
Festival international de Jazz de Montréal 2025 – Jour 5 | La quintessence du cool (Jeff Goldblum en conversation)
Lorsqu’atterrit dans la boîte courriel d’un indécrottable cinéphile un communiqué nous invitant à une rencontre avec l’acteur Jeff Goldblum, qui avait au programme un concert avec son Mildred Snitzer Orchestra à la Place des Arts (hier soir, 30 juin, à la Salle Wilfrid-Pelletier), on répond présent illico! Ce n’est pas tous les jours qu’on peut voir en action, en direct à quelques mètres de nous, un acteur si charismatique, qui se trouve aussi, comme nous, à apprécier tout particulièrement la musique.
La superstar est arrivée tout sourire (en distribuant des pastilles Fisherman’s Friend!) dans la petite salle du QG du FIJM, où avait lieu cette conférence de presse. Cette dernière prit la forme d’une pétillante conversation, d’abord avec le journaliste Brendan Kelly, ensuite avec les nombreux journalistes présents. Goldblum avait tout d’un dandy, à la fois désinvolte et élégant, se révélant aussi sympathique qu’hilarant, perdant parfois (souvent!) le fil en partageant toutes sortes d’anecdotes à propos son métier, mais surtout en ce qui a trait à son amour pour la musique.
Pendant cette petite demi-heure, il s’est fait généreux, en mode livre ouvert, visiblement heureux de participer à ce qui peut souvent être fastidieux pour les gens les plus blasés de sa caste. Ayant fait paraître trois albums et un EP depuis 2018, le pianiste prenait un malin plaisir à connecter avec les différents journalistes qui se passaient le micro, en prenant soin de leur demander leur nom (et de répéter les plus francos) et d’où ils.elles venaient, ce que peu de personnalités daignent faire en temps normal, faute de temps ou d’intérêt (vraisemblablement).
On a appris que son père était un grand fan de jazz et qu’il a pris des cours de piano à un jeune âge en banlieue de Pittsburgh, où il a grandi. Quand son professeur lui a fait apprendre un arrangement d’Alley Cat, standard jazz de Bent Fabric paru en 1962), « c’est à ce moment que je suis devenu plus discipliné dans mes études, afin d’apprendre cette pièce ».
« Ça n’intéressera personne, mais à 15 ans, la mouche de l’acting m’a piqué, alors que mon cœur me disait que je devais en faire ma carrière. Et au même moment, comme j’adorais jouer le piano et était tombé en amour avec le jazz, je me suis en tête d’essayer de me booker des gigs dans des cocktail lounges de Pittsburgh, qui avait—je l’ignorais à l’époque—une riche histoire au niveau du jazz. J’ai donc pris l’annuaire téléphonique, et quelques-uns ont dit oui (…). »
« Il y a environ 30 ans, Peter Weller [oui-oui, RoboCop lui-même!], avec qui j’avais joué dans [The Adventures of] Buckaroo Banzai [Across the 8th Dimension], et qui joue de la trompette, m’a dit qu’il connaissant Miles Davis! Et lorsque Peter parla de moi à Miles Davis, ce dernier lui a suggéré qu’on fasse des concerts. Ce qui s’est développé en un soi-disant groupe, avec qui je jouais sous le radar entre deux tournages, à LA et les environs. Et un jour, lorsque que le Playboy Jazz Festival nous a demandé de jouer au Hollywood Bowl, on devait se trouver un nom, et j’ai pensé que ce serait marrant de s’appeler le Mildred Snitzer Orchestra, d’après le nom d’un ami de la famille. »
Mais les albums se sont laissés désirer, l’acteur ayant un horaire plutôt chargé. Il nous a raconté qu’en novembre 2017, alors qu’il était en tournée de promotion pour Thor: Ragnarok, il avait spontanément accepté d’accompagner le chanteur Gregory Porter (récipiendaire de deux prix aux Grammys) afin qu’il puisse interpréter la pièce Mona Lisa de Nat King Cole, alors qu’ils étaient tous deux invités sur The Graham Norton Show. Et que c’est justement grâce à cette performance que Goldblum a décroché son contrat de disque avec la prestigieuse étiquette britannique Decca Records (Bing Crosby, Buddy Holly, Elvis Presley, Chuck Berry, Johnny Cash, The Rolling Stones, etc.).
