Montréal Complètement Cirque 2015 | WARM – David Bobee : Sublimation des corps sous la chaleur
Invité dans le cadre du festival Montréal Complètement Cirque, David Bobee présentait samedi la première représentation de son spectacle/expérience WARM (2008). Le jeune metteur en scène français avide des formes hybrides est bien connu outre-atlantique pour son amour des langages scéniques mêlant scénographie, écriture dramaturgique, travail du son, de la lumière, de l’image et du corps.
Deux murs de projecteurs aux lumières dorées encadrent une mise en scène minimaliste. Une chaleur moite a déjà envahi la salle de l’Espace Go alors qu’entre en scène Séverine Ragaigne.
Lentement, elle sillonne le plateau, dépose trois bouteilles d’eau au sol, préparant le terrain de jeu de ses fantasmes sexuels. Elle s’empare d’un micro et entreprend la diction monocorde d’un poème sonore (écrit par Ronan Chéneau), refuge de son rêve fantasmatique.
Entrent alors en scène Edward Aleman et Wilmer Marquez, voltigeur et porteur. Les deux circassiens aux musculatures athlétiques et parfaites vont peu à peu faire état des potentialités du corps. Alternant portés, suspensions et équilibres à la fluidité élégante, les corps s’enchevêtrent et dialoguent ensemble, immergés dans la lumière.
Les muscles suintants exécutent des figures impeccables. La sensualité s’empare peu à peu du plateau, les corps se fatiguent, la voix de la femme invite à l’abandon. Sa diction se précise sous la complicité et l’assurance évidente des deux hommes.
La sensualité monte d’un cran
Puis le rythme s’accélère, le texte s’enfonce dans une sensualité brute à la limite de la pornographie, l’actrice s’emballe de désir, gémit dans une tension frénétique.
Les garçons ne sont pas réels Ils sont beaux, on les voit de loin. Ressemblent de loin à ce qu’on voudrait voir de près. Leur corps, leurs sexes sont durs contre moi, et presque trop parfaits, je suis liquide, liquide, sous leurs mains, mouillée, liquide.
La musique – sorte de collages sonores produits par des nappes brutes de synthétiseurs – envahit toutes les fréquences possibles jusqu’à en faire vibrer nos cages thoraciques, la lumière blanchie, s’intensifie toujours plus et les miroirs tremblent nerveusement tandis que le vocabulaire physique des deux athlètes change sous la contrainte d’une chaleur accablante.
Leurs corps dégoulinants de sueur s’obstinent à exécuter les figures, épuisés par l’éblouissement de la lumière et l’épreuve de la chaleur. La mise en tension est palpable, le spectateur suit chaque mouvement avec crainte, admiration et stupeur, on est coeur du sublime.
L’espace scénique devient alors un lieu d’enfer et l’expérience forcée à l’écroulement. Les deux hommes glissent, tombent, se lovent, se relèvent puis tombent à nouveau. Tout porté est devenu impossible. Le fantasme de la femme s’assouvit dans l’image de corps athlétiques à terre.
Les lumières s’éteignent, le rêve est terminé, les interprètes s’avancent noyés d’applaudissements et de regards séduits. Le metteur en scène s’immisce sur le plateau, invitant le public à monter sur scène pour faire l’expérience des conditions scéniques endurées par les interprètes depuis 45 minutes. Les spectateurs se hâtent, les « oh », les « waou » affluent, il faut dire qu’il fait quelques 20 degrés de plus que dans la salle. David Bobee vient d’achever un public déjà conquis. Un seul mot vient à l’esprit en quittant la salle : hors-norme.
* Warm est présenté du 4 au 7 juillet 2015 à L’Espace Go
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