Casino Royale en ciné-concert

Casino Royale en ciné-concert à la salle Wilfrid-Pelletier | L’espion que l’on aimait

Alors que Daniel Craig s’apprête à raccrocher définitivement le costume de James Bond dans No Time to Die, dont l’élégie crépusculaire de Billie Eilish laisse présager le pire pour notre espion préféré, quoi de mieux que de revoir l’excellent premier film de l’ère Craig, Casino Royale, et en ciné-concert s’il vous plaît ? Retour sur la représentation qui a eu lieu le 6 mars à la salle Wilfrid-Pelletier.

Une autre dimension dramatique

Puisque No Time to Die vient d’être repoussé de 6 mois (le coronavirus réussissant presque là où Spectre avait échoué), revoir une énième fois Casino Royale semble être l’idée parfaite pour patienter jusqu’à la sortie du prochain volet. Mais surtout, l’apport de l’orchestre ajoute une plus-value intrigante : si la bande originale de David Arnold n’est pas mauvaise, loin de là, elle est en revanche discrète. Personne n’est jamais ressorti d’un visionnage de Casino Royale en louant pendant des heures la musique du film. Efficace, accompagnant bien les différentes scènes, mais jamais inoubliable, la musique était au centre des interrogations ce soir-là : allait-on redécouvrir le film grâce au ciné-concert?

Force est de constater que le film prend effectivement une autre dimension. Alors que l’orchestre accompagne la première scène de combat, dont la violence fait frémir tous les lavabos de la planète depuis 2006, on se rend compte de l’importance capitale des thèmes musicaux, dont les subtilités ressortent enfin, accentuant les coups, soulignant le rythme des scènes et le dynamisme du montage, donnant de la profondeur aux enjeux dramatiques. On regrette presque parfois que le ciné-concert souffre du défaut inverse au film : l’orchestre est parfois légèrement trop fort par rapport au son in, ce qui atténue quelque peu l’ampleur des explosions ou le claquement des fusillades.

Des personnages mieux mis en valeur

Mais surtout, l’orchestre sublime ce qu’apporte l’interprétation de Craig au personnage de James Bond. Plus violent, plus sombre aussi, plus tragique, l’espion anglais perd en gadgets ce qu’il gagne en introspection et en histoire personnelle. Le ciné-concert permet d’apprécier cette nouvelle identité dans tous ses aspects : la violence du premier meurtre, la course-poursuite d’ouverture façon parkour dont le thème haletant et épique vaudra les applaudissements du public à la fin de la séquence, jusqu’aux plaintes lancinantes et déchirantes des cordes alors que les dernières lueurs d’innocence de Bond sont englouties dans le grand canal de Venise.

L’orchestre apporte également une autre dimension à l’ensemble des personnages : l’arrivée du Chiffre, banquier privé du terrorisme international, en Ouganda au début du film, est soutenue par un ensemble orchestral grave et menaçant qui parachève la construction symbolique de ce personnage devenu iconique incarné par Mads Mikkelsen, impérial dans son rôle d’antagoniste principal. La mystérieuse Vesper Lynd, campée par Eva Green, acquiert elle aussi une dimension tragique grâce à des thèmes où se mêlent l’amertume, la mélancolie et l’inéluctabilité. Enfin, la partie de poker, quasiment personnage, prend elle aussi une perspective dramatique bien plus importante grâce à l’orchestre, soulignant les regards, les stratégies, les coups de bluff où la mort n’est jamais loin.

Du tragique aux pointes d’humour, le public réagit bien volontiers à ce qu’il voit et à ce qu’il ressent tout au long du film. L’orchestre permet de vivifier les sentiments et les émotions, de développer l’empathie pour les personnages durant les 2h24 de Casino Royale. Et alors que les dernières notes du thème mythique de James Bond retentissent, le public exulte, standing ovation, et on ressort de la salle le sourire aux lèvres, avec la furieuse envie d’aller acheter deux ou trois costumes, avant de siroter une vodka martini. Au shaker bien sûr, pas à la cuillère.

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