Nancy Boulay
Collaboratrice (Qc) Pour rejoindre Nancy: abhffbz@vpybhq.pbzUse et abuse | Quand l’art pousse son cri contre l’économie qui l’étouffe
Il y a des soirs où une scène devient un champ de bataille invisible, un territoire où deux forces qu’on croyait compatibles cessent soudain de se tolérer. Au Périscope, Christian Lapointe et Alix Dufresne ont livré une performance qui n’en est pas vraiment une, un geste vivant qui se tord et se réinvente sous les yeux du public, pendant qu’en arrière plan, sur un écran géant, le philosophe Alain Deneault expose sans détour Comment l’industrie culturelle use et abuse de l’art. Deux langages, deux rythmes, deux réalités qui se chevauchent sans se toucher vraiment, rappelant combien on a mélangé deux choses qui ne devraient jamais cohabiter : l’art et le capitalisme.
Casse-Noisette au Grand Théâtre de Québec | Quand la musique vibre, que les corps frémissent et que la magie recommence
Sous les hautes voûtes du Grand Théâtre de Québec, un hiver entier s’est posé sur la scène. Un voile translucide sur lequel tombe des flocons recouvre la scène. Derrière ce rideau diaphane, un paysage enneigé se devine : maisons givrées, ciel nocturne, branches chargées de neige… Tout un monde figé qui attend d’être animé. Dans la salle, la chaleur des manteaux déposés sur les sièges contraste avec cette blancheur immobile, prête à s’ouvrir. Le public, de tous les âges, remplit chaque rangée : de petits enfants dont les pieds ne touchent pas encore le sol, des amis venus se déposer dans la magie, des grands-parents qui perpétuent un rituel transmis année après année. Puis les lumières se font plus douces. L’Orchestre symphonique de Québec se prépare, un léger frisson traverse la salle, et l’instant se suspend. Sans qu’aucune note ne soit encore jouée, on sent déjà que quelque chose va s’animer derrière le rideau, comme si l’hiver lui-même n’attendait qu’un accord pour reprendre vie.
Elliot Maginot au Grand Théâtre de Québec | Quand Noël se dépose en lumières
Il y a des soirs où tout commence avant même la première note, comme si le Père Noël lui-même avait été invité pour annoncer ce qui s’en vient. Hier, au Grand Théâtre de Québec, Elliot Maginot et ses amis-artistes ont transformé la salle en écrin de guirlandes de lumières, des mousses rouges sur les micros, et une chaleur douce installée sur scène comme un foyer rempli de flammes. Puis, la clarinette s’est levée, seule, avant d’être rejointe par les autres instruments pour offrir Somewhere In My Memory, chanson mythique de Home Alone. Une évidence. Comme si Noël n’attendait que cette chanson-là pour faire son entrée. Le public, conquis d’emblée, savait déjà qu’une parenthèse unique venait de s’ouvrir.
Fanny à La Bordée | Quand les convictions heurtent les zones grises du coeur
Il y a des soirs où une salle de théâtre semble retenir son souffle pour donner naissance à une réflexion plus vaste que la scène elle-même. À La Bordée, Fanny, pièce étant le fruit d’une commande faite par Rébecca Déraspe en 2019, est mise en scène avec une assurance tranquille par Marie-Hélène Gendreau et Hubert Lemire. Elle explore la fragilité du couple, les définitions mouvantes du féminisme et ces lignes floues où les idéaux trébuchent sur la réalité. Présentée jusqu’au 6 décembre, l’œuvre entraîne le public au cœur du quotidien feutré de Fanny (Marie-Thérèse Fortin) et de Dorian (Jacques Laroche), un couple encore amoureux, encore soudé, encore certain de maîtriser les règles de son propre monde… jusqu’à ce qu’une étudiante de 22 ans s’y installe et fasse trembler leurs fondations.
