Orchestre Symphonique de Montréal

Turangalîla-Symphonie de Messiaen : Nagano, Aimard et l’OSM transcendants

On attendait avec impatience mardi soir le retour de la Turangalîla-Symphonie de Messiaen à l’OSM, sous la baguette de Nagano, oeuvre qu’il a déjà endisquée avec le Philarmonique de Berlin et le pianiste Pierre-Laurent Aimard. Hier soir, le chef d’orchestre a de nouveau collaboré avec le pianiste français et a donné la parole à Estelle Lemire pour la partie des ondes Martenot. Retour sur un concert éclatant.

Les amateurs de Messiaen, l’un des plus grands compositeurs français du 20ème siècle ont du être ravis hier : Nagano et son orchestre avait concoté un programme de presque deux heures de musique dédié à cette grande figure. En première partie, L’ascension, quatre méditations, était donnée dans une version qui mixait celle pour orgue et celle pour orchestre. Ainsi, la première et la quatrième méditation étaient interprétées à l’orgue par Hans-Ola Ericsson. De caractère contemplatif et méditatif, il a été très judicieux de confier ces deux pièces à l’organiste qui a su leur donner une magnifique texture d’ascension, tout particulièrement dans la dernière. Les deux méditations centrales, beaucoup plus rythmées et éclatées, ont quant à elles été interprétées dans la version orchestrée, leur conférant ainsi une couleur plus cuivrée et flamboyante. Ce fut une très belle entrée en matière dans la musique de Messiaen.

En seconde partie, la Turangalîla-Symphonie, oeuvre d’envergure de plus d’une heure et quart, rarement donnée en concert aux vues de sa complexité et de l’effectif demandé, donna l’occasion encore une fois à l’OSM et son chef d’orchestre de ravir les oreilles du public de la Maison Symphonique. On a rarement entendu un Nagano diriger son orchestre avec autant de ferveur et de précision. C’est dans ce genre de concerts que l’on peut voir à quel point la musique du 20ème siècle lui sied à merveille. Tenant d’une main de fer ses musiciens d’un bout à l’autre de la pièce, connaissant parfaitement sa partition, il a su faire valoir sa vision de l’oeuvre avec des musiciens investis et solides. La Turangalîla pourrait être considérée comme un concerto pour orchestre : chaque partie est sollicitée continuellement. Nagano a réussi hier à rendre la pièce limpide, dirigeant à la fois avec souplesse et précision, sortant de l’orchestre de magnifiques couleurs et textures. Tout est apparu limpide, que ce soit dans la construction de l’oeuvre ou dans les différents motifs thématiques. Même un auditeur amateur pouvait sans se tromper identifier les thèmes cycliques mentionnés dans le programme. Il a pu s’appuyer sur un pianiste transcendant, dans son élément et qui lui a permis de s’occuper du reste de l’orchestre à bien des endroits.

La prestation de Pierre-Laurent Aimard fut absolument ahurissante : à la fois inébranlable et flexible, sobre et chaleureuse, rigoureuse et colorée. Impressionnant d’un bout à l’autre, à l’affût de chaque entrée de pupitre, on sent qu’il est dans son élément et on a l’impression que l’oeuvre fait complètement partie de lui. Kent Nagano a fait un très bon choix en choisissant de réinviter ce pianiste que l’on entend trop peu en Amérique du Nord et qui est pourtant un véritable poète des sons. C’était Estelle Lemire qui était en charge de la partie des ondes Martenot, un instrument plutôt méconnu mais pourtant ô combien important pour les compositeurs du 20ème siècle. La vision de Nagano a privilégié la mise en avant du piano et l’intégration des ondes Martenot aux différentes textures de l’orchestre ce qui donnait parfois des couleurs captivantes et nouvelles.

Ce fut donc un concert de haut calibre qui nous a été donné d’entendre hier soir et qu’il est encore possible d’entendre ce soir. Un émerveillement pour les oreilles qui a su nous prouver que Nagano et l’OSM sont capables d’être grands.

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