Maestro ou quand les Grands Ballets Canadiens s’inclinent devant les maîtres de la musique
Le titre énigmatique du spectacle avec l’image d’un danseur affublé d’une perruque blanche à la mode 18ième siècle laisse difficilement présager de l’œuvre qui lance la toute nouvelle programmation des Grands Ballets Canadiens. Maestro est bel et bien un hommage aux maîtres de la musique tels que Mozart, Vivaldi et Beethoven dont les morceaux choisis rendent sublimes les mouvements des danseurs.
Petite Mort
La première partie a commencé dans le silence complet avec six hommes munis d’un fleuret avec lequel ils ont semblé combattre un adversaire imaginaire.
Y aurait-il réellement combat et mort dans ce tableau? Pas du tout, le chorégraphe Jiří Kylián nous emmène ailleurs au son des Concertos pour piano No. 21 et 23 de Mozart.
Empreint d’une grande mélancolie, ces mélodies enchâssent parfaitement la communion des corps que l’expression Petite Mort évoque. Les duos de danseurs dont les corps glissaient l’un sur l’autre tout en splendeur faisait bien entendu, allusion à l’extase. Le dernier pas de deux dont les ébats étaient formellement acrobatiques suggérait savamment les gestes voluptueux sans sombrer dans la vulgarité.
Pour la mise en scène, un grand voile noir engloutissait les danseurs pour souligner la tension dramatique musicalement dans la portion orchestrale du Concerto No. 23.
Autre dispositif scénique intéressant, les danseurs font irruption sur scène dans la deuxième pièce avec des mannequins sans tête qui remplacent le bas de leur corps. L’illusion d’optique qui en a fait réagir plus d’un comme les danseurs se déplaçaient très rapidement en trainant cet attirail de sorte qu’on eut tous pensé un instant qu’ils portaient d’immense robe à corset alors qu’il en n’était rien. Toujours sur le thème du désir et de la séduction, ces attirails ont tout de même réduit la tension dramatique.
* Photo par Sasha Onyshchenko.
Tonnerre de Silence
Cette chorégraphie de Stephan Thoss devait être le miroir d’une quête entre l’humanité et la nature. Le maître évoqué ici devait être Vivaldi. Comme la pièce débutait par une bande sonore marquée par le son de la pluie et le frétillement de l’eau, Vivaldi et son Concerto pour violoncelle en fa majeur a passé un peu inaperçu ce qui est franchement malheureux.
Ceci dit, la mise en scène de ce tableau était intéressante avec les parapluies suspendus et les costumes exubérants qui devaient rappeler la nature. Le moment où l’humain se battait contre les éléments et semblait emporté par un torrent était plutôt intéressant visuellement mais la danse à proprement parlé ici était moins en phase avec la musique.
Sechs Tänze (Six danses)
Jiří Kylián présentait une seconde chorégraphie, encore sur la musique de Mozart cette fois au son des Six Danses Allemandes. Dans le cadre d’une chorégraphie très technique et d’une rythmique à couper au couteau, les danseurs secouaient leur perruque poudrée pour rendre un hommage burlesque aux excès de l’aristocratie du 18ième siècle. Au grand plaisir des spectateurs cette fois on se moque allègrement de la théâtralité de l’époque. Les robes à corset du premier tableau retournant sur scène pour évoquer Marie-Antoinette qui se fait couper la tête, l’enthousiasme du public était manifeste compte tenu de tous les éléments loufoques représentés.
Symphonie No 5
Un incontournable si on parle des Maestro de la musique classique: Beethoven.
Les mouvements de la symphonie No 5 de Beethoven se sont enchaînés sous nos yeux à vitesse grand V. Le premier mouvement, dont tout le monde connait les quatre première notes là, n’est-ce pas? (Pa-Pa-Pa-Paaaaaaaam), a commencé timidement. On s’entend que c’est le premier mouvement le moins subtil qui puisse exister donc le choix de rendre ce début-là, craintif , je ne suis vraiment pas certaine de l’objectif mais bon. J’aurais souhaité un premier mouvement plus affirmé. D’autant que la chorégraphie de Garrett Smith, Complete, souhaite célébrer la force et l’acceptation de soi. Peut-être que cela devait commencer par une certaine appréhension?
* Photo par Sasha Onyshchenko.
Les costumes du premier mouvement plutôt sobre se sont transformés en tutu dorés avec une lumière presque aveuglante pour les gens dans la salle à la toute fin. La chorégraphie largement menée par des suites de trios regorgeaient de portés. Je ne suis pas une grande adepte de portés comme il me semble que cela mène à une image plutôt statique.
La 3ième symphonie étant si rythmée, il me semble que c’eut été plus exaltant de voir des tableaux avec davantage de danseurs en même temps sur scène et s’exécutant au son du grand Beethoven. Je dirais que la proposition était plus dans l’image que dans le mouvement. Il y avait beaucoup de pauses, comme si on souhaitait que les spectateurs s’impriment une photo de la scène. Choix esthétique probablement, car c’était bien beau mais disons que pour soutenir cette musique magnifique sous la direction dynamique de la cheffe d’orchestre Dina Gilbert l’impulsion musicale tombait un peu à plat sur scène.
Ceci dit, si l’idée de voir de la danse sur de la formidable musique de Maestro vous plait, les représentations se déroule du 12 au 15 septembre à la salle Wilfrid-Pelletier de la Place des Arts. Détails et billets par ici.
- Artiste(s)
- Maestro (Grands Ballets)
- Ville(s)
- Montréal
- Salle(s)
- Salle Wilfrid-Pelletier
- Catégorie(s)
- Danse,
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