
Don Giovanni séduit le public de l’Opéra de Montréal
Souvent qualifié d’« opéra des opéras », cette monumentale œuvre de Mozart, l’une de ses plus célèbres, mérite sa réputation. On y retrouve certaines des plus belles arias du compositeur dans le cadre de l’un des canons du répertoire lyrique classique. Mais avec la réputation viennent les défis : le public arrive sur place avec de fortes attentes et se révèlera nécessairement plus exigeant qu’à l’habitude. La troupe de l’Opéra de Montréal aura néanmoins relevé le défi avec bravoure dans la cadre d’une proposition habilement leadée par sa distribution.
Pour ceux et celles qui ne connaîtraient pas l’histoire, elle est assez simple. Dans son libretto, Da Ponte met en scène l’histoire de Don Giovanni, noble cavaliere aux multiples conquêtes (près de 2 000 comme le raconte son servant Leporello dans l’aria Madamina, il catalogo è questo) qui finira par se mettre les pieds dans les plats lorsqu’il « violera la fille et tuera le père » en les personnes de Donna Anna et du terrible Commendatore. Jugeant de se venger avec son époux, Anna poursuivra le scélérat tout au long de la pièce alors que celui-ci devra en découdre avec Elvira, ancienne conquête jalouse, et Masetto, mari de la paysanne Zerlina sur qui le Don jettera bientôt son dévolu.
Dans le rôle-titre, John Brancy offre une performance quasi-irréprochable, jonglant bien avec les nombreux changements de tons nécessaires à son jeu, bien à l’aise dans les moments les plus comiques de ses présences scéniques et utilisant avec brio les différents éléments de costumes et accessoires à sa disposition. C’est un élément qui peut paraître banal, mais qui mérite d’être souligné.
Andrea Núñez, dans le rôle d’Elvira, se fait, elle, remarquer par son timbre vocal et ses interprétations nuancées. Elle parvient bien à incarner la fureur qui habite son personnage durant la majorité du récit. Ruben Drole, quant à lui, dans le rôle de Leporello, comic relief du libretto, se démarque également par le ton très caractéristique de sa voix, bien que son chant soit un peu inégal par moments, principalement au niveau de ses volumes. Anthony Gregory aura par moments le même problème. On aime la chaleur de sa voix et la qualité de ses aigües, mais son vibrato lui jouera occasionnellement des tours, alors que certaines notes manqueront la marque. Le tout est en partie excusé lors des chansons en duo, trio ou quatuor, où sa voix se mariera néanmoins de belle façon aux autres.
* Photo par Vivien Gaumond / Opéra de Montréal.
Matthew Li, bien que juste, manque de la prestance et du bravado de certains de ses collègues, créant un Masetto qui tombe parfois à plat malgré toute la colère qui devrait l’habiter. C’est probablement la plus grande déception de ce spectacle malheureusement. À l’inverse, Sophie Naubert, dans le rôle de sa compagne, offre un jeu large et dans l’efficace exagération, appuyant bien la naïveté et le caractère aguicheur de son personnage dans une prestation franche et remarquable. Difficile de ne pas tomber sous son charme durant l’aria Là ci darem la mano, l’un des plus connus de Don Giovanni, et ici bellement exécuté.
La véritable star de ce casting restera néanmoins la soprano Kirsten LeBlanc. Son chant est souple et empreint d’un dramatisme parfaitement adapté à cet opéra, avec une puissance vocale qui parvient bien à surmonter les défis de couvrir un orchestre parfois un peu trop rutilant sous l’énergique baguettes du chef Kensho Watanabe, ancien collaborateur de Yannick Nézet-Séguin aujourd’hui affilié à l’ensemble local I Musici. C’est elle qui au final volera la vedette du second acte.
Parlant de l’orchestre : pas de nouvelles, bonnes nouvelles comme on dit. S’il ne se démarque pas particulièrement, il évite toutefois les anicroches tout au long de la représentation, chose notable pour une première. Alors qu’on aurait pourtant pu se poser quelques questions dès l’introduction, qui finit par s’éterniser vu un léger manque de rythme, le problème sera vite rattrapé et la suite sera tout à fait convaincante. La section de vents mérite des salutations, rendant bien justice aux compositions espiègle du Viennois. Ma seule déception à ce niveau sera, et c’est ici très subtil, la résonance trop marquée du piano utilisé lors des récitatifs. En s’étirant, le son vient masquer quelques nuances dans l’interprétation vocale, surtout lorsque très théâtralisée, ce qui justifiait à l’époque l’utilisation d’instruments plus secs comme le clavecin.
* Photo par Vivien Gaumond / Opéra de Montréal.
L’autre principal point fort de cette présentation : le travail du costumier de l’Opéra de Montréal. On retrouve une belle diversité dans les costumes, même pour ceux de la figuration, alors que les personnages eux-mêmes se changeront régulièrement entre les scènes et parfois même devant nous dans le cadre d’une mise en scène plutôt classique, mais bien ficelée sur fond de luxueux décors aux belles colonnes doriques. Certains choix de mise en scène ressortent aussi du lot : le Commendatore impotent en est un bon exemple, son état accentuant la violence du geste initial du Don à son endroit. Des musiciens utilisant leurs instruments comme armes vers la fin du premier acte en est un autre, blague subtile, mais efficace.
Les éclairages déçoivent toutefois. Parfois trop simplistes, ils causent aussi une certaine confusion par moments, notamment sur la finale alors que des lumières de la salle s’allument, probablement pour signifier la levée du jour, mais l’on cherche ici des poils gris. Si c’est le seul aléa de toute cette production, c’est dire de la qualité de l’ensemble.
Le public pensera visiblement la même chose, généreux dans ses applaudissements au point de l’être trop par moments alors que certains n’attendront pas la fin des morceaux pour se faire attendre. Ce manquement au décorum habituel des présentations opératiques posera, on s’en doute, des défis supplémentaires à l’orchestre et aux interprètes, défis relevés sans difficultés notables. Après 3h, on quittera toutefois rapidement, la fatigue s’étant installée autant dans la salle que sur la scène, au sortir d’un second acte nettement moins énergique que le premier, lui qui était quasi parfait.
En somme, c’est donc un proposition de très bonne qualité que l’Opéra de Montréal offre actuellement avec sa version de l’œuvre de Mozart et Da Ponte, l’une des bonnes des dernières années. Trois représentations figurent toujours à l’horaire pour le 30 septembre ainsi que les 2 et 5 octobre. Pour plus de détails où vous procurer des billets, c’est par ici que ça se passe.
* Photo par Vivien Gaumond / Opéra de Montréal.
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