Quand un batteur québécois remplace une légende du black metal norvégien [entrevue]
Ou l’histoire de Phil « Tyrant » Boucher (Beyond Creation), qui s’est fait appeler en urgence pour remplacer nul autre que Frost de 1349 — et Satyricon — pour assurer la tête d’affiche du festival montréalais la Messe des Morts. Pression, répétitions, et consécration : on a intercepté Philippe à sa sortie de scène, juste après sa prestation qui a sauvé le spectacle, tout en faisant honneur au Québec jusqu’en Scandinavie.
« Je réalise pas vraiment ce qui vient d’arriver ! »
, nous confie Philippe, encore maquillé du traditionnel corpse-paint porté par les groupes scandinaves du genre. « J’ai pas les mots, c’est juste fou. » Il vient de jouer un concert dont il se souviendra, en tant que remplaçant dans le groupe 1349. Sans sa prestation, le spectacle des Norvégiens aurait connu un sort différent. « Si je refusais, le show était annulé. » Ce qui aurait déçu bien des festivaliers, des passionnés qui voyagent souvent de loin pour assister à l’évènement.
Un appel inattendu
Mercredi soir, veille du festival à Montréal. « J’étais en train de répéter avec Dissimulator, mon groupe de thrash, et j’ai vu des appels manqués et des messages des organisateurs de la Messe. Ça avait l’air urgent. » On lui annonce alors la situation. « Frost ne peut pas faire le spectacle, on cherche un batteur remplaçant. »
Et pour bien comprendre le challenge, il faut savoir que la musique de 1349 est caractérisée par un black metal très intense, rapide et agressif, notamment avec des parties de batteries explosives et techniques pratiquées par Frost, une légende du métal extrême, également batteur de Satyricon. Et le message pour Phil est assez radical :
« En gros, si tu dis non, il n’y aura pas de show de 1349. »
Car vu l’ampleur de la tâche, le peu de temps et le niveau technique demandé, il n’y a pas beaucoup de choix de batteurs capables de relever ce défi dans la région, et Phil fait partie du peu de musiciens contactés par les organisateurs. « Il y en a d’autres qui auraient pu faire la job, comme le batteur de Forteresse, mais il était déjà occupé avec leur spectacle. »

48 heures pour apprendre un set de 1349
Phil accepte donc de relever le défi, deux jours avant l’arrivée des Scandinaves.
« Le jeudi, j’ai passé toute la journée dans mon local de pratique, j’ai fait juste ça pendant 9 heures de temps. »
Il propose sa propre sélection de chansons au groupe, la seule option pour être certain de pouvoir rendre la meilleure performance possible. « Ils m’ont envoyé leur setlist, et j’ai choisi dedans. Je savais même pas si j’allais être capable, mais j’ai pratiqué comme un malade. »
Et vendredi, à peine débarqués de l’aéroport, les Norvégiens se rendent directement aux locaux de Cité 2000 pour pratiquer avec Phil, dans un local tout équipé, prêté pour l’occasion par Phobocosm. « C’était un peu ça passe ou ça casse. » Les membres du groupe sont jet lag, fatigués, mais ils ont hâte de voir ce que Phil donne.
« Forcément, au début, c’était un peu difficile de mon côté, avec la nervosité », confie le musicien. « J’ai fait des erreurs que je ne fais pas d’habitude. » Mais la pratique continue et Phil se réchauffe rapidement. « On a fait quatre fois le set en tout, et les troisième et quatrième fois, ça c’est super bien passé. Les gars étaient bien contents, c’était bon pour eux. » Ainsi, il venait de sauver le concert, et la tête d’affiche du festival.
« Remplacer » Frost : un défi, et un honneur
« Je suis fan de 1349 depuis que j’écoute du black metal. Et Frost, c’est un de mes idoles, forcément, c’est un batteur qui a tellement influencé le monde du métal extrême. Alors de “prendre sa place” pour une soirée, c’était incroyable. J’ai pas de mots encore, je le réalise pas. C’est tout un honneur. »
Et pour avoir assisté à la prestation, c’est aussi au Québec et à Montréal que Phil a fait honneur en délivrant une excellente prestation, surtout quand on connaît le contexte, le peu de temps imparti pour apprendre des morceaux aussi techniques. Sur le bord de la scène, on sentait aussi cette excitation, et cette fierté, de tous les gens de l’organisation et des musiciens locaux, de voir un batteur d’ici briller ainsi. Ce qui lui a valu l’ovation du public, mais aussi des tapes sur l’épaule des Norvégiens dès la sortie de scène.

Un concert unique, aussi en raison de ce remplacement qui était resté confidentiel jusqu’à la dernière minute, et des attentes du public. « Forcément, j’y ai pensé en montant sur scène, que le public serait déçu de pas voir Frost à la batterie. » Mais après quelques morceaux, Phil était clairement à fond dedans. « J’ai rapidement pris confiance et ça c’est bien passé. J’ai adoré l’expérience. »
Un bel accomplissement, que le musicien peut ajouter à son CV déjà bien rempli. Car Philippe Boucher n’est pas un inconnu dans la scène métal, et ce n’est pas pour rien qu’il a été appelé. Il est notamment derrière les fûts de Beyond Creation, figure du death metal montréalais tournant déjà à travers le monde. On le retrouve aussi dans les formations Incandescence, Chthe’ilist ou encore Dissimulator.
- Artiste(s)
- 1349, Beyond Creation, Satyricon
- Ville(s)
- Montréal
- Catégorie(s)
- Black metal, Death metal, Métal,
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