
Anonymus aux Foufounes Électriques | Un livre et un spectacle pour fêter 35 ans de métal
Le 2 avril dernier, plusieurs membres en règle de la communauté métal d’ici s’étaient donné rendez-vous aux Foufounes Électriques afin de prendre quelques broues avant un bon petit show bien heavy, comme à l’accoutumé. Dans la section cabaret du 2e étage de l’institution marginale papotait une petite foule fort enthousiaste, qui débordait de visages connus, que ce soient des amis, fans, musiciens, et/ou vocalistes.
En plus des figures médiatiques que sont les Patrice ‘Pat K’ Caron (Kerozen, Bang Bang, GAMIQ…), Jolène Ruest (Gueuleuses, Critique de crowd) et Simon ‘frère de Louise’ Girard (Le Bourreau Métallique), on a pu croiser en vrac Filip Ivanović (Flat Bathtub), Roxana B.L. (The Monster Factory), Dany Soucy (Nova Spei), Pat Gordon (Ghoulunatics), Dominic ‘Rocky’ Laroche (Voïvod), Denis Lepage (B.A.R.F.) et ‘Mononc’ Serge Robert (évidemment). Sans oublier l’inimitable Steven Henry (Urban Aliens, Hands of Death…), qui était inévitablement à la caméra et autres accessoires insolites, et Carlos Ponte, gérant du groupe depuis toujours (le 5e membre du groupe). Bref, une belle réunion de famille pour rocker avec les vieux frères d’Anonymus, piliers du métal d’ici, qui s’activent depuis 1989 sans jamais avoir arrêté!
Or, ce soir-là, c’était différent, car en plus de se faire violenter les tympans lors d’un petit concert bien pesant, on lançait également un livre célébrant la carrière de vétérans. On parle de l’ouvrage Anonymus : 35 ans de métal, de l’autrice et archiviste Louise Girard, une incontournable de la scène métallique d’ici (Sang Frai$, Hands of Death), mais aussi une fan de la première heure du groupe. (Critique plus bas!)
Au bar avec le band
Vers 17h45, depuis la scène, on eut droit à une sympathique discussion entre Louise et les membres du groupe, en guise de mise en bouche avant que le groupe ne donne une brève performance. Les fans en ont vraiment eu pour leur argent (c’était gratuit, mais on a été plus que gâté!). Ils étaient tous là : les frères jumeaux Oscar et Daniel Souto (chanteur-bassiste et guitariste, respectivement), Carlos Araya (batteur), Jean-François ‘Jef’ Fortin (guitariste, depuis 2006) et Marco Calliari (chanteur-guitariste, de 1989 à 2006).
Le plaisir qu’on a eu à les voir déconner ensemble nous rappela les meilleures entrevues diffusées jadis à Musique Plus. Tantôt, les gars se tiraient la pipe, en ressassant de vieux souvenirs, pour ensuite se lancer mutuellement des fleurs à grands coups de compliments bien sentis. Du gros fun, sans prétention, dont la franche camaraderie en émanant ne pouvait qu’être que contagieuse, en cette soirée de célébrations.
Bien qu’il soit le seul à vivre de son art (grâce à sa carrière solo, revisitant ses racines italiennes), Marco a tenu à mentionner au micro que les gars du band ont tous toujours une ‘job de jour’, leur permettant de prendre des congés au besoin pour vivre leur passion. On appelle ça être dédié, quand tu prends la totalité de tes journées de vacances pour aller rocker aux quatre coins du Québec, au lieu de te la couler douce avec ta bien-aimée et te reposer. Pas le temps de niaiser, comme disait l’autre, un brin éméché.
Instinct live
Ensuite, on eut droit à une grosse demi-heure de pièces tirées du troisième album d’Anonymus, Instinct (1999), qui vient d’être remasterisé et réédité en format vinyle. Et laissez-moi vous dire qu’avec trois guitares (comme Maiden!), l’hymne Prosternez-Vous sonnait en s’il vous plait. Et ce, même si Marco se plaignait de douleurs aux mains, mais on le comprend, comme il n’est plus vraiment habitué de bûcher autant, hein!
Qui plus est, après leur agace de set (on en aurait pris plus longtemps, évidemment), les gars ont pris le temps de se faire aller les crayons feutres et de jaser avec chacun des fans présents. Car tous ceux et celles s’étaient déplacés ont tenu à les remercier personnellement de continuer malgré marrées et vents. Trente-six ans après sa fondation, la ‘bestia’ semble plus forte que jamais, parce que ceux qui la domptent — les jumeaux Oscar et Daniel, les deux Carlos, Jef, Marco et Serge — le font pour les meilleures raisons. Une intarissable passion qui donne soif et mal aux vertèbres à force d’headbanger à l’unisson.
On souhaite à la gang d’Anonymus de rester soudée encore bien des années, car on a plus que jamais besoin de rocker avec eux pour faire sortir le méchant!
