Tim Brady

Micro-festival de guitare électrique | Un bel aperçu de la guitare contemporaine au Canada

En deux soirs, le guitariste montréalais Tim Brady nous a proposé un aperçu actuel de la création contemporaine pour guitare électrique à travers le pays. Après les guitaristes Sam Wilson et Andrew Noseworthy qui ont ouvert les concerts en solo, Tim Brady a présenté son ensemble Instruments of Happiness en version quatre guitares avec des invités. Pour clore ce micro-festival, Brady nous a offert un concert en solo.

À l’heure où la nostalgie rock se complaît dans les multiples groupes hommage et des versions symphoniques à ne plus savoir qu’en faire, et que des octogénaires s’obstinent à se dandiner sur scène avec plus ou moins de bonheur, la guitare électrique reste vivante de bien des façons au-delà du rock à quatre accords. Tim Brady est un fier porte-étendard de cette niche au croisement entre le jazz moderne et la musique contemporaine, avec une approche un brin punk pour pousser la guitare électrique au-delà de ses ornières et de ses pratiques habituelles.

Pour ne pas transformer cet article en un long descriptif interminable, je vous renvoie tout en bas pour davantage de détails sur la programmation. Et si vous êtes encore plus curieux, je vous recommande le site de l’organisation du concert, Le Vivier, qui est particulièrement détaillé, en navigant parmi tous ces liens sur la page du festival.

Avec ce festival de deux soirées en deux parties, Brady présente un coup d’œil de la guitare électrique contemporaine au Canada. Le mercredi soir débute avec la jeune guitariste Sam Wilson (Halifax, Nouvelle-Écosse) pour ce qui sera la proposition la plus accessible. Elle joue avec un son très clair, influencée par le jazz et le folk, avec un goût de Julian Lage avec des harmoniques très présentes. C’est une belle entrée en matière avant de s’immiscer plus loin dans la création contemporaine.

La deuxième partie est jouée par l’ensemble Instruments of Happiness dirigé par Tim Brady, avec un invité pour chaque titre. Instruments of Happiness est l’ensemble à géométrie variable qui va de quelques guitaristes à 150 musiciens pour d’immenses happenings sonores. C’est donc la version à quatre guitares ce soir avec Simon Duschene, Jonathan Barriault, Emmanuel Lacopo et Steve Cowan. Le premier titre est une création de (et avec) la trompettiste Émilie Fortin, où les couches de longues notes de guitare aux attaques effacées échangent avec la trompette en longues plaintes sonores.

Le titre suivant est joué avec la clarinette basse de Charlotte Layec pour le titre ᐊᔅᒌ ᓃᒨ aschii niimuu (The Earth Dances) de Jason Alex Young, qui donne lieu à un des points forts où les instruments échangent naturellement et où la richesse de jeu de la clarinette basse s’intègre aux différents sons des guitares. La première soirée se conclut avec Marc Djokic au violon pour une longue pièce de Sophie Dupuis, avec une première partie où la note mi est mise en valeur, comme la corde la plus aiguë du violon et les cordes extrêmes de la guitare en accordage standard. Il y a tout de même un côté ironique à voir un violoniste de talent ne jouer que la corde mi à vide pour les premières minutes de la composition, mais Djokic a ensuite toute l’opportunité de présenter l’étendue de ses compétences avec ce titre à la composition plus formelle, mais inventive. C’est peut-être le côté plus classique et traditionnel du violon qui me laisse avec cette impression.

On se retrouve à nouveau le jeudi soir dans une des salles de l’Édifice Wilder, habituellement consacré à la danse, avec un public clairsemé pour deux prestations de guitaristes en solo. Le Torontois Andrew Noseworthy joue cinq titres avec des approches particulièrement différentes, que ce soit avec l’utilisation de boucles ou de pistes enregistrés, voire même du jack de la guitare qui explore physiquement les différentes matières de l’instrument. Pour l’anecdote, la guitare électrique utilisée par Noseworthy n’est autre que celle qui fut longuement employée par Tim Brady lors de ses débuts, une guitare de marque Steinberger sans tête au corps noire stratoïde qui sent fort les années 80. Le large éventail de jeux et de styles présentés par Noseworthy est impressionnant, mais je retiendrais surtout son dernier titre, Pull up. La chanson propose un nouvel arrangement pour guitare seule, avec des pistes de sons enregistrées, qui m’a le plus embarqué dans ses entrelacements complexes de sons et de notes.

Pour clore ces deux jours, Tim Brady nous propose deux pièces en solo. La première, For Electric Guitar, est une exploration de la guitare électrique à travers l’usage et la combinaison de pédales d’effets, alors que le deuxième titre, Really, Really Solo Electric Guitar Music, se joue sans effet avec un unique son clair. Ces titres font partie du nouvel album de Brady qui est sorti ce jour même à minuit! C’est effectivement l’occasion de faire le lancement de l’album For Electric Guitar (disponible sur People Places Records, la maison de disques fondée notamment avec Noseworthy).

Et c’est aussi les 40 ans du premier album de Brady, dR.E.aM.s, sorti en 1985, qui ouvrit une discographie riche pour le guitariste.

Avec une approche souvent ludique et une utilisation riche des multiples techniques offertes par la guitare électrique, Brady nous offre toute l’ampleur et la complexité de son jeu et de son approche de l’instrument, sachant garder l’intérêt de son public, autant dans l’usage intensif des effets que lors de la partie sans effet. Le chantre montréalais de la guitare électrique transversal nous montre en quoi sa place sur l’échiquier musical est importante et méritée.

Au cours de ces deux soirées, le rapide aperçu de l’utilisation de la guitare électrique sur la scène contemporaine nous a montré la vivacité de cette scène de niche, très active à défricher les approches alternatives de l’instrument à travers différentes générations. L’exploration se porte bien et continue à enrichir notre univers musical.

 

Programme

mercredi 12 novembre

Première partie

Sam Wilson : guitare électrique solo

  • Ironwood (Amy Brandon, 2025) – création
  • In E (Jérôme Blais, 2025) – création
  • Wave II (Jessica Ackerley, 2025) – création
  • Sowing Spring Vignettes (Flower Bone / Spring Laments / Blood Moon) (Sam Wilson, 2025) – création
Deuxième partie

Instruments of Happiness + Solistes invités : Simon Duschene, Jonathan Barriault, Emmanuel Lacopo, Steve Cowan – guitares électriques, avec solistes invités : Marc Djokic (violon), Charlotte Layec (clarinette basse) Émilie Fortin (trompette), chef : Tim Brady

  • Oubaitori (Émilie Fortin, 2025) pour 4 guitares et trompette – création
  • ᐊᔅᒌ ᓃᒨ aschii niimuu (The Earth Dances) (Jason Alex Young, 2025) pour 4 guitares et clarinette basse – création
  • Des animaux et des hommes (Sophie Dupuis, 2025) pour 4 guitares et violon – création

jeudi 13 novembre

Première partie

Andrew Noseworthy : guitare électrique solo

  • …Of Julie’s Dance (Invention #8) (Tim Brady, 1990)
  • Dissent #3 (Kenyon Duncan, 2024)
  • Anthill (Adam Zolty, 2023)
  • 3 piezas para guitarra eléctrica (Javier Dinamarca, 2022)
  • Pull up (Andrew Noseworthy, 2018 – 2025) (nouvel arrangement pour guitare)
Deuxième partie

Tim Brady : guitare électrique solo

  • For Electric Guitar (Tim Brady, 2024)
  • Really, Really Solo Electric Guitar Music (Tim Brady, 2025) – création

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