Michelin | La tendresse du réel à nu à L’Anglicane
Mercredi soir à L’Anglicane, Michel-Maxime Legault a présenté Michelin, un seul en scène aussi singulier que bouleversant, porté par la mise en scène sensible de Marie-Thérèse Fortin.
Il entre en scène avec un pneu autour du corps, clin d’oeil évident à som nom d’artiste, avant de s’en libérer pour mieux se raconter. Il incarne alors ce personnage qu’il aurait pu être, Michelin, prénom que sa soeur Chantal lui a heureusement évité à la naissance. Et pourtant, ce nom qu’il adopte aujourd’hui comme nom d’artiste symbolise tout: le poids du ridicule qu’on craint enfant, le courage de l’assumer adulte, et la route qu’on choisit de tracer entre les deux.
Né à Saint-Polycarpe dans une famille d’agriculteurs, Michelin a toujours eu l’impression qu’on s’était peut-être trompé à la livraison. Sur sa ferme, les vaches, les oies et les chevaux côtoient les rêves d’un garçon qui préfère la danse et le tricot aux bottes de caoutchouc. À travers ce récit, la tendresse domine, portée par une sincérité touchante. Sur scène, l’artiste trébuche parfois sur ses mots, reprend certaines phrases parce qu’il n’a pas tout dit, parce qu’il veut nous offrir chaque mot, sans en omettre un seul. Il aurait pu continuer sans que personne ne s’en aperçoive, mais il choisit de recommencer, par souci d’intégrité. Et dans ces reprises se révèle toute la vérité de son jeu: une humanité entière, assumée, sans artifice.
Sur scène le décor est simple: un genre de grande ouverture de porte de grange ronde, un rideau rouge qui tombe plus tard, des sceaux, une barrique à lait. Des images projetées rappellent la mémoire, les visages, les blessures. Quand il suspend des vêtements sur une corde, trois morceaux de tissus forment soudain la silhouette d’une vache, moment de mise en scène d’une poésie rare. Plus tard, il retourne son long manteau noir, qui, taché de faux sang, évoque les poulets qu’on abat. Dès lors, il jure de ne plus en manger… sauf à Pâques, quand le baril de PFK fait son apparition. Entre rires et frissons, chaque souvenir se teinte de réalisme de d’amour.
Michelin parle de sa soeur schizophrène « qui avait toute sa tête », de sa mère qui a aujourd’hui 81 ans et continue de lui écrire des lettres à la main, de son raton laveur nommé Zozo dont la mort est devenue casque de poils. Il évoque l’incendie de la ferme en 2008, les 200 vaches disparues, et cette phrase suspendue dans l’air : « Qu’est-ce qu’on fait quand il reste plus rien? » À ce moment précis, tout le public semble retenir son souffle.
Il chante Luis Mariano, danse en imaginant sa mère danser, confie sa peur d’Elvis Presley et son admiration pour Fort Boyard, émission qui, enfant, lui a donné envie de devenir artiste. Il parle de sa différence, de son frère jaloux, de son homosexualité, et de ce besoin d’être accepté, même quand on détonne dans le décor. Puis, il murmure des mots qu’on emporte comme un baume: « Il faut laisser du temps au temps, il faut laisser du temps aux gens. »
Vers la fin, il raconte que sa mère croit qu’il ne faut jamais saluer trop longtemps quelqu’un à la fenêtre : ce serait signe qu’on ne le reverra plus. Ce moment, fragile, fait écho à tout ce qu’il a livré: la peur de perdre, le besoin d’aimer, la beauté du passage. Michelin devient alors bien plus qu’un autoportrait, c’est une ode à la différence, à la vulnérabilité, à la réconciliation avec toutes les parts de soi. Et sur cette scène nue, un homme inconnu devient, l’espace d’une soirée, profondément universel.
Un texte de Michel-Maxime Legault, mise en scène de Marie-Thérèse Fortin, en coproduction avec le Grand Théâtre de Québec, le Théâtre de la Marée Haute et le Théâtre du Tandem. En tournée aux quatre coins du Québec jusqu’en avril 2026. Détails par ici.
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