Langues méchamment déliées et intuable fraternité
On vient donc tout juste de lancer le livre Anonymus – 35 ans de métal (auto-publié par Man&Co-Heavy), écrit par Louise Girard. Tout métalleux et métalleuse se respectant né·e avant la sortie de Master of Puppets a vraisemblablement lu au minimum un numéro du fanzine Sang Frai$ qu’éditait Louise avec passion entre 1998 et 2005, afin de couvrir la scène métal. Par ailleurs, elle s’affaire en ce moment à rédiger la suite de L’Évolution du métal québécois : No speed limit (1964-1989), sorti en 2014 aux Éditions du Quartz.
Bref, on n’aurait pas pu mieux choisir pour écrire cette magnifique et passionnante biographie illustrée, débordantes de flyers et de photos d’archives. Dans un format carré inspiré des livrets de 33 tours, l’ouvrage relate l’histoire du groupe et la rencontre de cinq gars.
D’emblée, si on savait que Daniel, Oscar, Carlos et Marco ont commencé à jouer ensemble en 1989 (alors qu’ils avaient tous 15 ans!) dans St-Michel, ce qui étonne, c’est que les jumeaux ont fait la rencontre de Marco… à la prématernelle, et Carlos en 3e année du primaire! On en apprend aussi un peu plus sur l’enfance plutôt mouvementée de ce dernier, qui immigra avec sa famille à Montréal en 1981, après avoir fui la dictature qu’exerçait Pinochet sur leur Chili natal. Il faut aussi savoir que les parents de Marco sont des immigrés d’Italie et que ceux des jumeaux ont eux aussi quitté leur pays, l’Espagne de ce facho de Franco, d’où sont aussi originaires ceux de Carlos Ponte, ami d’enfance et gérant du groupe depuis le jour 1. Des origines cosmopolites qui, en plus d’avoir connecté initialement les gars, ont évidemment nourri le caractère unique du groupe. Vous en connaissez beaucoup, vous, des bands qui chantent dans quatre langues (français, anglais, espagnol et italien)?
En mode chronologique, le livre raconte chaque moment clé de la carrière du groupe, que ce soient les lancements de leurs albums, les diverses collaborations et autres tournées. Comme la fois où Anonymus s’est envolé pour Mexico pour jouer avec le groupe de power metal allemand Blind Guardian, leur show au Stade Olympique avant Metallica et leurs passages au Poliwog, dont l’édition 1998 qui mettait aussi vedette Anthrax. On parle aussi de cette période où Carlos et Oscar étaient la section rythmique de nul autre que Joey Belladonna, durant sa carrière solo. C’est ici que votre scribe doit vous avouer avoir eu le privilège de recueillir les témoignages du chanteur d’Anthrax et de son batteur, Charlie Benante (aussi de S.O.D. et Pantera) pour ledit ouvrage — qui inclut par ailleurs aussi des critiques d’album signées Richard ‘Métal’ Martineau Leclerc.
Ici et là, on retrouve plusieurs autres citations, incluant celles de Daniel Mongrain (Martyr, Voïvod), Vincent Peake (Groovy Aardvark, GrimSkunk…), Shantal Arroyo (Overbass, Collectivo), Marc Vaillancourt et Denis Lepage (B.A.R.F.), Martyne Prévost (MPV, Polliwog) et Christine Fortier (Grimoire du metal, Voir), en plus des producteurs Colin Richardson (Instinct) et Pierre ‘Obliveon’ Rémillard (Stress, Daemonium).
Évidemment, qui dit gang de chum qui font de la musique lourde, dit aussi une tonne d’histoires de partys et autres anecdotes savoureuses. Comme celle, toute personnelle, où l’autrice raconte son tout premier concert du groupe en 1992 et comment elle a pu se procurer leur démo. Les gars y racontent aussi leurs premiers shows aux Foufounes Électriques et en région (donc celui à Chicoutimi, où Carlos dût jouer avec des baguettes de billard!). L’une de nos préférées raconte comment le batteur a retrouvé son tout premier kit lors d’un festival extérieur!
Or, ce qui ressort d’abord et avant tout de la lecture de Anonymus – 35 ans de métal (s’inscrivant dans la belle tradition de l’histoire orale), c’est cette fraternité qui unit ses membres. Et ce, bien que ça n’a pas toujours été facile de garder le rafiot à flot. Et il y a eu des bas mais surtout des hauts, comme une improbable mais ô combien populaire collaboration. On parle évidemment de la rencontre insolite entre le quatuor et cet iconoclaste de Mononc’ Serge, il y a presqu’un quart de siècle, par un soir de Polliwog qui amorça cette formidable union.
Les gars sont vraiment comme des frères, qu’ils soient biologiques ou d’adoption, arrivés sur le tard ou partis vivre d’autres aventures (bien de l’eau passa depuis sous les ponts). Un bouquin à lire absolument, que vous soyez fan du groupe ou seulement mélomane, amateur de biographie musicale ou d’histoire inspirante.
- Artiste(s)
- Anonymus
- Ville(s)
- Montréal
- Salle(s)
- Foufounes Électriques
- Catégorie(s)
- Métal, Thrash metal,
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