Territoires de paroles au Théâtre Prospero | Lectures de textes étrangers inédits et soirées festives
L’événement, qui en est à sa troisième édition, est devenu un incontournable pour quiconque s’intéresse aux écritures actuelles en théâtre et qui se donne la chance de faire des découvertes d’auteurs étrangers dont souvent le travail est encore en gestation. C’est le cas pour « Nous, l’Europe, banquet des peuples », de l’auteur français Laurent Gaudé, qui fera partie en juillet prochain du vénérable Festival d’Avignon.
Carmen Jolin, la directrice artistique du Prospero, est l’instigatrice de ce festival hors du commun élaboré avec la collaboration artistique de Roland Auzet, directeur de la compagnie de théâtre française Act Opus et metteur en scène. Tel un vivarium grouillant d’énergie créatrice, avec souvent une première ébauche de travail annonciatrice de l’œuvre en devenir, Territoires de paroles regroupe pendant deux semaines cette année pas moins de 80 artistes pour qui le théâtre, c’est la vie.
Mardi soir marquait un temps fort de la programmation avec en primeur des extraits de Nous, l’Europe, banquet des peuples de Laurent Gaudé, dont la version aboutie sera présentée au prestigieux Festival d’Avignon du 6 au 14 juillet. C’est ce même auteur couronné du Goncourt qui signe actuellement au Prospero la pièce Écoutez nos défaites end, mise en scène aussi par Roland Auzet, et interprétée par Gabriel Arcand et le comédien français Thibault Vinçon avec un tel succès que des supplémentaires ont été annoncées jusqu’au 18 mai.
Le grand comédien québécois Emmanuel Schwartz et Thibault Vinçon ont présenté des fragments de Nous, l’Europe…, un théâtre politique qui réunira 11 acteurs de plusieurs nationalités et un chœur de 60 enfants à Avignon. Véritable réquisitoire sous la forme d’un constat révélateur, la pièce parle du mal-être social devant le flux migratoire qui sévit dans les 27 pays avec leurs 27 gouvernements de l’Europe d’aujourd’hui et ses 742 millions d’habitants. Il est question de l’Europe « qui a perdu le sommeil », de l’Europe des apatrides et des migrants indésirables qui ont tout laissé derrière eux pour trouver une terre d’asile dans la jungle qu’elle est devenue et développer un nouveau sentiment, vital, d’appartenance.
Emmanuel Schwartz et Thibault Viçon, photo par Denis Lapierre
Emmanuel Schwartz est le seul comédien québécois qui fera partie de l’aventure avignonnaise. Il fallait voir ce grand six pieds au Prospero, occupant tout l’espace scénique, jusqu’à livrer du texte debout sur les deux larges tables contigües au centre, quand ce n’était pas en ajoutant à sa prestation la guitare électrique qu’il manie comme une arme. Et l’occasion était bonne pour Thibault Vinçon de porter un chandail du Canadien de Montréal, comme un exode du carcan identitaire qui nous colle à la peau. « Le monde ne sera plus jamais comme avant », pouvions-nous l’entendre dire.
En première partie, on aura eu le bonheur de voir à l’œuvre, seule en scène, la prodigieuse comédienne Sophie Desmarais dans The one dollar story, un très beau texte au spectre large et incisif du Français Fabrice Melquiot, également mis en lecture par Roland Auzet, et qui sera créé fin mai en Nouvelle-Calédonie dans la mise en scène de Laurent Rossini. Melquiot, dont les pièces ont été traduites en une douzaine de langues, a essaimé aux États-Unis, au Chili et en Allemagne. Depuis 2012, il dirige le Théâtre Am Stram Gram à Genève.
Sophie Desmarais a livré une performance d’actrice remarquable plutôt qu’une simple lecture de ce road-movie théâtral traversant l’Amérique à la croisée des chansons de Leonard Cohen et de la voix off de sa mère, à la conquête aveugle du fameux dollar américain de la poétesse Emily Brontë. « J’aurais aimé être belle, mais je suis un cactus », dira la comédienne après son avertissement du début selon quoi « Tout est envahi ».
Sophie Desmarais, photo par Denis Lapierre
À ne pas manquer vendredi, Grand menteur, un texte inédit de Laurent Gaudé qu’il lira lui-même, suivi de De sang et de lumière, son recueil de poésie interprété entre autres par Éric Robidoux et Paul Savoie, dirigés par Roland Auzet. Le tout sera suivi d’une rencontre avec l’auteur qui a déjà dit : « Je veux une poésie du monde qui voyage, prenne des trains, des avions, plonge dans des villes chaudes. »
Et samedi, Brise marine, un déambulatoire partout dans le Prospero à partir des textes inédits de quatre auteurs, dont Jon Fosse et Évelyne de la Chenelière, interprétés par six comédiens, parmi lesquels Christian Bégin et Delphine Bienvenu, sous la direction de Jérémie Niel, évoluant dans un environnement sonore bizarre, spécialement conçu par Sylvain Bellemare.
Un party de clôture, auquel tous sont invités, commencera à 23h. Mais, il faut savoir qu’une incitation à prolonger le plaisir des soirées de Territoires de paroles en musique et en mots est en vigueur pendant tout le festival. Piano et micro sont à la disposition des mordus au bar du Prospero en fin de soirée, pour célébrer dans ce qu’elle a de plus actuelle la parole théâtrale.
- Artiste(s)
- Territoires de paroles
- Ville(s)
- Montréal
- Salle(s)
- Théâtre Prospero
Vos commentaires