
Rue Duplessis chez Duceppe | Une petite noirceur lumineuse
Après la sortie de son roman autobiographique saisissant, Jean-Philippe Pleau récidive dans une adaptation de sa « petite noirceur » sur scène. Intitulée Rue Duplessis, la pièce est présentée au Théâtre Jean-Duceppe de la Place des Arts jusqu’au 4 octobre, avant de partir en tournée au printemps 2026 dans 14 villes du Québec.
Élevé sur la rue Duplessis à Drummondville, le sociologue et animateur de Radio-Canada raconte ses origines dans un élan de bienveillance et de réconciliation avec ce qu’il appelle la déchirure sociale. Se sentant toujours le cul entre deux chaises, entre son Drummond natal et son Rosemont d’adoption, il ose une première incursion dans l’univers théâtral, se prêtant au jeu avec modestie et fébrilité. Mais s’appuyant des deux solides comédiens que sont Steve Laplante et Michel-Maxime Legault, il déploie un récit d’une authenticité désarmante.
Une façade de maison de banlieue des années 1970, petite maison d’un quartier ouvrier comme il ne s’en fait plus, avec un « char » blanc intérieur bourgogne comme il ne s’en fait plus.
On éclaire l’intérieur de la maison, et trois micros posés sur une table de cuisine nous apparaissent. Jean-Philippe Pleau sort de la voiture, et confie s’être laissé convaincre par la production de participer au spectacle, bien qu’ils les ait avertis ne pas être comédien, n’avoir même jamais fait d’impro au secondaire, tout étonné qu’ils n’aient pas jugé sa tendance aux crises de panique problématique. Cette vulnérabilité de sa part établit d’emblée une complicité avec le public.
L’animateur s’installe derrière un des micros, là où il est visiblement le plus à l’aise. Débute alors un récit fragmenté, dépeint à la fois par la narration de Jean-Philippe, mais aussi dans l’interprétation de ses parents et d’une myriade de personnages secondaires qui ponctuent les évènements marquants de son enfance. À travers les anecdotes, on sent beaucoup d’amour et de bonnes intentions des parents pour leur enfant unique, mais beaucoup de manques aussi : manque d’outils pour communiquer, de mots, forcément… manque d’informations, et surtout de curiosité intellectuelle. Dans un monde où le plus important est de «posséder un char neuf» à crédit, le jeune Jean-Philippe peine à s’épanouir et s’accroche aux maigres repères offerts par son milieu.
Le portrait caricatural des parents dépeint par l’auteur est pourtant si près de la réalité : la plupart vont y reconnaître un proche parent dans le personnage de sa mère anxieuse, qui le met en garde contre toutes les menaces du monde. « Bonne journée à l’école pis fais ben attention aux maniaques!» Réplique savoureuse parmi tant d’autres, lancée par Michel-Maxime Legault qui incarne cette mère cimentée dans des biais cognitifs aussi absurdes que tristes.
Le père tente quant à lui d’exprimer son amour à sa façon, en engueulant son fils parce qu’il n’avait pas vu l’heure passée en jouant au Nintendo chez son ami. Sans tomber dans une violence physique, cette violence sourde est alimentée par la peur et l’ignorance, et ces deux notions traversent toutes les étapes et décisions de la famille.
C’est tout de même avec humour que Pleau décortique son émancipation socioéconomique, avec un procédé théâtral efficace; il se décuple en trois versions de lui-même. Le Jean-Philippe de Radio-Canada qui a suivi des cours de dictions, le Jean-Philippe de la rue Duplessis qui ne comprend pas les références culturelles ou dit des mots inventés, et le Jean-Philippe sociologue qui observe et critique les inégalités sociales en pansant ses blessures. Ce trio comique exprime parfaitement le contraste qui l’habite, lui et beaucoup d’autres, et ce sentiment de n’appartenir à aucun de ces mondes au final.
Bien que Jean-Philippe Pleau ait pris soin que le dévoilement de son histoire soit fait dans le respect de ses proches, certains d’entre eux ont intenté des recours légaux contre lui. S’ils assistaient à ce spectacle, ils comprendraient peut-être mieux que le garçon devenu un homme n’a que de l’amour et de l’empathie pour sa famille, et que tant de gens lui témoignent leur reconnaissance pour avoir exposer sa vie publiquement. Ou peut-être n’y verraient-ils que des hommes qui se prennent pour des femmes, qui pètent plus haut que le trou et qui se pavanent sur un grand théâtre de « Morial ».
En espérant que ce spectacle touchant, drôle et nécessaire se retrouve rapidement en tournée… à Drummondville.
Pour l’instant, c’est au Théâtre Jean-Duceppe du 3 septembre au 4 octobre, avec des supplémentaires 16 et 30 octobre. Détails et billets par ici.
Texte : Jean-Philippe Pleau
Adaptation théâtrale : David Laurin
Mise en scène : Marie-Ève Milot
Interprétation : Steve Laplante, Michel-Maxime Legault et Jean-Philippe Pleau
- Artiste(s)
- Rue Duplessis
- Ville(s)
- Montréal
- Salle(s)
- Théâtre Duceppe
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