Orchestre Métropolitain

Parsifal de Wagner avec Nézet-Séguin et l’OM à Lanaudière | Cinq heures de bonheur opératique

« Vous êtes des capotés! », a lancé Grégory Charles en guise de mot de bienvenue aux quelque 2 000 mélomanes assis et presque autant ayant pris place sur la pelouse de l’Amphithéâtre Fernand-Lindsay à Joliette, pour la présentation par l’Orchestre Métropolitain du redouté Parsifal de Richard Wagner qui allait clore en beauté le 40e Festival de Lanaudière. Car, il faut le savoir, la version concert de Parsifal qui fait un bon cinq heures, n’avait pas été présentée au Québec dans son intégralité depuis plus de 100 ans.

Le directeur artistique et chef principal de l’Orchestre Métropolitain depuis 17 ans, Yannick Nézet-Séguin, l’un des chefs les plus convoités au monde, était particulièrement en forme. Vif, léger et précis, comme flottant au-dessus de l’orchestre et des chœurs, il a livré une prestation toute en beauté de ce qui aura été le dernier opéra du dieu Wagner, créé en 1882 au prestigieux Festival de Bayreuth en Allemagne.

Photo par Christina Alonso.

Photo par Christina Alonso.

Jamais la grande scène de l’Amphithéâtre, cette Mecque de la musique classique estivale en région, n’aura paru aussi remplie. Et pour cause, avec les 89 musiciens de l’OM et leurs instruments et les 85 chanteurs du Chœur Métropolitain, six dans les rôles principaux et jusqu’à 12 dans les rôles secondaires, ça fait beaucoup de monde. Or, en aucun moment durant l’exécution de l’oeuvre sous sa direction, Nézet-Séguin n’aura montré la moindre perte de contrôle. Plutôt tout le contraire, même.

En sus de la musique, Wagner avait tenu à écrire lui-même le livret très étoffé de Parsifal. C’était à l’époque où la religion était la principale source d’inspiration dans la pratique des arts, en particulier la peinture, la sculpture, le chant et la musique. Il ne faut donc pas s’étonner que le texte soit nourri de bondieuseries, que ce soit le péché partout, la miséricorde, le Seigneur à toutes les sauces, l’innocence face au mal, le Sauveur, la pitié, le sang versé par le Rédempteur, la compassion envers les ennemis et la chasteté, entre autres valeurs et symbolismes véhiculés à travers cette histoire complexe.

Un conte médiéval remontant à la légende du Saint Graal, ce calice utilisé pour recueillir le sang coulant du flanc transpercé du Christ crucifié. Et la lance qui avait causé la blessure fatale, étant du même acabit sacro-saint que la coupe, s’étaient retrouvées sous la protection du roi Titurel dans son château du Graal érigé sur une haute montagne. Ainsi, les saintes reliques étaient placées sous la bonne garde d’une confrérie de chastes et preux chevaliers.

Mais, voilà que plus bas dans la vallée vivait Klingsor qui, par manque de chasteté, s’était fait refuser l’initiation à la sainte confrérie du roi, décida de se venger de l’échec de sa quête du Graal dont l’imagerie séculaire de grandissime courage parvient encore jusqu’à nous.

Photo par Christina Alonso.

Photo par Christina Alonso.

Et Parsifal, dans tout ça? Celui qui deviendra le futur sauveur était un jeune aventurier inconnu au cœur pur qui se trouva sans raison donnée au Château du Graal. Résistant au piège du jardin magique des filles-fleurs placées sur sa route par Klingsor, néanmoins séduit par l’irrésistible Kundry tout en refusant un ardent baiser d’elle, Parsifal récupérera la fameuse lance dans un combat avec Klingsor. Pourtant modèle de vertu, Parsifal devra errer des années de par le vaste monde dans sa quête du fameux Saint Graal en faveur du roi Amfortas ayant succédé à son père Titurel, entre mille péripéties et épreuves spirituelles à surmonter.

Originaire de Fribourg, le ténor Christian Elsner qui personnifie Parsifal, a l’avantage de chanter dans sa langue. Bien en chair mais peu charismatique, celui que l’on désigne comme un ténor héroïque vient tout juste de chanter le même rôle au Teatro Real de Madrid.

C’est plutôt vers la Kundry de la mezzo-soprano Mihoko Fujimura que tous les yeux restent tournés. Dans sa séduisante robe rouge et toute en voix, elle impose avec finesse et grande beauté son rôle de séductrice, à la fois bonne fée sublimée et fiancée maléfique du diable. Avec sa forte présence au naturel, il n’est pas étonnant qu’elle chante régulièrement dans les plus grandes maisons d’opéra du monde.

Toute la distribution de ce Parsifal est d’ailleurs résolument internationale : Allemagne, Japon, Grande-Bretagne, Israël, et Canada avec le baryton Brett Polegato chantant le roi Amfortas, et le baryton-basse Thomas Goerz en roi Titurel. Que de belles voix, phénoménales, puissantes, avec une nette propension wagnérienne, ce qui est primordial pour relever ce titanesque défi musical et lyrique qu’est Parsifal.

Parsifal à Lanaudière par Christina Alonso 1

Photo par Christina Alonso.

Nommé en juin dernier directeur musical du Metropolitan Opera de New York à partir de la saison 2020-2021, Yannick Nézet-Séguin succèdera donc à James Levine qui en a assumé la responsabilité depuis 40 ans. Mais, dès février 2018, le jeune chef prodige dirigera au MET la version opéra de Parsifal, avec un autre prodige à la mise en scène, François Girard, qui l’avait montée au même endroit en 2013 avec Jonas Kaufmann dans le rôle-titre sous la direction de Daniele Gatti, avec beaucoup d’éloges.

Ainsi, l’on ne pouvait imaginer mieux que l’Orchestre Métropolitain et cette œuvre rare pour la clôture 2017 de ce rendez-vous musical estival avec sa réputation fort méritée qu’est le Festival de Lanaudière.

Pendant les cinq semaines dernières où Joliette était en liesse, 14 concerts auront été donnés à l’Amphithéâtre Fernand-Lindsay, huit concerts dans les églises de toute la région, un à la Salle Rolland-Brunelle, sans oublier les quatre soirées de cinéma musical sous les étoiles.

Près de 53 000 mordus seront venus, malgré le mauvais temps, participer à la consécration cet été encore des ensembles actuels les plus réputés de la grande musique.

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