Amour et information à la Licorne | D’une imagination inimaginable
Le titre de la pièce ne veut rien et tout dire à la fois. Trop vague, sans image forte, ni punché ni poétique ni dramatique ni comique. Mais c’est bien là le seul reproche qu’on puisse adresser à Amour et information qui fait des heureux tous les soirs à La Licorne ces temps-ci. Et pour cause, la pièce est un petit objet théâtral absolument savoureux.
La mise en scène de Frédéric Blanchette, éclatée, sensible et intelligente, ne laisse aucun répit. C’est même lui, tout autant auteur et comédien, qui a fait la traduction de Love and Information de la réputée dramaturge anglaise Caryl Churchill. La pièce a été créée en 2012 à Londres, au Royal Court Theatre où Caryl Churchill a été en 1974-75 la première femme auteure en résidence.
Née à Londres, la célèbre dramaturge qui aura 80 ans en septembre, a même vécu quelque temps à Montréal avant de retourner au pays pour obtenir son diplôme en littérature anglaise à l’Université d’Oxford où elle a écrit et monté ses premières pièces. Rapidement, elle a créé un nombre considérable de pièces radiophoniques pour la BBC, ce qui transparaît dans le schéma dramaturgique de Amour et information.
* Photo par Bruno Guérin.
En effet, la pièce consiste en une cinquantaine de numéros autonomes, d’une durée de 10 secondes à 5 minutes, sans aucun lien narratif avec le précédent. D’une écriture finement ciselée, elle expose les petits drames en leur donnant autant d’importance que les grands. Ce sont des constats, des interrogations, des obsessions, des argumentations, des observations, un état des lieux et des atmosphères diversifiées, comme autant de condensés de vie ancrés dans le contemporain.
Le Théâtre de la Banquette arrière, qui présente le spectacle à La Licorne, est une troupe de 10 créateurs avec chaque fois des productions qui sont le résultat d’un processus collectif de création en laboratoire. La compagnie, soucieuse de développer ensuite un langage commun, a livré bon nombre de succès depuis sa fondation il y a près de 20 ans.
Frédéric Blanchette, qui a monté aussi bien David Mamet que Michel Tremblay, en passant par Claude Meunier et René Daniel Dubois, vient ici confirmer ses talents de rassembleur avec ses neuf comédiens atypiques qui se succèdent en scène, mus autant par leurs disparités que par leurs points communs, le tout formant étonnamment un ensemble cohérent.
De quoi parlent-ils? De secret, de terminal, de rêve, de liquide radioactif administré à des poussins, d’irrationnel, de la Grèce antique, de la diagonale du carré, du train pour Brighton, d’un hérisson dans son lit, de sexe, de Dieu, et quoi encore? Tout ce contenu disparate tient ensemble avec une succession surprenante de polaroids de tranches de vie.
* Photo par Bruno Guérin.
Le comédien Renaud Lacelle-Bourdon, très présent sur nos scènes cette saison, se démarque du lot. Mais on pourrait dire la même chose pour Lise Martin, Éric Paulhus, Simon Rousseau et en fin de compte toute la distribution. Pieds nus malgré le port du veston dans la première partie, les neuf comédiens sont excellents.
Ils jouent en alternance, mais parfois tous en même temps, dans une scénographie minimaliste et efficace d’Elen Ewing, avec ses murs blancs, dont celui en fond de scène est percé par deux portes utilisées au gré des allers et venues.
Toute la production baigne dans la chorégraphie discrète de Lina Cruz, et la conception sonore autant que la musique originale de Philippe Noireaut à laquelle a participé aussi Frédéric Blanchette. Et rappelons que cet artiste complet, reconnu pour Le périmètre, a écrit une quinzaine de courtes pièces pour la compagnie dont il est membre fondateur, le Théâtre ni plus ni moins.
Amour et information est un curieux et brillant phénomène théâtral, ne ressemblant à rien d’autre. La pièce est un petit bijou, comme du bonbon pour les enfants devenus grands, et certainement la surprise du jour dans les théâtres montréalais.
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