crédit photo: Thomas Mazerolles
Tootsie

Tootsie le musical | Un bon divertissement, sans plus

Les représentations de la comédie musicale Tootsie ont débuté la semaine dernière à Montréal. Il s’agit de la première adaptation francophone du musical qui roule depuis 2018, lui-même adapté du film éponyme de 1982 avec Dustin Hoffman. Le spectacle, qui a reçu 11 nominations aux Tony Awards lors de sa création en 2018, propose un livret classique de Broadway, composé de quiproquos, d’hommes déguisés en femmes et de comédies de situations qui se résolvent en dansant.

Le synopsis de Tootsie est assez shakespearien : Michael Dorsey, un comédien en manque d’humilité et, par le fait même d’emploi, décide d’auditionner en tant que femme et obtient son premier grand rôle dans une production musicale. Mis en garde par son ami et colocataire, il enchaîne les problèmes liés à sa double identité et les remises en question morales sur le fait de voler des rôles aux vraies femmes. Évidemment, il tombe amoureux de sa partenaire de jeu, Julie, et il semble que ce soit réciproque, même au-delà du fait que Julie pense que Michael est une vraie femme, renommée Dorothy.

Malgré la ressemblance avec La Nuit des rois, c’est là que le bât blesse : pourquoi une femme hétéro s’enticherait-elle d’une autre femme soudainement ? Juste parce que c’est en fait un homme ? Plusieurs questions se posent quant à la teneur supposément féministe du scénario. Un homme, travesti en femme, se porte à la défense de la cause féministe parce que sa position temporaire de femme lui « ouvre les yeux » ; il enjoint alors les femmes à mieux affirmer leurs besoins et à critiquer l’autorité masculine ouvertement. Mais le message n’est-il pas contradictoire ? Cela voudrait-il dire que ça prend un homme pour permettre aux femmes d’enfin agir comme des hommes ? Est-ce que les femmes ont besoin d’un homme pour les « réveiller » ? Et rien de mieux qu’un homme qui est capable de bien jouer une femme pour faire un spectacle divertissant ? Tout le monde ne sera pas de mon avis, puisque le musical a reçu le Tony pour le meilleur livret, l’équivalent des Oscars de Broadway.

Cela dit, même si les questions d’identité de genre ont beaucoup évolué depuis le film de 1982, je pense que les créateurs, des hommes cis-hétéros, avaient de bonnes intentions au moment de la création. Le show reste divertissant, malgré le scénario invraisemblable. Le metteur en scène Alexis Pitkevitch, présent à la première, a avoué modestement que c’était sa première mise en scène, et malheureusement, cela transparaît, surtout dans les transitions. Avec beaucoup de longueurs entre les scènes, des fins de numéros hésitantes et des moments vides, il y a une surutilisation du rideau chatoyant rouge qui n’est pas nécessaire. Les déplacements de décors, eux aussi, pourraient être affinés. La musique de David Yazbek (The Full Monty) reste efficace, mais offre des moments de débits rapides et jazzés à la Sondheim qui tranchent avec le style des morceaux plus pop.

Cependant, les interprètes sont tous très solides, particulièrement José Dufour, qui change son timbre chanté selon qu’il est Michael ou Dorothy, impressionnant par ses multiples personnifications. Kania Allard, qui incarne Julie, brille par sa voix beltée, chaude et puissante. Elle a fait preuve d’un professionnalisme sans faille lorsque son micro-casque a flanché et qu’elle a dû jouer une scène complète avec un micro à main. Les personnages comiques sont également interprétés avec brio : le colocataire scénariste raté, l’ex hystérique de Michael, le metteur en scène tyrannique et le gagnant de télé-réalité qui essaie d’être acteur — respectivement Éric Thériault, Joëlle Bourdon, Jean-François Poulin et Guillaume Borys — tous hilarants.

En faisant abstraction des failles scénaristiques et de la mise en scène inachevée, on passe une bonne, mais assez longue soirée avec une distribution formidable et on assiste à un bon divertissement, sans plus.

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