crédit photo: Pierre Langlois

Critique Publié le 4 août 2025 @ 13h30

Rédaction Mathieu Aubre Assistant à la rédaction
Photos Pierre Langlois Photographe

Osheaga 2025 – Jour 3 | Olivia Rodrigo, reine du rock

La journée de canicule attendue en conclusion de cette édition n’aura finalement pas eu lieu, probablement au plaisir de tous, ou au moins minimalement de Havane, « 9 ans, mais 10 dans 19 jours ». Olivia Rodrigo, qui se retrouvait en charge de clôturer la soirée en grand, s’adresse, on ne se le cachera pas, principalement à un public de jeunes femmes, et on a donc décidé, pour l’occasion, de s’adjoindre les services de cette stagiaire d’un jour pour mieux nous aiguiller. Son retour, et le mien, ci-dessous!

Rau_ze

« J’avais déjà vu Rau_ze en mai [à Santa Teresa]. C’était un peu différent, mais pas beaucoup. Elle a vraiment une belle voix. »

Pas trop différent en effet puisque le spectacle du duo montréalais est déjà rodé au quart de tour, et ce depuis plusieurs mois déjà. Accompagné de musiciens pigistes all star sur scène, Rose Perron et son acolyte Félix Paul prendront d’assaut avec une belle fébrilité ce qui sera, pour le moment, leur plus gros spectacle en carrière en termes de scène et programmation. Osheaga, ça a une prestance, et la décision de l’équipe du festival de placer un jeune groupe francophone local sur une scène autre que celle sous la tente SiriusXM en ajoute encore plus.

Le groupe enchaîne les indéniables hits de son premier album sur fond de projections psychotroniques avec une facilité et une versatilité certaines, se permettant une variété de soli en tous genres, mais ne volant jamais à la vedette à la chanteuse, particulièrement en forme pour l’occasion et avec une énergie palpable, au point d’en échapper solidement son micro, bouteille de vin à la main.

Dans l’ensemble, un bel exemple de musique québécoise francophone qui s’adresse à tous les publics; Havane et moi seront bien d’accord là-dessus.

Gigi Perez

« Sailor Song c’est une de mes chansons préférées, mais le spectacle était un peu long avant qu’elle la joue. »

Ici aussi, bien d’accord. N’étant pas très familier avec l’œuvre de la mi-vingtenaire Gianna Brielle Perez, je trouve également que certaines chansons se suivent et se ressemblent, manquant de variété pour mieux en apprécier les nuances. Ce sont surtout les textes qui se démarquent, parlant régulièrement de son queerness parsonnel, elle qui est ouvertement lesbienne. Un peu comme pour Olivia Rodrigo, l’autrice-compositrice-interprète a l’avantage d’offrir un bel exemple aux jeunes filles dans le public à cet égard : c’est correct pour des filles d’aimer les filles et c’est correct d’en parler aussi. Pas besoin de choisir le placard.

Perez manque parfois un peu de présence scénique, statique derrière sa très belle guitare acoustique blanche en milieu de scène, mais conserve toutefois une personnalité qui en excuse. Son groupe l’accompagne sans lui voler la vedette, à l’exception peut-être de sa sœur dont la voix puissante saura rapidement séduire le public à chacune de ses interventions comme choriste.

Sailor Song viendra chercher le public dans une réelle communion, mais le spectacle nous laissera un peu sur notre faim.

The Beaches

Ce sera l’un de mots d’ordre de la journée, ou du moins des sélections musicales de Havane, que d’avoir des bands de femmes badass et souvent queer, question de donner l’exemple à une jeunesse à qui ça manque parfois, surtout dans un contexte de recrudessence des phobies motivées par nos voisins du sud.

Déjà fatigués par nos longues marches à travers le site, on écoutera le spectacle des nouvelles têtes d’affiche en devenir canadiennes en trois temps : aur une télé dans la zone VIP à l’arrière de la scène, dans le public et à partir de la (petite) grande roue du festival. Sans nécessairement décevoir, les chansons en jettent parfois un peu moins que l’on aurait pu croire au préalable, sans être mauvaises pour autant, loin de là, mais difficile de savoir si cette perception est réelle ou si le contexte aura terni un peu notre jugement.

On ne peut toutefois pas dire que les filles manquent d’énergie, ça c’est une certitude. Jordan Miller, avec sa perssonnalité magnétique, arpente inlassablement la scène, chantant avec force sans négliger son jeu de bass « No hard feelings xoxo » accrocheur, faisant même monter une certaine Jocelyn du public sur scène lors de la chanson du même nom, alors que sa soeur Kylie s’illustre à la guitare, marquant les esprits avec son chandail « Montreal bagels are better than New York’s » (vrai!). Leurs deux autres comparses ne s’en laissent pas non plus imposer avec des interventions toujours efficaces. Statut de stars mérité.

