
Entrevue avec Jessy Fuchs | Rouge Pompier prépare un feu de camp punk pour le Club Soda
Le duo punk-rock Rouge Pompier s’apprête à transformer le Club Soda en une gigantesque fête de garage, vendredi prochain (24 octobre 2025), pour ce qui s’annonce comme leur spectacle le plus intime… malgré la foule. Fidèle à leur esprit de proximité, le chanteur et guitariste Jessy Fuchs (dit Jess Pompier) et le batteur Alexandre Portelance (dit Alex Pompier) installeront leur scène au centre de la salle, entourés du public, dans une configuration circulaire rappelant davantage un « feu de camp électrique » qu’un concert traditionnel. Résumé d’une jasette de plus d’une heure avec le sympathique chanteur et homme d’affaires à la chevelure bleue.
On veut que les gens sentent qu’ils font partie du projet. Si on est sur une grosse scène, loin des gens, c’est plus difficile de créer ce lien-là.
Cette approche, à l’image du groupe, rejette toute forme de spectaculaire. Les habitués le savent, mais pour les néophytes : dans un show de Rouge Pompier, les éclairages sont minimalistes — de simples lampes LED achetées sur Amazon — et l’énergie vient de la sueur, du bruit, et de la chaleur humaine. Rouge Pompier ne veut rien savoir des performances léchées : c’est une expérience collective, brute et vraie. Quitte à composer une chanson devant le public, ou tenter de réapprendre une chanson oubliée on the fly parce qu’un fan en a fait la demande.
* Festiavl Focus 2025. Photo par Pierre Montminy.
Des pertes, des ajustements et une renaissance
De toute façon, à quoi bon les artifices faussement glamour quand on sait que tout fout le camp! Aussi bien s’amuser dans le chaos, quand la passion brute est tout ce qui reste.
Fuchs est bien placé pour le savoir, lui qui n’est pas que musicien. Il est également à la tête du label Slam Disques, et mène de front plusieurs autres projets visant à aider les artistes de son label et d’autres artistes indépendants, comme Metallicars, son entreprise de location de véhicules pour artistes en tournée, ou encore l’impression de t-shirts de bands adaptée aux réels besoins des bands.
On devine que, dans les circonstances compliquées qu’on connait, les temps sont durs. Il ne s’en cache pas : l’année 2023 a carrément failli couler l’entreprise qu’il dirige. « On a perdu la moitié de ce qu’on avait accumulé en vingt ans », confie-t-il. Trop de dépenses, trop peu de shows, moins de subventions : la claque fut immense. Mais cette épreuve a forcé le musicien à revoir sa façon de gérer le band, son entreprise et sa vision du milieu. « On a coupé, réfléchi à nos dépenses, puis on a arrêté l’hémorragie. »
Rouge Pompier en est d’ailleurs ressorti plus solide. Fuchs estime même que son duo n’a jamais autant eu le vent dans les voiles, et ce, après près de 15 ans d’existence. Un « succès improbable » comparable à celui de son ancien groupe eXterio, mais dans une époque post-MusiquePlus.
La clé était de se recentrer sur l’essentiel : la création et la communauté. Leur Patreon, désormais fort d’environ 230 abonnés, est devenu un moteur vital. Les fans y participent directement au choix des chansons, reçoivent des maquettes, des t-shirts, et deviennent de véritables membres élargis du groupe. « Ce n’est pas juste une page d’abonnement, c’est une gang de chums », résume Fuchs. « Même si tout s’écroulait demain, on pourrait continuer avec eux. »
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Le public comme moteur
Cette proximité, Rouge Pompier l’a cultivée dès le début. Fuchs évoque les concerts où il reste après le show pour jaser avec tout le monde, les petites salles où les fans s’entassent à quelques mètres de lui, et même les spectacles devant quatre personnes diffusés en direct pour que « ça compte quand même ». À ses yeux, chaque spectateur gagné est une victoire.
