Avant l'heure mauve

Avant l’heure mauve au Théâtre Périscope | Un western au féminin

Jusqu’au 7 octobre prochain, le Théâtre Périscope, à Québec, présente Avant l’heure mauve : un huis clos aux saveurs et allures westerns revisitées.

Dès l’entrée dans la salle, le décor est posé : les bottes de foin, les grains éparpillés et les cordages plantent parfaitement l’ambiance de la grange dans laquelle se déroulera ce huis clos de 1 h 40.

La pièce se déroule dans le ranch réputé de la matriarche Margot Hutson, interprétée par la comédienne Érika Gagnon. Dans cette région en guerre où la famine guette et où seules les femmes montent la garde, ce ranch autrefois prospère ne tient plus qu’à une bête. Alors que le soleil se couche, des bruits suspects se font entendre dans la plaine – c’est Inès, une ancienne habitante du village, qui s’impose avec un otage. Nul autre que le Général, l’homme fort à l’origine de la guerre.

Se joignent alors sur scène la guérisseuse, la femme du maire ainsi que la sœur de la matriarche, pour un total de six femmes réunies autour de cette grave question : que faire de cet homme à leur merci ? Entre celles qui désirent sa mort, celles qui la refusent et celles qui hésitent, les débats feront rage jusqu’à l’aube – la fameuse heure mauve.

Au fur et à mesure des altercations, des raisonnements et des cris, différents parcours se font jour. Les expériences passées de chaque femme dessinent le désir de vengeance ou de miséricorde.

Pour la première heure de la représentation, le suspense est bien présent. On suit avec intérêt le déroulement et les retournements de cette pièce qui, comme dans tout bon western, inclut trahisons, coups de feu et whisky.

* Photo par Guillaume Lévesque.

Toutefois, cette tension finit par s’étirer en longueur, avec des réactions parfois caricaturales, de la violence et des cris à tour de bras. Sans aucun doute, ces éléments se retrouvent aussi dans le genre western, mais cet acharnement des protagonistes les unes contre les autres manque parfois de justification solide. La surutilisation du procédé du coup de théâtre peut frôler le ridicule.

Enfin, le baisser de rideau arrive de manière très abrupte, à tel point que le public a marqué un temps d’hésitation avant les applaudissements. Peut-être une simple bévue de soir de première, qui sera recadrée pour le reste des représentations.

Certaines invraisemblances laissent également un doute au spectateur. Mentionnons la décision très peu western de laisser une protagoniste garder seule le féroce prisonnier, alors qu’elle n’est pas armée et ne sait pas tirer au six-coups ; ou encore le général qui, tout juste opéré de sa blessure à la jambe par la guérisseuse à grand coup de whisky en guise de désinfectant, fait la conversation et se dresse sur ses deux jambes.

Réussite sur le plan du décor

Foisonnant de détails, le décor plonge immédiatement les spectateurs dans ce monde désertique de bouviers et de fermes isolées. Les jeux de lumière signés viennent parfaitement servir le propos : tour à tour, ils imitent les rayons de lunes qui filtrent entre les murs de la grange, accompagnent les détonations des coups de feu et suivent les personnages qui vont et viennent, lanternes à la main. Les costumes sont fluides et bien coordonnés entre les personnages, sans glisser dans l’anachronisme. Ils constituent un bel apport à l’ensemble. La trame sonore vient intégrer à merveille les notes et les codes western-thriller.

* Photo par Guillaume Lévesque.

On se laisse volontiers absorber par le jeu énergique des sept comédiens, malgré quelques défauts de synchronisation lors d’échanges corsés. La matriarche, figure de proue de la pièce, est bien campée et intrigante, même si d’un point de vue purement scénaristique, il demeure difficile de saisir son point de vue sur le sort à réserver au général.

On peut, somme toute, applaudir cet essai de transposition d’un genre comme le western sur une scène de théâtre, a fortiori avec des personnages féminins au cœur de l’action. Avant l’heure mauve, malgré ses quelques maladresses du scénario, est un spectacle d’une belle facture grâce à sa mise en scène, au travail technique des comédiens et des concepteurs du décor, de la trame sonore, des costumes et des éclairages. Il s’agit d’une incursion intéressante dans l’univers du théâtre pour les amateurs de westerns et pour le public versé dans les récits historiques, qui souhaiteraient découvrir les arts dramatiques.

Présenté au Théâtre Périscope du 19 septembre au 7 octobre 2023. Détails et billets par ici.


Texte Maude Bégin-Robitaille
Mise en scène Marie-Hélène Lalande, avec la collaboration de Sophie Thibeault
Assistance à la mise en scène Sonia Montminy
Conseiller à l’écriture Philippe Savard
Conception décor Gabriel Cloutier-Tremblay
Conception éclairages Keven Dubois
Conception costumes et accessoires Emilie Potvin
Conception musicale Yana Ouellet
Coordonnatrice de production Valérie Côté
Compagnie Marraine Théâtre Niveau Parking
Œil extérieur Véronika Makdissi-Warren & Marie-Josée Bastien
Régie Marie-Pier Faucher-Bégin
Production Théâtre À pleins poumons

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