Cage the Elephant

« C’était long. Les chansons sont toujours pareilles : ça commence lentement pis après ça devient vraiment rock pis fort. Moi j’aime pas beaucoup le rock, je suis une fan de pop! »

Effectivement, on aura eu droit à un set particulièrement rock. Je dois avouer que je partais avec certaines appréhensions : la musique du groupe américain basé au Royaume-Uni aurait-elle bien vieillie? Même dans leurs grosses années, certaines chansons flirtaient avec le générique, alors qu’en serait-il aujourd’hui?

La réponse : les années auront finalement rendu service au groupe. Oui, une inévitable nostalgie vient affecter notre jugement collectif, mais ce qui faisait la beauté du groupe circa 2010-15 ne fait que mieux ressortir et s’illustrer. Les voix jumelées sonnent très bien sur scène, soulignant les arrangements pop qui sinon auraient pu disparaître tant les six musiciens interprètent leur matériel avec une puissance certaine.

Ceux qui ne connaissent pas bien l’œuvre de Cage the Elephant, à l’instar d’Havane, auront certainement tout de même passé un bon moment vu la variété des interprétations et la mise en scène basée autour d’éclairages omniprésents. Cigarette Daydreams et Come a Little Closer viendront couronner une performance à laquelle on peut difficilement trouver des défauts, sans qu’elle soit non plus transformatrice comme ce qui suivra, hormi une conclusion pas claire alors que le groupe quittera sans que les lumières ne se ferment avant quelques minutes.

Olivia Rodrigo

« Je connais toutes ses chansons par cœur, ben presque toutes, pis j’ai deux affiches d’elle. Je l’aime vraiment beaucoup. J’espère qu’elle va jouer good 4 u parce que c’est ma chanson préférée d’elle. vampire aussi. Elle chante vraiment bien, mais c’est juste ma deuxième chanteuse que j’aime le plus. La première c’est Lou-Adriane Cassidy. »

De sages paroles de la part de notre stagiaire, qui va vivre dans l’heure qui suivra un méchant rêve. Je dis l’heure parce qu’on quittera un peu avant la fin, question de tenter de skipper l’attente devant le métro (un échec), et manquant du même coup le (second?) rappel au sein duquel la chanson favorite d’Havane sera interprétée. Mais ça, c’est pas la faute de la chanteuse qui livrera un sans-faute.

Olivia Rodrigo, 20 ans à peine, est déjà la rock star ultime d’une génération de jeunes filles et nous le prouvera dès son entrée en scène, se lançant tout de suite en forme dans une version très allongée de son hymne bad idea right? afin de donner le ton à ce qui suivra : une performance sentie, du feu et des paillettes et du solide jeu de guitare de part et d’autre de la scène. La chanteuse elle-même se fera remettre une acoustique en échange de son sans fil dans l’une des transitions les plus smooth que je n’aurai jamais vues : deux secondes seulement pour changer d’instrument. C’est aussi ce professionnalisme, d’Olivia et son équipe technique que l’on retiendra. Les jeux d’éclairages rouges et mauves (« SA couleur! » me le rappellera avec justesse ma jeune collègue) sont bien présents et s’adaptent bien au chansons, un catwalk central est utilisé avec brio et la star se produit même à quelques reprises sur un plexiglas sous lequel est posé une caméra la filmant par en-dessous, question de magnifier encore plus son look et sa prestance.

Le spectacle sera orienté un peu sur une même formule tout au long de sa première moitié, enchaînant chansons rock survitaminées en groupe avec des agencements de ballades plus intimes à l’émotivité contagieuse. À bad idea right? et ballad of a homeschooled girl succéderont les plus tranquilles vampire, l’une des belles interprétations du spectacle, traitor, driver’s license, magnifique également, et teenage dream, avant de rebondir avec l’accrocheuse pretty isn’t pretty sur laquelle Olivia resortira sa guitare.

L’artiste nous présentera quelques instants plus tard les membres de son groupe, toutes des femmes et toutes badass, avec sa guitariste Daisy Spencer (Pom Pom Squad) en figure de proue. Elle volera presque la vedette à celle qu’elle accompagne avec un jeu souple et virtuose qui récoltera des applaudissements nourris à chaque opportunité.

Le spectacle s’interrompt éventuellement l’espace de quelques minutes, qui feront penser à plusieurs que le tout vient de conclure après une heure, pour que les musiciennes rappliquent toutefois sur scène pour une suite de chansons encore plus high energy. Olivia, ayant troqué sa « vraiment très belle » robe à paillette pour un t-shirt et des mini-shorts, nous fera visiter la portion la plus punk de sa carrière, transformant en profondeur certaines pièces pour y insuffler encore plus de son inépuisable énergie juvénile. Après 21 chansons, le spectacle se conclut pour nous sur all-american bitch, elle aussi étirée sur plusieurs minutes, et ce pour le mieux.