« On tient un fichier Excel de nos vrais fans », raconte-t-il en riant. « On essaie d’en trouver un de plus chaque fois. Pas vingt. Un seul. »
Ce rapport humain a forgé une communauté singulière : des gens « gentils », curieux, parfois un peu nerds, qui s’attachent à la sincérité du groupe. « On n’est pas les gars cool », admet Fuchs. « Mais nos fans sont des bons, des vrais. »
Et parfois, ces bons-là viennent en famille : le duo attire même les enfants. « Les kids de 5-6 ans capotent sur nos tounes », s’étonne le chanteur. « Pour certains, je suis rendu une mascotte ! » Une portion du Club Soda sera d’ailleurs réservée aux familles et aux jeunes spectateurs — une initiative rare dans le punk, même si on voit des intiatives semblables poindre ici et là (notamment au PouzzaFest).
Entre nostalgie et moment présent
Au fil de la discussion, Fuchs se montre à la fois philosophe et lucide. Il parle de la difficulté de vivre dans le moment présent dans un art obsédé par la célébration du passé. « Chaque fois qu’un fan nous parle d’une toune, il la relie à un souvenir. C’est beau, mais nous, on essaie d’être là, maintenant. »
C’est d’ailleurs ce qui nourrit l’idée de la scène centrale : un espace partagé où le show devient « une communion instantanée » plutôt qu’une reconstitution nostalgique.
Le groupe prévoit même une portion de demandes spéciales où les spectateurs pourront choisir des chansons, quitte à voir le duo les réapprendre sur place. « C’est risqué, mais c’est vrai », lance Fuchs. « On l’intègre dans le show. Des fois, on se plante, mais le monde trippe pareil. »
Cela s’inscrit dans la philosophie générale de Rouge Pompier, qui refuse de s’abaisser au cynisme, même si Fuchs demeure foncièrement réaliste : il s’attend à ce que l’industrie de la musique « pète » sous le poids de l’intelligence artificielle et de la concentration des revenus, mais il garde la foi dans la création. « L’humain se réveillera toujours avec le goût de créer. »
S’il voit venir une « longue pause » après l’effondrement, il imagine déjà la renaissance : « Quelqu’un va reprendre une guitare, frapper sur des tambours, juste parce qu’il en a envie », lance-t-il avec une sérénité déconcertante.
Ce fatalisme lucide s’accompagne d’un humour désarmant. Il rit en évoquant son propre bunker :
Notre Patreon, c’est notre gang de chalet. Peu importe ce qui arrive, on va finir au chalet.
Une histoire, pas une image
Fuchs déplore que trop de groupes se cachent derrière le mysticisme ou le marketing. « Les bands oublient qu’ils ont une histoire. Ils n’osent pas la raconter. Mais c’est ça, la clé. C’est ce à quoi les gens s’attachent. »
Rouge Pompier, lui, se nourrit de cette transparence. Le duo montre ses fils, ses amplis, ses ratés. « Quand on joue à terre, quand les gens nous voient brancher nos guitares, ça casse le mur. Ils sentent qu’ils font partie de quelque chose. »
Le 24 octobre, cette philosophie prendra toute son ampleur : un show sans artifices, où la sueur remplacera les stroboscopes, et où chaque personne comptera. « On veut que le monde se dise : j’étais là, dans la gang », conclut Fuchs.
L’événement servira de « lancement » à l’album Michael Caine… paru il y a un an et demi! Le spectacle sera présenté sur une scène centrale, avec un accès debout au parterre, et une section familles au balcon. D’ailleurs, il existe trois tranches de prix pour les billets : pour les adultes (39,24$), les étudiants (21,50$) et les enfants (9$). C’est disponible par ici.
Plusieurs artistes, amis et invités surprises sont à prévoir, dont The Matchup, Pépé ainsi que Donald Pilon (!) qui ont déjà été confirmés.
Des spectacles sont aussi prévus à Sherbrooke, Baie-Comeau, Fermont, Drummondville, St-Jean-Port-Joli, St-Jérôme et Joliette au printemps 2026. Détails par ici. Une tournée au cours de laquelle les Metallicars risquent de servir!
- Artiste(s)
- Rouge Pompier
- Ville(s)
- Montréal
- Salle(s)
- Club Soda
- Catégorie(s)
- Punk, Rock,
Événements à venir
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