, mais qui donnera peut-être plutôt envie à certains d’aller voir ces mêmes variations, toujours à la Salle Bourgie, en février 2026 sous la touche plus usuelle de Fazil Say au piano.
- Artiste(s)
- Pierre Hantaï
- Ville(s)
- Montréal
- Salle(s)
- Salle Bourgie du Musée des Beaux-Arts de Montréal
- Catégorie(s)
- Baroque, Classique,
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