We Will Rock You

We Will Rock You au St-Denis | Une adaptation imposante

Quand on parle du band mythique Queen,  la voix de Freddie Mercury résonne dans notre tête et une aura théâtrale se dégage immédiatement des hits que le groupe nous a laissé. Il était donc tout naturel que quelqu’un s’en empare pour les mettre en scène dans une comédie musicale, et, contre toutes attentes, comédie est le mot juste bien que ce ne soit pas ce que l’affiche laisse entendre. L’histoire de We Will Rock You, écrit par l’auteur, scénariste et humoriste anglais Ben Elton, est particulièrement loin de ce qu’on pourrait imaginer comme prémisse sur les paroles de Queen. Attachez-vous pour le récit d’un spectacle déjanté, vu ce mercredi 7 mai 2025 dernier.

Nous sommes accueillis par des lampes rouges braquées sur le public, alors qu’une voix robotisée récite les avertissements d’usage, avec une pointe de menace. La dystopie annoncée démarre alors qu’un hacker « bohémien » (oui oui, à cause de la toune) tente de s’introduire dans les archives de GlobalSoft, empire numérique dominant la terre, avec à sa tête une IA sexy et impitoyable nommée Killer Queen. Alors qu’il se fait repérer par les bots de surveillance, il réussit à téléverser les fichiers de l’ancien Limewire (déjà une joke pour les gens nés dans les années 80) dans le cerveau d’un étudiant qui était en recharge. On suppose alors que les humains sont devenus des clés USB géantes.

Ce garçon développe ensuite des hallucinations auditives qui le poussent à chanter des mélodies originales issues du fichier désormais dans sa tête, chose interdite par Globalsoft. Il se déclare même une identité propre et décide qu’il s’appelle Galileo Figaro (encore à cause de la toune) plutôt que 5306. Le sous-fifre de la reine, Khashoggi, tente de l’arrêter pour avoir chanté, mais Galileo s’enfuit. S’engage alors une chasse à l’homme pour l’équipe de Globalsoft, ainsi que pour les bohémiens, qui recherchent eux aussi celui qu’ils appellent le « Rêveur ». Une jeune femme se greffera à la fugue de Galileo, attirée à sa suite par une ironie du sort. Comme elle n’a elle aussi qu’un nom de code, Galileo la baptisera Scaramouche (rendu là!). Ils rencontrent les bohémiens, dont le but est de déterrer le rock and roll grâce aux archives dans la tête de Galileo.

J’arrête ici le synopsis, car nous ne sommes qu’au quart du spectacle et je suis essoufflée. À travers tout ce scénario rocambolesque, somme toute assez prévisible, se retrouve un enchevêtrement de numéros avec les hits de Queen, à l’instar de Mamma Mia avec ABBA. Comme il aurait été sacrilège de traduire certaines chansons en français, bien que l’adaptation de Mamma Mia avait osé sauf pour Dancing Queen, les interprètes font les pirouettes entre le français pour les scènes parlées et les paroles originales anglaises lorsque la musique part. Il est préférable d’être bilingue pour apprécier toutes les subtilités liés à l’histoire et aux paroles, mais on fredonne allègrement les chansons et ça n’a finalement pas tant d’importance.

L’important, c’est la musique et la dose d’énergie et d’humour insufflée par la solide distribution. Aucun maillon faible dans cette brochette de seize comédien,ne.s qui bougeaient aussi bien qu’ils chantaient et jouaient. Patrick Olafson, avec sa voix solide et son jeu comique, est parfait en subalterne de sa Majesté, incarnée par une Annie Villeneuve méconnaissable. La qualité de son interprétation dépasse les attentes. Déjà qu’elle chante comme un reine, elle bouge et soutient des inflexions robotiques très efficaces. On lui pardonne quelques glissements québécois dans sa diction somme toute normative, car son charisme rachète tout.

On retrouve Martin Rouette dans un rôle court, mais qui lui permet de défendre des chansons qui vont très bien avec sa voix. Sa blonde de scène, Laurence Champagne, est une belle découverte; naturelle, bonne voix, bien que pas aussi puissante que ses collègues. À sa défense, le calibre vocal est extrêmement élevé, et le couple vedette ne laisse pas sa place : Frédérique Cyr-Deschênes en Scramouche démontre une belle sensibilité dans sa voix forte, parfois rauque, s’alliant tout à fait au répertoire. Et que dire de Pierre-Olivier Grondin… la maîtrise vocale de ce jeune homme dans le rôle de Galileo dépasse beaucoup de performance qu’on a pu voir au Québec. C’est absolument exceptionnel ce qu’il déploie comme puissance et contrôle, et on ne pouvait rêver mieux pour accoter le timbre unique de Freddie Mercury.

 

Je me garde une mention spéciale pour Benoît Finley. Comédien aguerri qui roule sa bosse depuis longtemps mais qui n’a pas attiré tant que ça l’oeil du grand public. Les rôles de Ozzy et du Docteur lui permettent de briller sous plusieurs angles. Les personnages qu’il crée sont à la fois attachants et hilarants, et sa voix chantée permet de belles nuances. Il démontre même des habiletés à la guitare électrique en déployant LE solo de Bohemian Rapsody, numéro final très réussi avec l’éclairage en vedette.

En effet, durant tout le spectacle, les éclairages sont un personnage en soit, démontrant qu’avec du budget on peut aussi innover sur les scènes du Québec.

La mise en scène de Steve Bolton est efficace, bien que statique à certains moments qui auraient pu être exploités plus en sensibilité. Car les moments d’émotion sont courts dans We Will Rock You, toujours rattrapés par l’humour du livret et l’absurdité des péripéties. La fin implique même un deus ex machina à Graceland, domaine d’Elvis Presley, où une guitare avait été enfouie dans un mur de brique, et qui apparaît grâce à la magie du public qui entonne We Will Rock You avec les interprètes.

Bien que le livret soit totalement éclaté, on en ressort avec une énergie renouvelée et l’impression d’avoir participé à un hommage à Queen que même Freddie aurait aimé et approuvé.

We Will Rock You est à l’affiche de l’Espace St-Denis jusqu’au 18 mai 2025. Détails et billets par ici.

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