Marie-Jo Thério au Théâtre Petit Champlain | Une brèche dans le réel
6 décembre 2025, Théâtre Petit Champlain, Québec. L’avant-dernière représentation de la tournée « La Maline : 20 ans et quelques lunes » a offert un moment suspendu, à la fois fragile et souverain. Marie-Jo Thério entre en scène comme une apparition familière, l’allure d’une voyageuse sans destination. Une main gantée tient une tasse de thé, les cheveux en désordre — un fouillis volontaire, attendu, presque scénarisé. Chaque détail raconte déjà une histoire.
La chanteuse habite ses chansons comme on habite des personnages. Tantôt grandiose, tantôt vulnérable, elle laisse surgir une liberté que peu d’artistes assument à ce point. Le public, venu rêver encore une fois, retrouve cette voix qui a marqué le cœur d’une génération et ouvert la voie à d’autres créateurs souhaitant laisser bouillir l’extra-ordinaire qui les traverse. Marie-Jo Thério élargit les normes, fait une brèche dans le traditionnel pour le faire évoluer, comme si le répertoire populaire n’était pas un cadre mais un tremplin.
Sur scène, Marie-Jo Thério est accompagnée de Bernard Falaise et Simon Angell. Le trio propose de nouvelles versions des chansons de La Maline, paru en 2000. Des versions transformées, vivantes, jamais figées dans la nostalgie. Les improvisations prennent de la place. Les phrases se détendent en rubato, offrant des silences qui chavirent au cœur de pièces que l’audience connaît par cœur. Tout devient suspendu à la nuance d’un souffle. Par moments, certains se retiennent de chanter trop tôt, comme si la méditation collective pouvait se briser d’un rien. Puis, soudain, la permission arrive : quelques sections invitent à chanter à voix haute, presque comme une libération.
Son génie se niche dans les détails. Chaque geste attire le regard : un regard par-dessus l’épaule, un rire étouffé, la façon sensuelle de danser en tenant son accordéon. Les spectateurs observent pour ne rien manquer de ces brèches improvisées qui arrivent sans prévenir. Rien ne semble forcé. Tout paraît respirer.
Marie-Jo Thério raconte des histoires inachevées, souffle des secrets et évoque sa fameuse « epic story », bien connue des habitués. Ce soir, elle s’enrichit de détails nouveaux, livrés comme des confidences. Ses mots se déposent comme des fragments, laissant à chacun la liberté de compléter le récit. C’est une façon d’inclure le public sans l’attraper, de l’emmener quelque part sans lui montrer le chemin exact.
Samedi soir, quelques 140 personnes ont été réunies dans un espace particulier où la musique devient une matière à vivre, pas seulement à écouter. Vers la fin du spectacle, Marie-Jo Thério a dirigé le public avec la même aisance que ses musiciens. Sans gêne, avec un naturel désarmant, elle a demandé aux spectateurs de se regarder dans les yeux — inconnus, amis, amoureux, voisins d’un soir — puis de tenir ce regard pendant plusieurs secondes. Le silence dans la salle avait alors une densité particulière, comme si chacun attendait quelque chose sans savoir quoi. Et quand elle a proposé d’offrir une accolade, voire un baiser à la personne assise à côté, la salle a éclaté en rires timides, en surprise, en chaleur spontanée. Il faut une rare confiance, une forme de pouvoir doux, pour guider ainsi une salle complète vers un geste aussi intime.
Marie-Jo Thério ne donne pas seulement un concert. Elle installe un état. Une façon d’être ensemble. Une invitation à rêver un peu plus loin que la chanson.
L’ultime concert de cette tournée se tiendra samedi prochain, 13 décembre, au Théâtre Outremont. Détails et billets par ici.
- Artiste(s)
- Marie-Jo Thério
- Ville(s)
- Québec
- Salle(s)
- Théâtre Petit Champlain
- Catégorie(s)
- Acoustique, Canadien, Chanson, Francophone,
Événements à venir
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