Et sachez que ce n’est que les cinq premières minutes, alors que Kelly ne lui avait posé qu’une seule question! « En fait, c’est ton essence… tu m’as ouvert comme une huître », de répondre Goldblum du tac au tac, avant que toute la salle n’éclate de rire.
Il a aussi parlé de ce qu’ont en commun jouer la comédie et jouer de la musique, qui sont adjacents dans sa pratique, de comment la musique communique une histoire et nourrit son jeu, et de l’improvisation, qui se trouve à l’intersection entre musique et jeu. « La musique peut nous frapper droit au cœur comme rien d’autre. » Vous savez comment il passait le temps entre les prises sur le plateau du film Wicked (dont la suite paraîtra plus tard cette année)? En jouant de la musique avec ses collègues, dont la chanteuse pop Ariana Grande. On a aussi appris quels étaient ses pianistes préférés (Oscar Peterson, Bill Evans et Erroll Garner, dont l’album Plays Misty eut un immense impact sur lui) et qu’il était notamment très fan de Frank Sinatra (qu’il a vu en concert avec son défunt ami, l’acteur Bruno Kirby) et de musique brésilienne (il est le narrateur du documentaire animé They Shot the Piano Player, paru en 2023).
Et que dire des délicieux moments spontanés que nous a offerts l’artiste, comme lorsqu’il se mit à chantonner, comme ça, sans crier gare, la pièce When Joanna Loved Me de Tony Bennett, inspiré par le nom d’une journaliste (Joanne Shurvell de Forbes). Ou encore parce que quelqu’un portait un chandail de Prince, il nous raconta qu’une fois, dans un événement mondain, il discutait avec Paul Ant-Man Rudd, lorsqu’ils senti l’atmosphère changer, avant d’apercevoir Prince « arriver dans la pièce en flottant ». Des moments qui ne s’inventent pas, non.
Il disait adorer le Canada (son épouse, la gymnaste médaillée aux Olympiques Emilie Livingston, est originaire d’Ontario, en plus d’avoir tourné à quelques reprises au pays, dont The Fly à Toronto) et être honoré de jouer « au plus grand festival de Jazz du monde ». Il a même sorti ses notes pour mentionner le nom des artistes avec qui il aimerait collaborer, incluant les Canadien.es Michael Bublé et Diana Krall, de même qu’Esperanza Spalding et Wynton Marsalis, qui participent tous deux au FIJM cette année.
Son tout nouvel album, Still Blooming (2025), inclut une version bossanova de The Best Is Yet to Come (qu’ont chanté les Sinatra, Bennett, Bublé, Bob Dylan, Chaka Khan, etc.), mettant en vedette la voix suave de Scarlett Johansson, la star de Jurassic World Rebirth (!) avec qui il a partagé l’affiche du film Asteroid City de Wes Anderson. On y retrouve aussi une reprise du succès R&B I Don’t Know Why (I Just Do) avec la susmentionnée Grande.
Vous savez, plusieurs des films dans lesquels Goldblum a joué au fil des années ont des trame-sonores incroyables. Qu’on pense aux thèmes composés par John Williams pour ce classique de Steven Spielberg qu’est Jurassic Park (1993), à ceux du Canadien Howard Shore, compositeur attitré de David Cronenberg (qui l’a dirigé dans La Mouche) ou encore le Français Alexandre Desplat, derrière ses trois films de Wes Anderson, soit The Grand Budapest Hotel (2014), Isle of Dogs (2018) et Asteroid City (2023).
Personne n’a pu lui demander s’il avait déjà pensé à écrire de la musique de film avant qu’on ne ferme le micro. Or, comme votre humble serviteur était assis en première rangée… « J’ai réalisé ce court métrage [Little Surprises; 1996], qui avait été nommé aux Oscars, et Benny Wallace, ce fabuleux saxophoniste, a monté le score, sur lequel j’ai joué dessus un peu », de laisser tomber l’artiste en décrochant l’un de ses fameux sourires, avant de nous serrant la pince et de quitter la salle en flottant, sac de bonbons en main (!), tel un maudit beau dandy de 72 printemps resté pour toujours gamin.
Photos en vrac :
Photos du concert de lundi soir à la Place Des Arts
- Artiste(s)
- Jeff Goldblum & the Mildred Snitzer Orchestra
- Ville(s)
- Montréal
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