Yefim Bronfman en récital solo à Montréal | Bronfman en demie-teinte

Le grand pianiste Yefim Bronfman était de passage mardi soir à Montréal pour donner un récital alors que ce dernier, originalement prévu en janvier, avait été reporté pour cause de tempête de neige. Le programme très éclectique promettait de belles étincelles et beaucoup de tableaux différents, mais s’est avéré très hermétique…

On attendait avec impatience les couleurs folkloriques de Bartok, la douce folie de Schumann, l’impressionnisme de Debussy et la chaleur percussive de Stravinski. Malheureusement, Bronfman, qui demeure l’un des pianistes les plus en vogue actuellement et l’un de mes coups de coeur, n’était probablement pas dans un bon jour puisque son récital est apparu tout de suite très hermétique.

Dès le début, on a dû faire face à une bulle qui semblait infranchissable. Le pianiste proposait une interprétation assez droite et noyée dans la pédale sans tenir compte de l’acoustique de la salle et du temps que le public a besoin pour assimiler ce qu’on lui envoie. Il restait impénétrable et posait des barrières entre lui et son public dès les toutes premières mesures de la suite pour piano op.14 de Bartok.

On a même eu l’impression à certains endroits qu’il ne savait pas trop comment se sortir des pièces qu’il avait choisies, ni dans quelle direction aller, s’embrouillant à certains endroits dans des phrases qui perdaient leur sens. Ce fut surtout le cas dans l’Humoreske de Schumann où il a été difficile de trouver une cohésion à l’ensemble et à comprendre les transitions qui semblaient hâtives. Difficile de se garder attentif alors que le pianiste semblait vouloir en finir vite.

Même dans la suite bergamasque de Debussy, on aurait aimé un peu plus de recherches de timbres différents alors que l’on a eu droit à une interprétation franche et matérialiste qui ne correspond pas au compositeur français. Finalement, peut-être que la Maison Symphonique est une salle trop grande pour un récital de piano solo qui se voulait plus intime qu’éclatant.

Il a fallu attendre le Petrouchka de Stravinski pour entendre la magnificence dont est capable Bronfman mais ici encore on avait parfois du mal à tout intégrer et on aurait souhaité de plus amples respirations qui n’auraient cependant pas dénaturé la pièce.

Mais c’est véritablement avec le bis, l’Arabesque de Schumann, que le vrai Bronfman est apparu. Plus relâché, il s’est laissé aller dans des couleurs de nuances absolument incroyables. Cette pièce, sous les doigts du pianiste hier soir, est devenue un véritable bijou. On a enfin entendu toute la poésie et la douceur qu’il est capable de transmettre.

Vos commentaires