Les Aiguilles et l'opium

Critique théâtre | Les aiguilles et l’opium au TNM

Plus de vingt ans après sa création originale, Robert Lepage revisite son magnifique solo multimédia Les aiguilles et l’opium au TNM. Autre grand retour très attendu, celui de Marc Labrèche sur les planches. Au son du jazz de Miles Davis et de la voix de Juliette Gréco, Lepage nous transporte dans son univers éclaté et fascinant.

Paris 1989, un comédien se cache dans une chambre d’hôtel de Saint-Germain-des-Prés et tente de soigner sa peine d’amour. Paris 1949, nous retrouvons Miles Davis et Juliette Gréco en plein cœur d’une aventure passionnée. Nous retrouvons aussi Jean Cocteau et sa Lettre aux Américains.

Dans une série de tableaux qui s’emboitent avec fluidités nous y explorerons la douleur d’être séparée de la personne aimée et la dépendance aux paradis artificiels, l’opium de Cocteau et l’héroïne de Davis.

Avant toute autre chose, il est impossible de ne pas parler du visuel de la pièce. Si vous avez déjà assisté à un spectacle de Robert Lepage, vous pouvez facilement imaginer le talent du créateur et l’ingéniosité dont il peut faire preuve. Les aiguilles et l’opium n’y échappe pas.

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Photo de courtoisie.

Un cube rotatif, au milieu de la scène, se transforme au gré des projections en chambre d’hôtel parisienne, en bar de jazz new-yorkais et même en galaxie étoilée. Voir Marc Labrèche suspendu dans les airs, entouré d’une nuée d’étoiles, récitant avec aplomb la prose de Cocteau – voix nasillarde propre au poète, en prime – a quelque chose de magique et de captivant. Difficile de détourner le regard.

Dans cette mise en scène réglée comme une horloge, rien n’est laissé au hasard. Tout le récit s’entrelace doucement avec un naturel parfois désarmant, les époques et les lieux, de l’espace à New York. La qualité et la précision des projections vous donneront assurément l’impression d’être vous aussi dans St-Germain-des-Près avec Gréco et Davis. Ce Miles Davis, interprété par Wellesley Robertson III, tout en silence dont seule la trompette retentit se promène avec agilité sur la structure. Vous le retrouverez juché sur le coin du cube ou, dans une ruelle, fasciné par la voix de Juliette Gréco.

Ici, la musique prend la place du texte. L’acteur n’a pas besoin de mots pour rendre son Miles Davis vivant et touchant. Suffit de le voir se lancer dans un solo de trompette ou dans son plongeon vers la drogue.

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À certains moments, nous avons le sentiment de regarder un ballet en voyant les deux hommes se mouvoir sur la structure, se laissant glisser ou disparaissant par une ouverture. Il faut l’admettre, Marc Labrèche semblait parfois moins à son aise que son compagnon de scène lors de ses déplacements. Par contre, son jeu, lui, ne manquait aucunement d’aisance. Son Cocteau flamboyant a su provoquer de nombreux éclats de rire. Tandis que son interprétation de Robert, un acteur en peine d’amour, était touchante par sa simplicité, un jeu presque minimaliste. Parvenant même à faire rire à travers la tristesse.

Assister à un spectacle de Robert Lepage est une expérience assez impressionnante en soi. Son imaginaire semble sans limites. Le New York d’après-guerre et le Paris contemporain prendront vit sous vos yeux. Laissez-vous bercer par la musique de Miles Davis et savourez ce monologue pas du tout comme les autres. Présenté au TNM du 6 au 31 mai et en supplémentaire du 3 au 21 juin 2014.

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