crédit photo: Thomas Mazerolles
Philippe Brach

Philippe Brach à la Maison des arts de Laval | Le chaos de Brach, dans la sérénité environnante

Après avoir couvert Philippe Brach de nombreuses fois depuis sa reprise en festivals et à Montréal, Sors-tu? se prête à un nouvel exercice, piochant dans un concert au hasard de sa tournée pour en donner le compte-rendu. À Laval, à la Maison des arts, le constat est sans appel : un monde d’écart creuse l’ambiance des spectacles d’envergure et des dispositions minimalistes de centres culturels.

Quatre musiciens habillés à la manière de moines débutent la soirée peu après 20h, avec le morceau Les gens qu’on aime, ouverture de l’album du même nom.

« Les gens qu’on aime, vont tous mourir », énonce Philippe Brach au micro hors de la scène au début du titre, rigolant ensuite avec le même cynisme qui l’habite depuis l’entame de sa carrière.

L’étoile de la soirée gagne les planches après la séquence purement instrumentale, empoignant sa guitare pour enchaîner avec Last Call.

Et puis, un phénomène atypique se produit : Brach et ses musiciens terminent la pièce, quelques secondes d’applaudissements à peine, ensuite, le silence absolu. Aucun brouhaha caractéristique à une salle d’envergure à dénoter, si ce n’est qu’une poignée de mots échangés entre l’artiste et un membre du public entre les deux morceaux pour rompre le calme.

La Maison des arts de Laval, en plus d’être une salle assise, n’est remplie qu’à ses deux tiers de capacité.

 

Comme au cinéma

Après Crystel, seulement la troisième chanson de son spectacle, Philippe Brach se permet un commentaire. « C’est drôle les salles assises, c’est comme la moitié du corps qui est paraplégique. »

Pour avoir assisté à la rentrée montréalaise de Philippe Brach en novembre dernier, ponctuée par une mise en scène d’entrée superbe et un réel orchestre sur scène, il est évident que cette soirée au MTelus et son antithèse lavalloise ne partagent presque rien, à se demander quasiment si les spectacles distincts proviennent de la même tournée.

La réalité des régions, composer avec des moyens différents. La fête n’atteint pas son apogée comme à Montréal, mais un concert plus calme, devant un public moins survolté, doit certainement enlever une couche de pression à Brach et ses musiciens de temps à autre.

Un événement reflète les propos exprimés dans le texte : entre La fin du monde et Tu voulais des enfants, un membre du public glisse dans le silence le plus total : « Philippe, c’est quand l’entracte? »

Sans avoir d’abord programmé de pause à son concert, Brach et ses musiciens n’entameront pas une nouvelle chanson tant que l’homme n’est pas revenu des toilettes, avouant que ça ne lui était jamais arrivé auparavant.

L’intimité d’une disposition offerte par la Maison des arts de Laval et d’autres réceptions du type est la seule à permettre ce genre d’événements cocasses et surréalistes, pouvant décontenancer des habitués à la ferveur de la vie nocturne citadine.

 

Irréprochable

Brach, comme d’habitude, répond aux attentes avec assurance. L’artiste sélectionne des pièces de ses quatre albums en solo, avec un goût, évidemment, plus marqué pour le génial Les gens qu’on aime, paru en 2023. Les musiciens accompagnateurs sont aussi irréprochables que l’artiste, tenant la baraque devant un Philippe Brach libre et incontrôlable, vêtu d’un imperméable jaune et d’un chapeau inhabituel.

Le folk rock guide la majorité des compositions de Brach, mais l’artiste est loin de se limiter au genre. Tu voulais des enfants rappelle la tendresse jazz de Gershwin, Le matin des raisons transporte dans les routes désertes des États-Unis à travers un bluegrass/country maîtrisé, la séquence instrumentale psychédélique de Mes mains blanches aurait pu se glisser dans l’une des dix minutes d’un Interstellar Overdrive.

Un moment fort de son spectacle : les éclairages virent soudainement aux rouge et blanc, avant que Brach ne présente sa réinterprétation de l’hymne national du pays en anglais.

Mais en mineur.

Cynique et insolent.

L’artiste n’hésite pas à fausser certaines notes pour accentuer son ironie, vomissant presque la dernière phrase. Brach enchaîne avec Révolution (la chanson), entraînante à souhait. Se positionner sur la séparation de la province sans en glisser expressément un mot, du génie.

L’artiste présente Dans ma tête et Un peu de magie, avant de revenir en rappel avec les excellents Bonne journée et Le matin des raisons.

Un musicien qui avait cruellement manqué au paysage culturel du Québec, et qui signait un retour flamboyant et réussi en 2023. Philippe Brach est actuellement l’un des artistes les plus talentueux et fascinants de la province, d’un point de vue personnel, et on espère qu’il ne prévoira plus cinq ans avant de faire paraître un nouvel opus.

 

À nu

Une vingtaine de minutes après le concert, Philippe Brach revient sur les planches accompagné de Marc-André Mongrain, votre fidèle rédacteur en chef, pour une période de questions avec le public.

D’emblée, un premier sondage prend la température de l’auditoire : la majorité de la salle n’avait jamais vu Brach en concert auparavant.

L’artiste montre un visage particulièrement authentique, devient rapidement personnel et sans filtre. À partir de questions banales, Brach parvient à tricoter plusieurs minutes et divaguer dans tous les sens, continuant tout de même toujours dans des propos intéressants.

L’artiste explique comment son frère lui a transmis son amour pour la musique, il parle de la carrière au cinéma qu’il aurait mené s’il n’était pas devenu musicien. Philippe Brach fait également part à quel point le travail social le fascine, partageant qu’il ira étudier dans le domaine après la tournée.

Les questions et les réponses vers la fin de la séquence s’engagent davantage à creuser les raisons de la pause de cinq ans de Philippe Brach, le principal intéressé éclairant qu’un accident avait agi comme une sorte de déclic à recommencer la musique.

Brach critique la rigueur de l’industrie sans gêne, et avoue qu’il détient une liberté artistique totale. Brach fait ce qu’il veut, et fort heureusement d’ailleurs pour le bien du public.

Grille de chansons

  1. Les gens qu’on aime
  2. Last Call
  3. Crystel
  4. La peur est avalanche
  5. Né pour être sauvage
  6. Pakistan
  7. Nos bleus d​é​sirs
  8. Tic tac
  9. Le bonheur tousse moins qu’avant
  10. Soleils d’automne
  11. Alice
  12. Héroïne
  13. La fin du monde
  14. Tu voulais des enfants
  15. Mes mains blanches
  16. Ôk Canada
  17. Révolution (la chanson)
  18. Dans ma tête
  19. Un peu de magie

Rappel

  1. Bonne journée
  2. Le matin des raisons

 

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