Sam Breton présente Ga-lé aller à la salle Albert-Rousseau
Il y a des soirs où la lumière s’ouvre sur une scène comme on entrouvre une porte sur ce qu’il reste à construire. À la salle Albert-Rousseau, Sam Breton est revenu hier avec Ga-lé aller, son deuxième spectacle en carrière. Une salle pleine, une attente évidente, et cette impression d’assister non pas à un simple retour, mais à l’aboutissement fragile d’un chemin qui a failli s’interrompre. Le public n’a pas vu qu’un humoriste : il a vu un homme qui avance encore un peu raide, encore un peu tremblant, mais qui avance debout.
Maxim Martin au Centre d’art La Chapelle | Quand l’humour devient une manière de se tenir debout
Dans la petite salle intime du Centre d’art La Chapelle, Maxim Martin entre en scène accompagné d’Aura, son chien d’assistance. Un duo inattendu, qui prend possession de l’espace avec une assurance calme. À chaque mouvement du chien, le public laisse échapper un « honnn » unanime, comme si cette simple présence rappelait ce qu’il reste d’humain, même dans les soirées où l’on croit venir uniquement pour rire. Et déjà, quelque chose se dépose dans l’air : la promesse que derrière les blagues, il y aura la vérité d’un homme qui a traversé la vie sans jamais complètement s’y appuyer.
Alex Roy à la salle Albert-Rousseau | Quand le ridicule révèle ce qui tient le monde debout
L’humour devient parfois une façon douce de relire ce qui nous échappe. Hier, à la salle Albert-Rousseau, Alex Roy a offert un spectacle où les images du quotidien se renversent, se déploient et se transforment en petites vérités qu’on reconnaît trop bien. Dans une salle pleine qui réagissait à chaque dérapage contrôlé, l’humoriste a partagé des histoires qui parlent de famille, de fatigue, de maladresses humaines et de ces moments où l’on rit de travers, comme pour arriver à garder son équilibre.
Alicia Moffet à l’Impérial | Quand la scène est l’endroit où tout fait du sens
Hier soir, l’Impérial a vibré sous l’énergie d’une Alicia Moffet entièrement assumée, lumineuse et instinctive, livrant un spectacle où la sincérité prenait toute la place. Une soirée qui, dès les premières notes, installait ce quelque chose de familier et d’inattendu à la fois, cette impression d’entrer dans son univers, sans filtre, sans faux-semblant, comme si, sur scène, l’artiste redevenait elle-même.
L’amour ou rien au Trident | Quand le corps cherche ce que les mots sont incapables d’expliquer
La soirée s’ouvre d’une façon rarement vue au théâtre. Sur scène, avant même la première réplique, la metteuse en scène Mélanie Demers reçoit le prix Molson de la présidente du Conseil des arts du Canada. Longue présentation, remerciements sentis, prise de photos… Une parenthèse solennelle, suspendue, où le public assiste à un moment d’histoire, sans trop savoir si cela fait partie du spectacle ou s’il faudra bientôt changer d’état d’esprit. Puis, quand la salle plonge dans le noir, une fanfare militaire se fait entendre. Personne n’apparaît encore sur scène. On se croirait au bord d’une parade, dans cette seconde étrange où les échos d’une troupe précède son apparition. L’amour ou rien commence comme ça : par un son avant un sens, par un pas avant une direction.
Mike Beaudoin à la Salle Albert-Rousseau | Un spectacle simple et épuré qui fait du bien
Certains soirs, on pense qu’on va rire, juste rire, mais on se surprend à recevoir beaucoup plus: une claque de différence, une secousse de vérité, un rappel que certains ne jouent pas à être drôle, qu’ils sont drôle jusqu’à la moelle. Hier, à la Salle Albert-Rousseau, Mike Beaudoin a offert Acharné, un spectacle dépouillé, un tabouret, une toile blanche, presque rien, comme pour laisser toute la place à qui il est réellement: un être entier, sincère, audacieux souvent, authentique toujours. Dès les premières secondes, quelque chose se dépose doucement dans l’air, quelque chose qui dit: reste, ça va te faire du bien.