Geordie Greep

Geordie Greep au Théâtre Fairmount | Poursuivre sur un nouveau son après la mort de black midi

Un an et demi après le dernier passage de son groupe, feu black midi, dans la métropole québécoise, l’excentrique virtuose britannique Geordie Greep était de retour à Montréal. Mais cette fois, c’était en solo, ou plutôt en compagnie d’une nouvelle bande de jeunes musiciens surdoués, afin de présenter les chansons de son excellent premier album The New Sound, paru à l’automne dernier. Bien qu’une seule chanson de son défunt groupe fut jouée, et que l’entièreté de son album solo fut interprétée, on peut dire que cette prestation avait tout pour satisfaire ceux et celles qui étaient en deuil à la suite de la séparation du groupe. Même si au final, ça s’étirait un peu… beaucoup même.

Geordie Greep incarne assez bien le titre de son premier album : The New Sound. Si la musique hirsute de black midi étonnait par la variété de ses influences, la première offrande de Greep repousse les limites encore plus loin, puisant autant dans le jazz brésilien que le math rock, la salsa ou le noise punk, avec des longues compositions aux mille détours à faire rougir les meilleurs bands prog. C’est beaucoup à digérer. Si on peut lui trouver un défaut, c’est que c’est parfois peut-être un peu too much.

Ça, c’est musicalement. En tant que chanteur, Geordie Greep sonne toujours aussi unique, avec ce drôle d’accent d’on-ne-sait-où, ses logorhées à l’emporte-pièce et sa tendance pour les mélodies de crooner un peu tordues. Les paroles le sont aussi.

On le devine avec son départ de black midi : ça doit être un petit sacripant. Du haut de ses 25 ans, le jeune prodige ne semble pas carburer aux compromis, et il ne doit pas être facile à côtoyer. On le devine très exigeant envers ses collègues. Ça paie, par contre.

Sur la scène du Théâtre Fairmount, mercredi soir, se trouvaient Cameron Campbell aux claviers, Dave Strawn à la basse, Ethan Marsh à la guitare et Charlie Schefft à la batterie, qui excellent tous aux côtés de Greep.

Ils arrivent en scène au son de l’hymne Taken par Francis Monkman, l’air très 80’s-prog de la trame sonore de The Long Good Friday. Puis c’est parti. Greep n’a pas de guitare au cou et balance les paroles de Walk Up et Terra, pendant que son band exécute avec une précision hallucinante les 1001 détails de ces deux chansons complexes. Puis à la fin de Terra, il empoigne la 6-cordes électriques et se lance dans un solo jazzy d’une dextérité à couper le souffle.

C’est à une démonstration éclatante de leur maîtrise des genres qu’on aura droit toute la soirée, à travers les compositions à la fois captivantes et audacieuses. Un kaléidoscope de styles musicaux digne des grands albums de Zappa, que Greep admire par ailleurs, sans surprise.

On aura même droit à quelques détours : une reprise sympathique de Night and Day de Cole Porter, puis un petit Spain de Chick Corea. Des relectures inspirées.

Le single Holy, Holy soulèvera la foule, tout comme Dangerous Liaisons de black midi.  Mais lorsque la bande se lance dans une interprétation instrumentale de plusieurs titres consécutifs – une version enflammée de Parabola (une pièce instrumentale apparemment composée par le claviériste Cameron Campbell), puis Motorbike que l’on retrouve sur l’album de Greep et une looooongue introduction blues à la chanson… Blues – l’effet wow commence à s’estomper et on commence à se dire que le groupe nous sert un long marathon de virtuosité un peu pour son propre plaisir.

La performance se conclut passé 23h30 avec une interprétation étirée de Bongo Season et une très longue version de la déjà très longue The Magician, une des deux chansons de The New Sound qui étaient à l’origine des chansons de black midi qui ont été jouées en concert mais qui n’ont pas abouti à un album studio avant le hiatus du groupe.

Pour un artiste qui ne détient qu’un seul album de 10 chansons à son actif, la durée du spectacle (près de 3 heures!) nous a semblé excessive, d’autant plus que les longueurs sont dûes à des longs jams époustouflants, mais parfois carrément lourds à la longue.

C’est parfois le prix à payer pour avoir droit à un artiste sans compromis, qui tente d’éviter le caractère trop souvent prévisible de la musique populaire ces temps-ci.  Less is more n’est certainement pas la maxime de Greep qui, on le comprenait sur album, n’hésite jamais à en mettre trop. À prendre ou à laisser.

Nnamdï en première partie

La soirée avait été lancée par Nnamdi Ogbonnaya, alias Nnamdï, un artiste avant-pop de Chicago, né de parents nigériens.

À l’opposé de l’approche de Greep, Nnamdï est seul sur scène, avec des trames préenregistrées de ses chansons aérées parfois groovy, style R&B nouveau genre, parfois très rock. On entendait des bribes de TV on the Radio par moments, d’autres fois des inflexions à la Bartee Strange, et dans les moments plus rock, du Spirit of the Beehive.

Plutôt charismatique, le one-man-band fait participer la foule sur l’accrocheuse Dedication et traite avec humour le fait de « péter les plombs dans un train de Chicago » sur l’amusante Sudafed.

Charmante découverte pour mettre la table pour Greep et ses potes.

Grille de chansons (Geordie Greep)

Walk Up
Terra
The New Sound
Through a War
Night and Day (reprise de Cole Porter)
Spain  (reprise de Chick Corea)
As If Waltz
Holy, Holy
Dangerous Liaisons (reprise de black midi)
Parabola (pièce de Cameron Campbell)
Motorbike (instrumentale)
Blues
Bongo Season
The Magician

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