Mr Bungle au MTELUS | Un retour thrash métal pour un groupe jadis expérimental
Mr Bungle était de retour à Montréal mardi soir après 23 ans d’absence! Mais pour apprécier ces retrouvailles, il fallait avoir les attentes bien calibrées…
De 1991 à 1999, Mr Bungle a fait paraître trois des albums de rock expérimental les plus fascinants de la décennie Cobain : le ska-métal-funk Mr Bungle en 1991, l’hallucinant et déroutant Disco Volante en 1995, et le chef d’oeuvre surf-rock-swing-polka-klezmer-etc. California en 1999.
C’était comme si Frank Zappa avait donné naissance à une famille de jeunes métalleux hyperactifs, qui ont laissé court à leur imagination pour créer une musique inimitable. Le succès d’estime a créé au fil du temps quelque chose comme un petit culte autour de l’oeuvre du groupe.
Sauf qu’après les années 1990, plus rien… Le groupe se sépare en 2000, ses membres s’éparpillant dans divers projets comme Fantômas, Tomahawk et Secret Chief 3.
Puis en 2019, l’annonce d’un retour en 2020. Mais surprise : seuls trois des membres originaux se réunissent, soit le chanteur Mike Patton, le bassiste Trevor Dunn et le guitariste Trey Spruance. On apprend que le guitariste d’Anthrax, Scott Ian, et le batteur de Slayer, Dave Lombardo, joignent les rangs du supergroupe.
Le batteur Danny Heifetz et le saxophoniste et claviériste Clinton « Bär » McKinnon, eux, ne sont plus à bord.
Avec une formation aussi métal, on devinait que Mr Bungle changerait un peu de vocation. D’autant plus que le message était clair : Mr Bungle était de retour afin de revisiter un vieux démo nommé The Raging Wrath of the Easter Bunny, une oeuvre adolescente beaucoup plus thrash métal qu’expérimentale, produite indépendamment dans les années 1980. Il en existait des traces mal enregistrées sur Youtube, mais sans plus.
Mais dans le cadre de ce retour sur scène, aucune des chansons marquantes des années 1990 ne sera réinterprétées : pas de Travolta (Quote Unquote), de Carry Stress in the Jaw, de Retrovertigo ou de Goodbye Sober Day.
On en avait eu le coeur net en février 2020, juste avant la pandémie, en faisant le roadtrip à Brooklyn pour aller vivre l’un des premiers spectacles de retour, avant même que The Raging Wrath of the Easter Bunny prenne la forme d’un nouvel album plus tard cette année-là. On avait même profité de l’occasion pour faire un podcast basé sur notre expérience :
- l’occasion de voir un collectif de musiciens légendaires prendre d’assaut une salle cabaret comme le MTELUS, bondée de quarantenaires pour l’occasion,
- de voir de près Mike Patton se crisper le visage pour pousser l’un de ses cris dont il a le secret,
- de se faire bombarder par le double bass-drum de Dave Lombardo, appuyé par des lignes de basse de Dunn, plus simples que sur le trio d’albums connus de Bungle mais diablement efficaces,
- de voir Trey Spruance les cheveux au vent — tel une Beyoncé au Superbowl, Spruance avait fait installer un ventilateur devant sa position sur scène — multiplier les solos, notamment sur Bungle Grind.
Et surtout, c’était de voir ces cinq vétérans prendre un plaisir fou à revisiter des chansons écrites au secondaire, en appliquant tout le colossal bagage musical acquis au fil de leur carrière au profit de chansons maladroites et immatures comme Anarchy Up Your Anus, Raping Your Mind et Spreading the Thighs of Death.
« We’ve really grown up, haven’t we? », remarquait Mike Patton après avoir fait « péter » un jouet en plastique à presser en forme de cochon. Ça donne une idée du ton de la soirée.
Toujours avec leur propension à faire côtoyer de force, non sans sarcasme, des tounes quétaines et du gros métal musclé, Bungle s’est aventuré tantôt dans une reprise de I’m Not In Love, succès sentimental des années 1970 de 10cc, ou encore dans une interprétation assez fidèle à l’originale de True de Spandau Ballet, splittée en deux par une interlude de la tonitruante You Lose du groupe de punk hardcore 7Seconds.
Au rappel, Patton a aussi dédié une version de l’obscure Satan Never Sleeps de Timi Yuro au regretté Pee Wee Herman (!), avant de terminer le concert au son « rassembleur » de Territory de Sepultura!
Oh et pour les fans des albums des années 1990 de Mr Bungle, le groupe a au moins intégré la moitié de la chanson My Ass Is On Fire, possiblement la meilleure du premier album de 1991.
Bref, il ne fallait pas s’attendre à une opération nostalgie avec la présence de Mr Bungle au MTELUS mardi soir.
En fait, oui…
Une opération nostalgie… pour Trey Spruance, Mike Patton et Trevor Dunn qui revivaient leurs belles années de groupe métal adolescent avec deux de leurs idoles à leur côté.
Battles
On était gâtés : c’était le duo de rock experimental newyorkais Battles qui assurait la première partie.
Même si le groupe (devenu duo au fil du temps) n’est plus aussi fascinant à écouter sur disque depuis quelques années — on se rappelle toutefois des excellents Mirrored en 2007 et Gloss Drop en 2011 — Battles demeure fascinant à voir en spectacle.
Surtout en raison de John Stanier. Le batteur de 55 ans en a encore dedans, et martèle la cadence avec un pep peu commun, toujours avec sa fameuse et mystérieuse cymbale trop haute.
Leurs improvisations étaient fascinantes, et bien qu’on n’ait pas vraiment reconnu les chansons plus construites, ça demeure un duo divertissant à voir à l’oeuvre.
Une belle et bonne mise en bouche pour Mr Bungle.
Grille de chansons
Sudden Death
Hypocrites / Habla español o muere
Bungle Grind
I’m Not in Love (reprise de 10cc)
Eracist
Glutton for Punishment
World Up My Ass (reprise de Circle Jerks)
Anarchy Up Your Anus
Methematics
Hell Awaits (reprise de Slayer)
True (reprise de Spandau Ballet) / You Lose (reprise de 7Seconds)
Spreading the Thighs of Death
My Ass Is on Fire
Raping Your Mind
Rappel
Territory (reprise de Sepultura)
- Artiste(s)
- Battles, Mr Bungle
- Ville(s)
- Montréal
- Salle(s)
- Métropolis - MTELUS
- Catégorie(s)
- Heavy metal, Métal, Speed metal, Thrash metal,
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